Scotch®, Post-it®, Scotch-Brite?, Scotchgard',? Qui ne connait pas 3M et la multitude de produits que nous utilisons dans la vie de tous les jours ? Ce que l'on connait moins, en revanche, ce sont les solutions de protection que l'entreprise a spécifiquement développé pour protéger les ouvrages de gestion de l'eau contre les dégâts dus à la corrosion : canalisations en fonte, en acier, cuves, réservoirs, ouvrages en bétons,? Les solutions développées par 3M constituent une offre complète qui permet de maintenir et réhabiliter les ouvrages en évitant de procéder à des remplacements systématiques. Rencontre avec Christine Martinez, Directrice Nouveaux Développements et Pascal Bride, Ingénieur Service Technique, pour le département Solutions de Protection contre la Corrosion chez 3M.
Revue L?Eau, L?Industrie, les Nuisances : Vous dirigez les nouveaux développements du département « Solutions de protection contre la corrosion » de 3M. En quoi consistent ces développements ?
Christine Martinez : Notre département conçoit et commercialise des solutions qui permettent de pérenniser les canalisations et les infrastructures liées à la gestion de l'eau, en les protégeant contre les dégâts dus à la corrosion. Comme vous le savez, les phénomènes de corrosion peuvent affecter les métaux aussi bien que les bétons en génie civil, ce qui nous a amenés à développer une vaste gamme de solutions dédiées à de nombreux cas de figures dans le domaine de l'eau, comme d'ailleurs dans bien d'autres secteurs industriels.
Revue E.I.N. : Quelles solutions proposez-vous dans le secteur de l'eau ?
C.M. : 3M commercialise plusieurs types de solutions dédiées à des applications variées. Dans le domaine de l'eau potable, nous avons développé le Scotchkote? 169, un revêtement polyurée bi-composant sans solvant, dont les qualités intrinsèques offrent aux exploitants de réseaux d'eau potable une solution très efficace aux problèmes d'eaux rouges ou d'eaux troubles rencontrées au robinet de l'abonné. Ce produit, titulaire d'une autorisation de conformité sanitaire (ACS), se caractérise par une réaction très rapide. Le revêtement va sécher en quelques dizaines de secondes ce qui autorise une remise en service de la canalisation 30 minutes après application, sans aucun impact sur la qualité de l'eau. Il est parfaitement adapté aux canalisations d'eau potable en fonte, les plus répandues en France, d'un diamètre allant de 63 à 300 mm.
Revue E.I.N. : Comment s'effectue sa mise en ?uvre ?
Pascal Bride : Très simplement. On commence par gratter la canalisation pour décrocher et enlever tous les dépôts de corrosion qui se trouvent à l'intérieur. Puis la canalisation est séchée et inspectée avant de procéder à l'application du revêtement intérieur. La polymérisation est très rapide, ce qui permet de procéder quelques minutes après à une nouvelle inspection caméra pour vérifier la qualité de la pose et remettre en eau une trentaine de minutes après l'application. De plus, il n?est pas nécessaire de recréer les branchements un par un, car le revêtement ne les bouche pas.
Revue E.I.N. : Quels sont les avantages de cette solution ?
C.M. : Ils sont nombreux. Pour les usagers, cette solution permet de résoudre rapidement, c'est-à-dire dans la journée, avec un temps de coupure minimum et peu de gêne, un problème d'eaux colorées. Pour les collectivités locales, cette solution, qui consiste à réhabiliter un tronçon de réseau plutôt qu'à le remplacer, représente des économies très appréciables. La ville de Cosne-sur-Loire, qui a opté pour une réhabilitation basée sur cette solution, a ainsi calculé qu'elle ne lui coûtait que 88.000 euros, à comparer aux 200.000 euros qu'aurait coûté un renouvellement en tranchée ouverte. D?autres villes, comme Haguenau dans le Bas-Rhin ou Luxeuil en Haute-Saône ont également opté pour la réhabilitation, ce qui leur permet, à budget égal, de traiter chaque année un linéaire deux fois plus important par rapport au renouvellement.
J?ajoute que cette solution comporte de nombreux autres avantages non-financiers.
Revue E.I.N. : Lesquels ?
C.M. : La technique de réhabilitation permet par exemple de maintenir la circulation. C?est la fin du panneau « Rue barrée ». En centre-ville ou en zones commerçantes, c'est important. Pour l'usager, c'est aussi plus de confort. Enfin, c'est une solution conforme au développement durable. Les services techniques de la ville de Cosne-sur-Loire ont ainsi pu calculer que la solution de réhabilitation divisait d'un facteur 22 le volume de terres à déblayer, d'un facteur 8 le temps d'utilisation d'une pelleteuse et réduisait à seulement 30 m² la surface d'enrobés à refaire contre plusieurs milliers de mètres carrés sur un projet de rénovation. Pour une ville très impliquée dans l'Agenda 21, ce n?est pas neutre?.
Revue E.I.N. : Quelles sont les conditions d'applications de ce produit et quelle est la durabilité de la solution de réhabilitation de que vous proposez ?
P.B. : Le revêtement que nous proposons n?a pas pour but de structurer la canalisation mais d'isoler la paroi intérieure de l'eau qui y circule pour éviter le retour de la corrosion et limiter tous les nouveaux dépôts qui pourraient se produire dans le temps. Le canalisateur doit donc toujours effectuer une étude métallographique préalable, pour s'assurer que la structure de la canalisation est encore saine. Si c'est le cas, le revêtement redonne de la durée de vie et une stabilité au diamètre intérieur de la conduite traitée.
Grâce aux applications réalisées dans des pays comme la Grande-Bretagne très en avance sur ces techniques, nous disposons de résultats en conditions réelles qui nous permettent d'affirmer que la durabilité du produit est supérieure à 10 ans, et par des études prospectives menées par des laboratoires indépendants, à des estimations allant de 30 à 50 ans. Tout ceci, je le rappelle, pour un coût moitié moindre que le changement pur et simple de la canalisation.
Revue E.I.N. : Quelles solutions proposez-vous dans des domaines autres que l'eau potable ?
P.B. : Nous disposons de plusieurs gammes de revêtements intérieurs ou extérieurs sans solvant ou à base d'eau destinés à protéger des canalisations en acier neuves pour eaux industrielles, eaux usées, ou eaux très agressives par exemple en dessalement. Ces produits se distinguent les uns des autres en fonction de chimies différentes et formulées pour résister à des agressions de natures diverses. Nous proposons par exemple des résines chargées de particules en céramique pour résister aux abrasions liées aux eaux salées ou très chargées. Nous offrons également des solutions permettant de protéger les ouvrages en béton des phénomènes de corrosion. Nos produits concernent donc l'ensemble des infrastructures liées au cycle de l'eau, jusqu'au compteur de l'abonné.
Revue E.I.N. : 3M développe et commercialise ses solutions mais qui se charge de les appliquer ?
C.M. : Nous travaillons, pour la mise en ?uvre de nos revêtements, avec des canalisateurs expérimentés, formés sur ces produits et utilisant des équipements spécifiques, pour un contrôle très strict de la pose. Ces canalisateurs connaissent bien la réhabilitation et sont parfaitement capables de la mettre en ?uvre dans les règles de l'art.
Nous travaillons également avec les exploitants ou certaines de leurs filiales spécialisées comme par exemple Setha, filiale de Veolia Eau.
Revue E.I.N. : Quel est le potentiel du marché de la réhabilitation en France ?
C.M. : C?est un marché important pour plusieurs raisons. D?abord parce que le patrimoine est impressionnant : on estime qu'il y a en France entre 180.000 et 200 000 km de canalisations en fonte pour l'adduction d'eau potable. Selon les études, une rénovation planifiée de ce patrimoine devrait conduire à traiter ou remplacer un linéaire de 10 à 15.000 km de fonte par an entre 2010 et 2030. Cet objectif, pour des raisons budgétaires, n?est pas tenable. Nous pensons donc que la réhabilitation, parce qu'elle est économique, efficace et durable, dispose d'un potentiel très important. Nous espérons donc inciter les collectivités locales à gérer leur réseau d'eau potable et leurs équipements de manière plus proactive en favorisant la réhabilitation plutôt que le renouvellement systématique.
Propos recueillis par Vincent Johanet