Quand la réglementation bride l'innovation Qu'il est loin le temps ou la réglementation permettait de sauvegarder les ressources et le milieu naturel en créant les conditions d'un développement industriel dynamique et en favorisant l'innovation au sein des éco-industries ? La loi du 16 décembre 1964 à contribué à mettre en place un cadre institutionnel qui a largement fait école à l'international et a créé les instruments permettant de planifier, réguler et financer les investissements nécessaires à l'aménagement des ressources et à la lutte contre les pollutions. Ces acquis ont été prolongés par la loi du 3 janvier 1992 puis, dans une moindre mesure, par celle du 30 décembre 2006. Mais aujourd'hui, force est de constater que la réglementation évolue bien moins vite que les nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés. C?est par exemple le cas en matière d'assainissement non-collectif. La refonte de l'arrêté du 6 mai 1996 fixant les prescriptions techniques applicables aux systèmes d'assainissement non collectif se fait attendre depuis de nombreux mois, bloquant l'innovation et laissant dans l'expectative les collectivités locales et, in fine, les particuliers. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans notre numéro de mai, justement consacré à l'assainissement non collectif. C?est aussi le cas en matière de récupération et d'utilisation des eaux de pluie pour des usages domestiques. Une réglementation éparse et complexe, trop restrictive au niveau des usages, que même les interprétations parfois contradictoires de la direction générale de la santé ou du Conseil supérieur d'hygiène publique de France peinent à clarifier, limite clairement l'émergence de nouvelles réalisations. Du coup, le marché s'en trouve bridé et notre pays accumule un retard considérable en matière de récupération des eaux pluviales par rapport à nos voisins belges, allemands, norvégiens ou suédois pour n?en citer que quelques uns. Même constat concernant l'état de notre réglementation en matière de réutilisation des eaux usées épurées. On constatera à la lecture de notre dossier consacré au traitement des effluents industriels que le « zéro rejet » est devenu réalité dans de nombreux secteurs industriels. Les techniques de traitement qui permettent une réutilisation partielle ou totale des eaux usées au sein des process sont matures et reconnues. Les coûts ont également sensiblement diminué. De ce fait, la pratique s'est banalisée. Mais du côté des eaux usées urbaines, la réglementation qui limite la réutilisation des eaux usées épurées aux seuls usages agricoles bloque l'émergence de nombreux projets. Là encore, c'est bien un contexte réglementaire trop restrictif et, pour être clair, totalement dépassé, qui bloque le développement d'une pratique qui s'impose pourtant ailleurs dans le monde. Résultat, nos éco-industries, parmi les plus en pointe sur le sujet, sont cantonnées à des réalisations d'envergures limitées, ou bien à exercer leur savoir-faire à l'extérieur de nos frontières. Qu'on nous comprenne bien. Il ne s'agit pas ici de négliger les risques sanitaires qui pourraient découler d'une déréglementation incontrôlée au profit d'un dogme à la mode qui privilégierait l'innovation à tout crin. Mais plus simplement de prendre conscience que les techniques évoluent, tout comme les défis auxquels nous sommes confrontés, et que ce n?est pas forcément faire preuve de sérieux et de responsabilité que de tergiverser trop longtemps pour adapter notre corpus règlementaire aux nécessités du moment.