L’arrêté interministériel du 4 mai 2017 contient tous les éléments permettant de protéger l’eau, à la condition d’être correctement décliné dans chaque département. Or, un quart des départements seulement se sont conformés de façon stricte à cette réglementation. Tous les autres ont introduits dans la rédaction des arrêtés préfectoraux qui le déclinent des variations aboutissant le plus souvent à une régression du linéaire protégé. C’est ce qu’explique un rapport publié par le CGEDD le 1er juillet dernier.
L’arrêté du 4 mai 2017 a pour objectif de protéger
les « points d’eau » contre les pollutions diffuses par les produits
phytopharmaceutiques en excluant une zone minimale de 5 mètres de tout
traitement. L’enjeu est double : il s’agit de protéger la santé publique à
travers la qualité des eaux destinées à la consommation ainsi que la
biodiversité.
Problème : la définition des « points d’eau »,
cruciale dans la mesure où elle conditionne l’ampleur de la protection, n’est
pas claire. L’arrêté précise qu’elle englobe les cours d’eau définis à
l’article L. 215-7-1 du code de l’environnement mais aussi les éléments du
réseau hydrographique figurant sur les cartes 1/25 000e de l’IGN. Ainsi, par le
biais de cette définition, il ne soumet la protection des fossés, par exemple, cruciaux
compte tenu de leur rôle dans le transfert des pesticides vers les masses d’eau
superficielles et souterraines, que s’ils apparaissent sur la carte IGN.
L’arrêté interministériel précise par ailleurs que
les points d’eau à prendre en compte sont définis par arrêté préfectoral (AP).
Ce renvoi à une définition par arrêté préfectoral a
créé une situation juridique nouvelle. D’abord parce qu’en l’absence d’arrêté
préfectoral, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est libre de toute
contrainte de distance vis-à-vis des points d’eau. Ils ne sont soumis qu’à
l’interdiction générale d’application directe sur les éléments du réseau
hydrographique (art. 4 de l’arrêté). Or, si certains départements ont pris leur
arrêté dans le délai réglementaire, beaucoup d’autres ont tardé et pour 10 d’entre
eux, les AP datent de 2018…
Mais surtout, l’arrêté a ouvert la possibilité de
corriger les erreurs matérielles des cartes de l’IGN en retirant des points
d’eau si des données pertinentes le justifiait.
Résultat : en examinant la rédaction des arrêtés préfectoraux au
regard de ce qui était prévu dans l’arrêté ministériel, les auteurs du rapport
ont constaté que 24 départements seulement respectent, dans leur rédaction,
l’arrêté ministériel. Tous les autres arrêtés introduisent, dans le corps de la
rédaction, des variations qui vont de la non-prise en compte des cours d’eau intermittents,
à l’exclusion pure et simple de certains linéaires de la carte IGN (13
départements).
Au final, la mission estime qu’un minimum de 44
départements a une protection des points d’eau au moins équivalente à celle
existante avant la parution de l’arrêté ministériel du 4 mai 2017. « Dans
de nombreux départements, le jeu d’acteurs et les rapports de force locaux ont
conduit à une réduction, parfois forte par comparaison au nouveau référentiel
national, du réseau hydrographique protégé par des zones non traitées alors que
la protection de l’ensemble de ce réseau est nécessaire pour atteindre les
objectifs de qualité des eaux superficielles et réduire les coûts de
potabilisation » indique-t-elle.
Pour mieux prendre en compte le cadre national et
faciliter l’identification des points d’eau à travers une cartographie unique
et stable, facilement accessible, la mission propose, dans une seconde partie
des propositions.
La première concerne la prise rapide d’arrêtés là
où ils font défaut, c’est-à-dire dans le Pas-de-Calais, à La Réunion et à
Mayotte.
La seconde consiste à se doter d’un référentiel
cartographique unique. « La poursuite de la cartographie « police de l’eau
» et l’élaboration du référentiel hydrographique TOPAGE, référentiel en cours
de production à l’IGN, co-construit avec l'Agence française pour la
Biodiversité (AFB), offre l’opportunité de reprendre le travail dans les
départements où la protection des eaux superficielles s’avère insuffisante en
regard du référentiel national » indique-t-elle.
Le rapport préconise enfin un renforcement de la
réglementation locale : « En appliquant un principe de bon sens «
moins on en met, moins on en retrouve », interdire d’épandre à moins de 1 m des
éléments non identifiés sur les cartographies, en bord de champs ou de route,
qui ont un écoulement même intermittent, est une bonne pratique qui mériterait
d’être développée sur le territoire, en priorité dans les bassins versants
présentant des résultats d’analyse d’eau défavorables », précise-t-il.