La sécheresse qu’a connue l’Europe et particulièrement la France en 2022 est probablement la plus sévère depuis au moins un demi-siècle, conjuguant déficit de précipitations et températures records. Elle fait suite à plusieurs années de sécheresses récurrentes depuis 2018, à la seule exception de l’année 2021. Pourtant, ce phénomène aujourd’hui considéré comme extrême pourrait n’être qu’un épisode moyen d’ici la fin du XXIe siècle. Il est donc nécessaire d’en tirer tous les enseignements en termes de gestion de crise mais aussi d’évolutions plus structurelles de nos usages de l’eau, pour mieux nous préparer aux épisodes à venir.
C’est l’objet du présent rapport, commandé par les ministres chargés de l’écologie, de l’intérieur, de l’agriculture et de la santé, et qui dresse, pour la première fois dans un cadre interministériel, un retour d’expérience partagé de la gestion de l’eau lors de cet épisode de sécheresse.
Le premier constat est celui de la persistance de vulnérabilités dans notre système de production et de distribution d’eau potable face au changement climatique : plus d’un millier de communes ont dû mettre en place, durant l’été 2022, des mesures de gestion exceptionnelles pour approvisionner leurs habitants. Parmi elles, 343 ont dû transporter de l’eau par camion, et 196 distribuer des bouteilles d’eau, ne pouvant plus fournir d’eau au robinet. Aucune grande ville n’a connu de rupture d’alimentation, bien que certaines n’en soient pas passées loin ; et de fait aucun plan ORSEC eau, instrument réservé aux ruptures majeures, n’a été mis en œuvre.
Plus de 1 200 cours d’eau étaient totalement asséchés au 1er août 20222 et de nombreuses mortalités piscicoles et destructions d’habitats, potentiellement irréversibles, ont été observées.
Certaines filières agricoles ont connu des baisses importantes de rendements, de 10 à 30 %, mais c’est surtout la situation des prairies qui marquera l’année 2022 ; la production cumulée a été inférieure de 33 % à la moyenne des vingt dernières années. La production d’électricité d’origine hydraulique a été, selon RTE, inférieure de 20% par rapport à la moyenne 2014-2019.
Certains territoires qui pensaient disposer de ressources durables et sécurisées, notamment en aval de secteurs de montagne, se sont trouvés pour la première fois confrontés à la sécheresse. L’épisode est survenu alors même que le ministère de la transition écologique venait de publier en 2021 un nouveau guide national, donnant suite aux recommandations du précédent rapport d’inspection générale sur la gestion des sécheresses. L’été 2022 a constitué un premier test de ce nouveau dispositif, qui a globalement fait ses preuves, même si des améliorations peuvent lui être apportées tant dans sa conception que dans sa mise en œuvre.
Après avoir rencontré plusieurs centaines d’acteurs de la politique de l’eau dans une trentaine de départements, la mission formule des recommandations pour améliorer l’anticipation et la gestion pluriannuelle de ces épisodes de sécheresse, connaître en temps réel les impacts et les réduire, et enfin objectiver les enjeux de partage et prévenir les conflits d’usages de l’eau.
Elle souligne que, parallèlement aux dispositifs de gestion de crise, seules des politiques de transformation de nos usages de l’eau dans la durée permettront d’éviter les ruptures brutales. De nombreux chantiers restent souvent à construire ou à accélérer, tant l’eau, malgré les avertissements à répétition que constituent les sécheresses récurrentes, est encore trop fréquemment considérée comme une ressource inépuisable et gratuite : identification des vulnérabilités des territoires les plus exposés et plans d’actions pour les réduire, trajectoires de sobriété pour les principales filières, diffusion de technologies innovantes pour optimiser l’usage de chaque goutte d’eau, stockage lorsque c’est techniquement et économiquement pertinent, communication et pédagogie vis-à-vis du public…
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/014714-01_rapport-publie_cle5e1617.pdf