La qualité des eaux bretonnes serait-t-elle en voie d'amélioration ?
La clôture par la Commission européenne de la procédure d'infraction engagée contre la France au sujet de la pollution des ressources en eau potable par les nitrates en Bretagne assortie d'un satisfecit sur les efforts réalisés par notre pays pour remédier à la situation pourrait le laisser penser.
Bien évidemment, il n?en est rien.
D?abord parce que le dossier refermé par Bruxelles ne concerne que la qualité des eaux brutes destinées à être potabilisées. Mais la directive nitrates, elle, n?est toujours pas respectée.
Ensuite parce que si la France est parvenue à rentrer dans les clous en réussissant à réduire le nombre de captages dont les teneurs en nitrates sont supérieurs à 50 mg/l, ce n?est pas grâce à une amélioration globale de la qualité des eaux brutes mais bien parce que dans de nombreux cas, précisément 18 sur 37 selon l'association Eau et Rivières de Bretagne, le problème n?a été résolu que par une fermeture pure et simple des captages incriminés'
En ce sens, la déclaration du préfet de Bretagne, premier représentant de l'Etat dans la région, qui a tenu à rendre hommage « aux efforts réalisés par les agriculteurs », ne peut que laisser rêveur?
En réalité, chacun l'aura compris, rien n?est résolu. La décision de la Commission d'abandonner les poursuites n?est une bonne nouvelle que pour les contribuables qui n?auront pas à supporter le poids des lourdes amendes dont nous étions menacés.
Mais les problèmes de fond demeurent. Malgré le volontarisme de façade affiché par les pouvoirs publics, aucune raison objective, aucun plan, aucune des mesures adoptées n?est susceptible de permettre une quelconque amélioration de la situation dans les années à venir.
Pire, même : le rejet in extremis de l'amendement du député des Côtes-d'Armor Marc Le Fur qui visait à relever à 2.000 contre 450 actuellement, le seuil à partir duquel une autorisation doit être obtenue pour un élevage de porcs, alors même que leur responsabilité dans la prolifération des algues vertes sur les plages bretonnes est avérée, montre combien nous sommes encore bien loin d'une réelle prise de conscience, préalable indispensable à toute opération de reconquête de la qualité des eaux bretonnes.
Malgré tout, les positions évoluent. Dans son rapport annuel 2010, la Cour des comptes a une nouvelle fois pointé « l'insuffisante volonté de l'Etat de remettre en cause des pratiques agricoles marquées par l'encouragement au productivisme et le choix d'une agriculture intensive ». Le Conseil d'Etat lui-même, d'ordinaire assez prudent, n?a pas hésité à dénoncer la dérive dont bénéficient les agriculteurs par rapport à la règle pollueur-payeur : « La France applique à ses agriculteurs le principe pollueur-pas payeur-bénéficiaire, c'est-à-dire qu'elle les laisse polluer, les dispense très largement du paiement des redevances pour pollution diffuse mais les fait bénéficier des aides publiques à la dépollution » peut-on lire dans le rapport « L?eau et son droit » publié au moins de juin dernier.
Et des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour dénoncer la situation dérogatoire de l'agriculture au regard de son impact sur l'environnement.
Loin d'être un service rendu aux agriculteurs, ce régime dérogatoire de fait, dévastateur pour la qualité de nos ressources en eau, ruine les efforts que certains ont déjà consentis et fragilise les projets qui permettraient d'évoluer vers une agriculture plus saine et plus responsable.
Il est donc grand temps que les politiques prennent leurs responsabilités en aidant le monde agricole à prendre en compte la dimension environnementale de ses activités. La cohérence de notre politique de l'eau et la pérennisation de la filière agricole sont à ce prix.