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Actualités France

Politique de l'eau : vers une remise à plat inéluctable

30 octobre 2011 Paru dans le N°345 ( mots)
On connait désormais le coût réel des pollutions d'origine agricole en France. L?étude a été réalisée et rendue publique par le ministère de l'écologie lui-même. Ces conclusions, dont on lira le détail dans les pages qui suivent, évaluent entre 1 et 1,5 milliards d'euros le surcoût des dépenses supplémentaires supportées par les ménages du fait des pollutions d'origine agricole. Ce qui se traduit, sur la facture d'eau et dans les régions les plus polluées, par un surcoût de 215 ? par personne et par an soit 1.075 ?/an pour une famille de 5 personnes'. Au plan collectif cette fois, l'étude établit que la dépollution des eaux souterraines due aux excédents de nitrates et de pesticides d'origine agricole, si elle était techniquement possible à grande échelle (ce qui n?est pas le cas), coûterait à la collectivité entre 522 et 847 milliards d'euros' Belle illustration de l'affaissement du principe pollueur-payeur au profit d'une pratique pollueur-payé que la Cour des comptes relayée par le Conseil d'Etat avaient en leur temps dénoncé. Pratique qui ne traduit d'ailleurs qu'imparfaitement la réalité, puisque le pollué paie en réalité deux fois pour la pollution qu'il subit : la première fois en tant que contribuable afin de financer les mesures de soutien apportées au secteur agricole ? plus de 10 milliards d'euros - et la seconde fois sur sa facture d'eau dont on sait maintenant que le surcoût moyen s'établit entre 7 et 12 % de son montant et même jusqu'à 140 % dans les régions les plus exposées à ces pollutions ! On pourrait penser que face à un tel constat, l'urgence soit à l'élaboration d'une politique visant d'une part à rééquilibrer les contributions de chacun au prorata de la pollution qu'il produit, et, dans un second temps, à l'élaboration de mesures préventives visant à réorienter les pratiques pour diminuer le volume et donc le coût des pollutions et des atteintes à l'environnement. Et bien malheureusement, il n?en est rien. Car les résultats de l'étude publiée par le MEDDTL ne semblent pas de nature à susciter une quelconque inflexion de la politique menée dans ce domaine. Certes, deux ans après la mise en demeure de la Commission européenne, la France s'est lancée dans une réforme de l'application de la directive « nitrates » de 1991. Cette réforme s'est traduite par la publication au Journal officiel du 11 octobre, d'un décret daté du 10 destiné à remplacer les programmes d'actions départementaux par un programme national appelé à être décliné ensuite à l'échelon régional. Problème : ce décret ouvre la voie, par le jeu d'une modification des surfaces sujettes à épandage, à une augmentation de la quantité d'azote potentiellement épandue sur les sols d'environ 20%.... Certes, les ministères de l'écologie et de l'agriculture organisent jusqu'au 18 novembre prochain, une consultation publique sur un projet d'arrêté définissant le contenu du programme d'actions national à mettre en ?uvre pour réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole. Ce projet de texte prévoit, entre autres, l'allongement des durées d'interdiction d'épandage et exige la mise en ?uvre d'un meilleur équilibre de la fertilisation azotée à la parcelle. Il devrait être suivi au début de 2012, d'un deuxième texte qui pourrait renforcer le contrôle de cet équilibre entre besoins azotés et apports à la parcelle dans les zones les plus sensibles. Mais tout ceci parait bien dérisoire au regard des enjeux environnementaux et financiers auxquels nous sommes confrontés. Et il est à craindre que nos politiques soient bien plus attachés à calmer les impatiences de Bruxelles et éviter tout nouveau tacle, notamment sur le dossier « algues vertes », plutôt qu'à remettre à plat une politique de l'eau que l'on savait coûteuse, inefficace et que l'on sait désormais largement inéquitable.