On dénombrait en France, au début des années 2000, près de 125.000 retenues de petites tailles destinées à collecter et stocker l'eau, à sécuriser les approvisionnements ainsi que les rendements des cultures en permettant de surmonter les aléas liés au climat.
Malgré leur nombre relativement important, leurs impacts sur les milieux aquatiques restaient mal connus.
On supposait bien des impacts quantitatifs d'abord, puisqu'en stockant et détournant les eaux, les retenues modifient sensiblement leur répartition naturelle ainsi que les flux et les matières transportées.
On suspectait aussi des impacts qualitatifs, dans la mesure ou les retenues influencent les régimes d'écoulement, les transferts de sédiments, de nutriments, de contaminants, et modifient la continuité des cours d'eau.
Mais leurs impacts réels cumulés sur les milieux aquatiques restaient mal appréhendés.
Un état de fait d'autant plus gênant que la réalisation de nouvelles retenues est encadrée depuis 2006 et nécessite selon les cas, une déclaration ou une autorisation impliquant la réalisation d'une étude d'impact évaluant les effets cumulés de chaque projet.
Problème : la question de l'impact cumulé d'ouvrage de stockage d'eau sur un même bassin versant restait mal appréhendée faute de méthodologie adaptée au niveau national. Or, comment évaluer les effets cumulés de ces retenues alors même que leur impact reste mal connu ?
Pour résoudre ce problème, le ministère de l'environnement a commandé en octobre 2013 une expertise collective auprès d'Irstea, de l'Inra et de l'Onema, dont les résultats, fruits d'un travail multidisciplinaire réalisé par une quinzaine d'experts, viennent d'être publiés.
On en retiendra ici trois enseignements.
Le premier concerne l'influence des retenues sur les débits. La réduction du débit moyen annuel est le principal effet mis en évidence du point de vue de l'hydrologie, avec des intensités variant de 0 à 30 % et jusqu'à 50 % durant les années sèches.
Le deuxième s'attache aux modifications de la morphologie des cours d'eau. L?expertise indique que les retenues agissent toujours comme des pièges à sédiments, notamment pour la fraction grossière et influencent donc directement la morphologie des cours d'eau aval.
Le troisième concerne l'effet des retenues sur la qualité physico-chimique de l'eau. Là encore, l'expertise précise que l'effet cumulé des retenues se traduit fréquemment par une diminution des flux de nitrate transmis vers l'aval, tandis que l'efficacité du stockage particulaire dans les retenues conduit à la constitution d'une charge interne de phosphore, qui peut représenter l'équivalent de plusieurs dizaines d'années de flux entrants et pourra entrainer la remobilisation du phosphore dissous.
Au total, « la présence de retenues sur un bassin versant modifie l'ensemble de ses caractéristiques fonctionnelles. Cette modification constitue un problème dès lors qu'elle affecte un cours d'eau déjà fragilisé », indique l'étude.
Reste deux difficultés.
La première concerne l'absence d'indicateur simple de l'impact cumulé des retenues d'eau qui seul permettrait de répondre à la question : stop ou encore ? La phase opérationnelle de l'expertise devrait cependant remédier prochainement à ce problème.
La seconde concerne les dimensions économiques et sociales associées à ces retenues qui n?ont pas été abordées dans l'expertise, ce qui rend difficile l'évaluation de l'intérêt global de ces ouvrages sur un bassin versant. Et là, ce sera plus compliqué et sans doute prétexte à d'âpres discussions'