Publié chaque année depuis 2003, le rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau offre une image précise de l’état des ressources mondiales et s’emploie à fournir aux dirigeants des instruments leur permettant de mettre en œuvre une gestion plus durable de ces ressources. Cette année, le rapport plaide en faveur de solutions fondées sur la nature pour améliorer l’approvisionnement et la qualité de l’eau et réduire l’impact des catastrophes naturelles.
Officiellement
présenté le 19 mars à Brasilia lors du 8ème Forum mondial de l’eau, le
rapport 2018 envisage l’eau non plus comme un élément isolé mais comme faisant
partie intégrante d’un processus naturel complexe qui passe notamment par
l’évaporation, les précipitations ou l’absorption de l’eau par les sols. En corollaire,
la question de l'eau doit être pensée
au-delà de l'aspect purement environnemental.
C’est
que le maintien du statu quo ne fait que perpétuer des politiques fragmentées
et inefficaces. La demande mondiale en eau a augmenté d’environ 1 % par an ces
dernières années et ce mouvement va se poursuivre au cours des deux prochaines
décennies. La demande industrielle et domestique augmentera plus rapidement que
la demande agricole, bien que cette dernière reste prédominante. L’essentiel de
cette hausse proviendra des pays en développement. Parallèlement, en raison des
changements climatiques, le cycle de l’eau va s’intensifier, les régions les
plus humides devenant encore plus humides et les régions sèches encore plus
sèches. Depuis 2010, 1,9 milliard de personnes vivent dans des zones en pénurie
d’eau. 3,6 milliards de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale,
vivent déjà dans des zones potentiellement pauvres en eau au moins un mois par
an, et ce nombre pourrait passer à 5,7 milliards en 2050.
Côté
qualité, la situation n’est pas meilleure. La pollution de l’eau s’est aggravée
dans quasiment toutes les cours d’eau d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Cette
détérioration devrait s’aggraver au cours des prochaines décennies. On estime
aujourd’hui que 80 % des eaux usées industrielles et municipales sont déversées
dans l’environnement sans le moindre traitement préalable, ce qui provoque des
effets dévastateurs sur la qualité de l’eau, sur les écosystèmes et sur la
santé humaine (WWAP, 2017).
Autre
point noir qui vient se greffer sur un tableau déjà bien sombre, les risques et
les catastrophes liés à l’eau qui explosent. Les pertes économiques mondiales
dues aux inondations et aux sécheresses dépassent 40 milliards de dollars par
an tous secteurs économiques confondus. A ce chiffre s’ajoutent 46 milliards de
dollars chaque année, de pertes économiques provoquées par les tempêtes. Ces
chiffres devraient augmenter de 200 à 400 milliards de dollars d’ici 2030,
selon les estimations.
Face
à cette situation, la multiplication d’infrastructures classiques, dites "grises"
car fruit du génie civil, ne suffit plus, selon le rapport. La solution passerait
par une combinaison entre infrastructures "grises" et
"vertes", ces dernières jouant un rôle positif sur l'érosion et la
qualité des sols, la végétation, les risques de sécheresse et d'inondation. « La
couverture végétale, la présence de zones humides ou l’existence de forêts sont
autant d’éléments qui influent sur le cycle de l’eau et sur lesquels il est
possible d’agir pour améliorer la quantité et ainsi que la qualité d’eau
disponible » indique le rapport. À New York, par exemple, la protection
active dès 1970 des trois bassins hydrographiques qui alimentent la ville et
ses 9 millions d’habitants leur permet de profiter aujourd’hui d’une eau de
qualité irréprochable tout en économisant plus de 300 millions de dollars
chaque année sur les coûts de traitement. Ces solutions, qui s’appliquent à
n’importe quelle échelle et dans n’importe quel contexte, renforcent les
bénéfices sociaux, économiques et environnementaux, la sécurité alimentaire, la
croissance économique, l’emploi, sans oublier la biodiversité. Autre avantage, leur
mise en œuvre permet d’associer les populations locales, ce qui n’est pas
toujours le cas des infrastructures "grises".
Reste
qu’aujourd’hui, les solutions vertes ne représenteraient que 0,1 % de
l’investissement total en matière de gestion des ressources en eau. Comment favoriser
leur développement ? « En commençant par créer un environnement
réglementaire adapté », indique le rapport. La ville de Bâle, par exemple,
a développé la plus grande superficie de toits verts par habitant au monde
grâce aux investissements dans des programmes incitatifs visant à subventionner
leur installation.
Il
faut ensuite reconsidérer les politiques d’interventions et de financement. Les
solutions vertes en sont souvent absentes ; même lorsqu’elles présentent
un choix évident. Il faut également remédier au manque général de connaissance
et de compréhension de ce que ces solutions peuvent apporter en développant la
pratique systématique de l’évaluation. Le rapport conclut qu’un déploiement
accru des solutions vertes est essentiel pour maintenir et améliorer la
disponibilité de l’eau et qualité de l’eau, tout en réduisant les risques
connexes. « Si les solutions fondées sur la nature ne sont pas adoptées
plus rapidement, la sécurité hydrique continuera à diminuer, et probablement à
un rythme rapide », préviennent les auteurs du rapport.
Le
rapport mondial sur les ressources en eau est téléchargeable à l’adresse :
http://www.unesco.org/new/fr/natural-sciences/environment/water/wwap/wwdr/2018-nature-based-solutions/#c1655785