Le monde de l’eau s’interroge. Trente ans après la loi sur l’eau de 1992, force est de constater que tous les objectifs que ce texte s’était fixé ne sont pas atteints. Pour structurer le raisonnement et préciser la nature des problèmes rencontrés, le Cercle Français de l’Eau a organisé un cycle de conférences les 30 mars, 13 avril et 17 mai, déclinant successivement le point de vue des collectivités, des services publics d’eau, des consommateurs.
Au sein des Comités de bassins, des associations et fédérations des collectivités, des professionnels ( AMORCE, FNCCR, FP2E,…) comme des usagers ( UNAF), les prises de paroles ont été nombreuses et surtout unanimes : la plupart déplorent, outre les réductions des moyens budgétaires, alors que les besoins en termes d’investissement sont croissants dans un contexte d’élargissement du champ d’activité des agences de l’eau, les atteintes portées aux principes fondateurs de la gestion de l’eau ainsi que l’élargissement des attributions du préfet coordonnateur en matière de révision des SDAGE et d’élaboration des programmes de mesure.
Le premier audit interne des agences de l’eau depuis leur création le confirme. En n’attribuant qu’une assurance raisonnable sur les dispositifs de contrôle interne et la capacité des agences et de leur tutelle à maîtriser les risques, la mission le martèle : les conséquences de la réduction des moyens financiers et humains des agences ont entrainé une insuffisante priorisation des résultats et des dépenses d’intervention sur les lignes qui offrent le meilleur effet levier sur le bon état des masses d’eau.
« Notre pays pourrait ne pas atteindre les objectifs de bon état des masses d’eau qu’il s’est fixé d’ici 2027. Si cette obligation de résultats n’est pas satisfaite, la diminution des moyens accordés aux AE par le législateur (plafonnement des recettes et prélèvement pour financer d’autres opérateurs) et l’exécutif (réduction des effectifs) viendrait aggraver le risque de contentieux d’un manquement à notre obligation de moyens » alerte la mission.
Ceci alors que les alertes se multiplient à l’image des résultats de l’étude d’impact des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité confiée en 2020 à INRAE et l’Ifremer qui viennent corriger les données des expertises de 2005 et 2008. « L’état actuel des connaissances montre une large contamination des écosystèmes par les produits phytopharmaceutiques, avec un pic de contamination dans les espaces agricoles – dans les sols, les petits cours d’eau et l’air – là où ils sont majoritairement appliqués. Cette contamination touche aussi les zones situées à distance des parcelles cultivées comme les milieux aquatiques et les sédiments, ceci jusqu’à des milieux reculés comme les zones proches des pôles et les grands fonds marins », précise l’étude.
De même pour les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) qui se révèlent une menace pour la santé humaine, les sols, les eaux de surface et les eaux souterraines, non seulement parce qu’elles sont d’une grande stabilité chimique et se diffusent largement, mais également parce qu’elles sont persistantes dans l’environnement. « Les substances perfluoroalkylés sont un sujet d’avenir » explique Arnaud Perrault, directeur Colas Environnement, dans notre dossier du mois consacré à la Dépollution des sols. « Elles demandent des technologies de dépollution particulières car ce sont des composés extrêmement stables, ni volatils ni biodégradables ».
Aussi,
la planification écologique ne pourra marquer un tournant historique pour la
transition écologique que si elle érige la Politique de l’eau au rang de réelle
priorité en lui conférant les moyens requis par l’urgence de la situation.