La vigilance sur la consommation d'eau fait désormais figure de norme sociale, tant elle s'impose rapidement dans l'ensemble de la société.
Le constat n?est pas nouveau et touche aussi bien les particuliers que l'industrie ou l'agriculture.
Les volumes d'eau prélevés en France pour les besoins des particuliers ont baissé de 3 % entre 1995 et 2007 alors que le nombre d'habitants progressait dans le même temps de 7 %. Comme le révèle une enquête du Crédoc dont on lira le détail dans les pages qui suivent, 66 % des Français veillent à fermer le robinet pour éviter tout gaspillage, alors qu'ils étaient moins de 50 % il y a seulement quinze ans. Un mouvement qui concerne tous les milieux sociaux et toutes les classes d'âge, jeunes y compris'
Du côté de l'industrie, les consommations ont également fortement baissé : la tertiarisation de l'économie, le renchérissement du prix de l'eau ces dernières années et la nécessaire recherche d'une amélioration permanente de la compétitivité ont incité les industriels à économiser l'eau, à la recycler et à la réutiliser. Résultat ? La consommation d'eau d'un industriel comme Renault a par exemple diminué de 25 % entre 1996 et 2001, alors que sa production d'automobiles augmentait sur la même période de 35 %. Autre exemple, les sites de production de Coca-Cola en France ont réduit leur consommation d'eau de 20% entre 2003 et 2010 et n?utilisent plus, en 2010, que 1,15 litre d'eau pour fabriquer un litre de produit fini contre 1,47 litre en 2008.
La filière agricole, longtemps rétive, commence à s'y mettre aussi : le récent accord entre Lyonnaise des Eaux et Terrena, première coopérative agricole française, qui vise, entre autres, à produire plus et mieux avec moins en maitrisant les consommations d'eau, en est une illustration.
Et les politiques publiques d'incitation à économiser l'eau se font plus pressantes.
En France, le plan national d'adaptation au changement climatique présenté en juillet dernier fixe pour objectif une diminution des consommations d'eau de 20 % d'ici 2020.
La Déclaration de Stockholm qui a clôturé la Semaine internationale de l'eau en Août dernier intègre également des objectifs très concrets pour améliorer l'efficacité de la gestion de l'eau : augmentation de 20 % de l'efficacité en eau de l'agriculture, hausse de 20 % des quantités d'eau réutilisées, etc.
Bien sûr, la sensibilisation de nos concitoyens sur la nécessité d'économiser l'eau doit être poursuivie. Bien entendu, tous les usagers de l'eau doivent être impliqués.
Apprendre à économiser l'eau revêt une grande importance aux plans économique et environnemental.
Mais les conséquences de ce changement de paradigme qui vont peser sur les ressources des services d'eau et d'assainissement doivent être prises en compte.
Déjà en 2009, le Conseil économique et social avait recommandé (voir EIN n°322) que soit initiée une réflexion pour la mise en place de nouveaux modes de rémunération des services d'eau et d'assainissement qui soit compatible avec l'évolution de leurs missions et qui permette de compenser la baisse des volumes consommés et facturés.
Ou en sommes-nous aujourd'hui ?
La facture de l'eau peut-elle encore financer tous les services de l'eau et maintenir le patrimoine technique en bon état ?
Le principe « l'eau paie l'eau » a-t-il encore un avenir ?
Tant chez les professionnels que chez les politiques, le doute se fait jour. L?idée selon laquelle il faudra, à un moment ou à un autre, ici ou là, associer la participation de l'usager à celle du contribuable pour faire face aux énormes investissements qui nous attendent, progresse.
Les investissements trop longtemps différés, devenus indispensables pour rénover nos réseaux, mettre aux normes nos stations d'épuration ou même simplement maintenir notre patrimoine technique en bon état de fonctionnement, ne s'accommoderont pas éternellement de nos ambigüités persistantes.