Le lac Léman connaît de grandes fluctuations d’une saison à l’autre en raison des variations de température et de la force des vents. La plateforme de recherche LéXPLORE a monitoré durant un an les mouvements du lac pour comprendre l’influence des éléments naturels sur son brassage. Cette recherche pionnière vient combler des études jusqu’ici partielles sur le sujet.
Vitesse
du vent, vitesse du courant, températures, turbulence… D’avril 2019 à avril
2020, les scientifiques de la plateforme de recherche flottante LéXPLORE ont enregistré un ensemble de données qui
permettent de comprendre comment fonctionne le brassage à l’intérieur du lac
Léman sur une année complète. Ils viennent de publier leurs résultats dans la
revue Communications Earth & Environment du groupe Springer Nature.
L’influence du changement de température
et des vents sur le brassage des grands lacs reste encore un mystère pour les
scientifiques en raison de limitations techniques. Pourtant, ce brassage est
essentiel pour l’oxygénation et l’alimentation de la faune et de la flore. Un
doctorant de l’EPFL a récemment pu analyser l’influence des vents durant la
saison hivernale sur le brassage du Léman.
Cette nouvelle recherche va plus loin en basant son analyse sur un cycle annuel et en enregistrant les mouvements turbulents et de brassage à l’échelle du centimètre, de l’intérieur du lac jusque dans ses profondeurs. « C’est la première fois que l’on peut vraiment comparer le comportement du lac d’une saison à l’autre en mesurant et en analysant ses mouvements à grande et petite échelle sur une année complète », précise Bieito Fernández Castro, ancien post-doctorant au sein du Laboratoire de physique des systèmes aquatiques (APHYS) de l’EPFL et premier auteur de l’étude.
Trois fois plus important durant l’hiver
Grâce à des mesures effectuées de la surface au fond du lac, les scientifiques peuvent indiquer que le brassage dans ses couches intérieures et profondes est trois fois plus important durant l’hiver que l’été, en raison notamment de la force des vents, plus soutenue durant la saison froide. Ce brassage se déroule principalement dans la zone benthique, soit la plus profonde du lac. Les scientifiques ont également observé que les saisons printanières et automnales sont pour l’instant comparables, le brassage y opérant à un stade intermédiaire. Durant l’été, le brassage est très faible dans les couches plus profondes, en raison des vents légers et du réchauffement solaire qui empêchent les couches du lac de se mélanger, car elles sont alors de densité différente.
Monitoring continu
Cette recherche représente un grand pas
dans la surveillance de la santé d’un lac de grande taille tel que le Léman,
qui fournit des services écologiques et assure une partie de l’eau potable de
sa population environnante. Avec ses 100m2, la plateforme LéXPLORE, joue le
rôle de pionnière dans ce type de contrôle continu depuis son inauguration en
février 2019. A son bord, des scientifiques de l’EPFL et de l’Université de
Lausanne, de Genève, de l’Eawag et du Centre Alpin de Recherche sur les Réseaux
Trophiques et les Écosystèmes Limniques (unité mixte entre l’Université Savoie
Mont Blanc et l’INRAE à Thonon-les Bains) y récoltent des données à l’aide de
plus de 100 capteurs.
«
Notre recherche montre l’importance de monitorer en continu de tels lacs,
afin de détecter tout nouveau comportement suspect lié aux changements globaux »,
précise Bieito Fernández Castro. « Elle montre aussi que l’analyse annuelle
de la température du lac ne suffit pas, car l’influence de l’énergie éolienne
est cruciale pour garantir son brassage. Pour mieux comprendre les effets du
changement climatique, il faut donc monitorer les mouvements du lac à grande et
petite échelle, comme nous l’avons fait ici ». Le chercheur indique encore que cette étude
prouve que le changement climatique modifiera durablement le brassage du lac,
sans qu’on en comprenne exactement la portée à ce stade.
Publication
Fernández Castro, B., D. Bouffard, C.
Troy, H.N. Ulloa, S. Piccolroaz, O. Sepúlveda Steiner, H.E. Chmiel, L.S.
Moncadas, S. Lavanchy, and A. Wüest (2021). https://www.nature.com/articles/s43247-021-00288-3