Six mois après la publication de l'arrêté du 21 août 2008 relatif aux eaux pluviales et à leur usage, ou en est le marché de la récupération des eaux de pluie ? Ce texte, qui a clarifié un certain nombre de points et qui pallie à l'absence de cadre légal en matière de récupération des eaux de pluie a largement contribué à professionnaliser un marché en pleine expansion. Mais au-delà de l'aspect réglementaire, une démarche de ce type doit être menée avec rigueur et professionnalisme pour répondre aux objectifs fixés par les maitres d'?uvre. Explications.
Située à une dizaine de kilomètres de Vannes (56), la commune de Saint-Nolff offre à ses 4.000 habitants le calme de la campagne à une quinzaine de minutes à peine du Golfe du Morbihan. Ce poumon vert à proximité du littoral confère à Saint-Nolff une situation privilégiée très prisée par l'équipe municipale qui souhaite la préserver en favorisant une urbanisation maîtrisée, respectueuse de l'environnement et de son patrimoine.
La commune, connue pour son festival de rock et la richesse de sa vie associative, est d'ailleurs adhérente au réseau « Communes du monde » qui prône un développement durable et solidaire. Cette adhésion se traduit par la validation de la démarche Agenda 21 mais aussi par la multiplication de réalisations faisant appel aux énergies renouvelables (éolien, solaire,?) ou encore à la récupération des eaux de pluie. Une démarche d'autant plus méritoire que l'équipe municipale n?a pas attendu la parution de l'arrêté d'août 2008 pour la mettre en pratique. Dès 2006, et donc avant même qu'un cadre réglementaire ne soit établi, la municipalité décide d'initier une première réalisation.
Objectif principal : traduire dans les faits son engagement pour un développement durable et montrer l'exemple en initiant une démarche de récupération des eaux de pluie.
Montrer l'exemple en initiant une démarche de récupération des eaux de pluie
Fin 2006, sous l'impulsion du maire, la commune lance un appel d'offres public concernant la fourniture d'un système de récupération des eaux de pluie d'une part, et une prestation d'installation d'autre part, incluant l'enfouissement d'une citerne en plastique de 20 m3 destinée à recueillir les eaux collectés par une toiture de 980 m².
L?eau de pluie collectée doit alimenter les toilettes publiques de la commune mais aussi les sanitaires d'une bibliothèque ouverte au public, d'une maison petite enfance ainsi qu'un robinet de puisage permettant d'arroser les espaces verts. « Un projet particulièrement sensible, souligne Xavier Conrardy, gérant fondateur de la société Technocéan qui remporte le marché. Car il faut se souvenir qu'à l'époque, en l'absence de toute réglementation, il fallait, pour chaque projet, demander une dérogation après des services de la DDASS concernée ».
Consultée, la DDASS donne rapidement son feu vert sous réserve d'une validation du système avant son ouverture au public. Saint-Nolff devient l'une des trois premières communes à être autorisées à utiliser les eaux pluviales dans des bâtiments recevant du public. « La DDASS du Morbihan, très sensibilisée aux enjeux de la récupération des eaux de pluie avait beaucoup travaillé sur le sujet, souligne Xavier Conrardy. « Ils ont rapidement été à même de définir ce que l'on avait le droit de faire, dans quel type de bâtiment, et quels documents il fallait produire ».
Le système, posé par Technocéan, recueille donc l'agrément de la DDASS sans problème. « Il faut dire que de notre côté, nous avions veillé à respecter les règles sanitaires les plus élémentaires, à savoir la mise en place d'un disconnecteur, d'une indentification de chacun des réseaux, etc' ».
Autant d'éléments qui figureront dans l'arrêté d'août 2008 mais que Technocéan avait largement anticipé.
Une réglementation anticipée
Lors de sa création, Technocéan est une société spécialisée dans la commercialisation de matériels de récupération des eaux de pluie. L?entreprise se positionne à cette époque comme simple fournisseur de matériel. Le marché, encore embryonnaire, est alors partagé entre des fournisseurs de systèmes, des plombiers pour les raccordements et des terrassiers chargés de poser les citernes. Une multiplicité d'acteurs donc, pas toujours propice ni bon déroulement des chantiers, ni au respect de pratiques conformes au développement durable.
Conscient de cette lacune et anticipant l'arrivée d'un encadrement réglementaire de la profession, Xavier Conrardy décide de modifier le positionnement de son entreprise pour maitriser l'ensemble de la chaine des dispositifs de récupération des eaux de pluie en proposant des systèmes clés en mains et garantis. « Cette évolution a exigé de lourds investissements en termes d'outillage et de matériels de transport » souligne Xavier Conrardy. « Elle a également nécessité la recherche de fournisseurs de qualité pour élaborer des systèmes fiables et durables ».
Côté citerne, Technocéan opte d'abord pour un matériau, le béton : « un matériau qui bénéficie d'un recul suffisant, plus rapide à poser que le plastique et dont la tenue en terre est plus facile à garantir ». Un partenariat est ensuite signé avec un fournisseur local. « Il s'agit de citernes spécialement fabriquées pour le stockage des eaux de pluie et non pas des fosses toutes eaux adaptée. Elles nous sont fournies à prix départ usine en échange de quoi nous leurs confions la commercialisation du dispositif de filtration que nous avons développé ».
Ce dispositif se compose de 3 éléments : un corps de filtre en polyéthylène recoupable par tranche de 10 centimètres pour pouvoir s'adapter aux différentes hauteurs de terrains qui fait également office de trou d'homme, un tamis composé d'une grille en inox démontable qui va assurer un seuil de filtration à 100 microns et un couvercle en polyéthylène double peau sécurisé correspondant à la réglementation en vigueur. Restait à choisir une station pour valoriser le système le stockage d'eau de pluie. « De tous les composants de nos systèmes, c'est sur celui-ci que le choix a été le plus facile » souligne Xavier Conrardy. Technocéan opte pour les stations Hya-Rain et Eco-Rain de KSB, « l'un des produits les plus fiables et les plus compacts du marché avec lequel nous sommes certains de ne pas avoir à intervenir en SAV ».
L?Allemagne autorise depuis longtemps le stockage et l'utilisation de l'eau de pluie dans l'habitat. Le lavage du linge, les sols, de la voiture avec de l'eau de pluie que l'on utilise aussi pour la chasse d'eau des toilettes sont monnaie courante. Dès lors, il n?est pas très étonnant que ce soit le groupe allemand KSB, qui, le premier, ait proposé une mini-station complète de distribution d'eau de pluie.
Cet ensemble mural de dimension modeste (41 cm de large, 63 cm de haut et 36 cm de profondeur) est capable de se greffer sur tous type de cuves, dont il va gérer l'asservissement. Le module Hya-Rain redistribue l'eau de pluie à l'aide d'une pompe auto-amorçante tout en assurant un basculement automatique sur l'eau de ville lorsque la citerne d'eau de pluie est vide.
La station complète se compose d'une pompe multicellulaire à moteur monophasé (230 V/50 Hz), d'un automate de commande et de surveillance, d'un réservoir muni d'un flotteur mécanique à rupture de charge (avant déversement) et d'une vanne trois voies. Cette dernière assure une commutation manuelle ou automatique de l'alimentation en eau de pluie ou eau de ville. Le débit, suivant les modèles, est de 4 ou 5 m3/h pour une hauteur de refoulement de 15 à 40 mètres avec une HMT allant jusqu'à 7 mètres. Ceci pour une pression de 6 bar en refoulement et de 1 bar en aspiration. En plus d'être compact, le module Hya-Rain est également silencieux : 50dB. Économe en énergie, il s'inscrit dans la famille des produits HQE. Ce module est plutôt dédié aux systèmes collectifs. Outre la première réalisation de Saint-Nolff, il équipe également le bâtiment de la communauté d'agglomération de la ville de Vannes qui abrite les services administratifs de la communauté d'agglomération en valorisant les eaux de pluie stockées dans une cuve de 10 m3.
Quant à la station Eco-Rain « un produit très attendu des installateurs » selon Frédéric Boudin, Responsable du secteur Bretagne chez KSB, il permet de répondre aux exigences du marché des particuliers avec un matériel de qualité professionnelle.
Cette étape a permis à Technocéan de bâtir des systèmes complets de récupération d'eau de pluie de qualité à des prix compétitifs et bien entendu conformes aux exigences de l'arrêté du 21 aout 2008. Car si cet arrêté n?a pas dynamisé le marché dans des proportions aussi fortes que les professionnels l'auraient souhaité, il en a sensiblement modifié la physionomie.
Un marché en pleine mutation
Pour Xavier Conrardy, la publication de l'arrêté du 21 août 2008 a largement contribué à homogénéiser le marché et à le professionnaliser. « A l'homogénéiser car avant sa parution, la validation des systèmes de récupération de eaux de pluie incombait aux seules DDASS ce qui créait des disparités parfois très importantes d'un département à l'autre. A le professionnaliser car en imposant des règles claires, ce texte a fixé un cadre qui permet aux professionnels de la récupération des eaux de pluie de se distinguer plus facilement des systèmes bricolés ».
Et même si depuis l'été 2008 le nombre des permis de construire délivrés à nettement baissé, le carnet de commande des professionnels s'est globalement maintenu, la clientèle étant soucieuse de s'équiper de systèmes conformes à l'arrêté et garantis.
La parution de ce texte a également contribué a crédibiliser la démarche et son intérêt. Alors que les motivations des premiers projets étaient plutôt d'ordre écologique et fondées sur la notion de développement durable, est apparue peu à peu la volonté de conjuguer cette notion avec une exploitation véritable des eaux pluviales.
C?est en tout cas le cheminement de la commune de Saint Nolff qui après son premier projet a poursuivi sa démarche en équipant son centre technique municipal d'un dispositif de récupération et de valorisation des eaux pluviales. Les 725 m² de toiture alimentent une cuve de 30 m3 asservie à un système Hya-Rain fourni par KSB.
Objectif : alimenter les sanitaires des 14 agents municipaux, alimenter une aire de lavage permettant de nettoyer l'ensemble des véhicules municipaux et créer une réserve de stockage qui permettra d'alimenter des serres municipales dont la construction pourrait intervenir en 2010. « Ce projet est clairement sous-tendu par un besoin de rentabiliser l'investissement » souligne Xavier Conrardy.
Une démarche similaire a été initiée par le Chantier marin de l'Atlantique chez lequel Technocéan a procédé à l'installation d'un dispositif de récupération et de valorisation de l'eau de pluie dans le but de laver les coques de bateaux de plaisance. 7 citernes de 10 m3 chacune alimentent toute la partie process de lavage des bateaux ainsi que les toilettes du bâtiment. Coût de l'investissement : 42.000 ? HT subventionné à hauteur de 25 % par le Conseil régional. L?installation fournit la totalité des 1.700 m3 nécessaires chaque année. À 3,65 ? le m3, l'économie réalisée dépasse les 6.000 euros par an. Du coup, le dispositif a été amorti en moins de trois ans.
Bien des industriels ont compris l'intérêt de la démarche. Ainsi, Technocéan va équiper prochainement la Socomor, une usine chimique, dans le but d'alimenter le process de rinçage de leurs cuves, nettoyées trois fois par jour. L?entreprise est également en pourparlers pour équiper à l'échelon national une chaine de grandes surfaces commerciales de dispositifs de récupération d'eau de pluie.
Sur le segment des particuliers, les motivations sont différentes.
Les particuliers : des motivations encore hétérogènes
Plusieurs paramètres sous-tendent les démarches. Il y a d'abord ceux qui, espérant un retour rapide sur investissement, misent sur une installation bon marché. « Techniquement, nous sommes capables de facturer un système de récupération d'eau de pluie posé à moins de 1500 euros » assure Xavier Conrardy. Il suffit de mettre en ?uvre des composants low-cost qui dureront 6 mois, peut être 1 an. Mais c'est très exactement ce que nous ne faisons pas car nous ne bricolons pas et nous garantissons nos systèmes ». Pour occuper ce marché Technocéan a cependant développé un produit d'appel facturé 2500 ?, essentiellement commercialisé par Internet, comprenant une citerne en plastique, un module de filtration et une petite pompe à démarrage automatique.
Pour les autres, la dimension écologique passe avant le souci d'un éventuel retour sur investissement. « Nos clients qui s'engagent volontairement dans une démarche de ce type sont bien informés. Ils connaissent le coût d'une installation : entre 5.000 et 6.000 ? pour une maison de 4 personnes. Le facteur retour sur investissement n?est pas déterminant pour eux car ils savent que s'il se produit, il sera long ».
Et puis il y a ceux qui s'engagent dans la démarche sans l'avoir réellement choisi. Saint-Nolff illustre bien cette évolution. C?est une commune très vallonnée, composée de têtes de roche en parties hautes et de marais en parties basses. Dans les deux cas de figure, des sols perméables sans véritable exutoire qui génèrent une contrainte géotechnique importante. La multiplication des dispositifs de récupération d'eau de pluie permet de pallier cet inconvénient.
La mairie travaille d'ailleurs actuellement sur un projet de ZAC sur laquelle les dispositifs de récupération et de rétention des eaux de pluie sont obligatoires. La commune prend à sa charge le coût de l'installation de la citerne, laissant à la charge des futurs occupants le coût d'installation des systèmes de récupération. « Un cas de figure de plus en plus courant qui tends à devenir une composante importante d'une bonne gestion des eaux pluviales en milieu urbain » commente Xavier Conrardy.
Une chose est certaine : il n?existe pas un mais plusieurs marchés de la récupération des eaux de pluie?.