Mieux gérer la ressource en eau est partout devenu une priorité absolue. Mais si réduire la consommation apparaît comme une solution de premier niveau indispensable, d’autres leviers devront être actionnés, comme par exemple le recyclage des eaux usées, thème choisi cette année par les Nations Unies à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau.
Aujourd’hui, seuls 2% des 165 milliards de m3 d’eaux
usées collectés et traités annuellement dans le monde sont réutilisés. Pourtant,
de nombreux procédés et systèmes de traitement existent qui permettent
d’utiliser les eaux usées traitées pour répondre aux besoins en eau croissants
des villes, de l’industrie et de l’agriculture.
Car les villes et métropoles mondiales sont
confrontées à de nouveaux défis dont l’urbanisation et la croissance
démographique. En 2030, 600 d’entre elles concentreront près de 60% de la
population mondiale. Elles doivent donc s’organiser dès aujourd’hui pour faire
face au développement des besoins et des usages qui ne cessent d’augmenter. De
nombreuses métropoles dans le monde ont déjà franchi le pas. La capitale de la
Namibie, Windhoek, est ainsi devenue la première ville au monde à produire
directement de l’eau potable à partir des eaux usées municipales. Sans aller
aussi loin, la ville de Durban, en Afrique du sud, recycle près de 98% des ses eaux
usées. Abu Dhabi recycle également chaque jour près de 300 000 m3 d'eaux usées chaque
jour, permettant de satisfaire 35 % de ses besoins en eau potable.
Mais la réutilisation des eaux usées traitées ne
concerne pas que les villes. L’accroissement de la population mondiale
s’accompagne mécaniquement d’une augmentation de la production agricole, alors
que le nombre de terres cultivables diminue fortement et que la ressource en
eau s’amenuise dans plusieurs régions du monde. Ainsi, selon la FAO, au Proche-Orient,
les ressources en eau ont diminué des deux tiers au cours des 40 dernières
années et devraient encore baisser de plus de 50 % d'ici 2050. Près de 90 % des
terres de la région se situent en zones arides, semi-arides et subhumides
sèches, tandis que 45% de la superficie agricole totale est exposée à la salinité,
à l'épuisement des éléments nutritifs des sols et à l'érosion due à l'eau et au
vent. Ce qui n’empêche pas l'agriculture d’utiliser 85 % de l'eau douce totale
disponible dans la région.
Partout dans le monde, l’agriculture doit faire face
à un double défi : améliorer la productivité et la rentabilité des cultures
tout en préservant les ressources en eau. Et pour cela s’engager dans des
démarches d’économie circulaire et d’amélioration continue des pratiques. Là
encore, les techniques existent qui permettent de proposer une qualité d’eau
adaptée aux besoins de l’agriculture et de l’industrie.
D’autant que le réchauffement climatique devrait
aggraver la donne. Une récente étude de la FAO a démontré qu’une hausse des
températures de 2 degrés pourrait contribuer à écourter de 18 jours les saisons
de production et avoir pour effet de réduire les rendements agricoles de 27 à
57 % d'ici la fin du siècle. L'élévation du niveau de la mer, dans le Delta du
Nil, pourrait faire perdre à l'Egypte des quantités importantes de terres
agricoles productives à cause de la salinisation…
Le développement d’une agriculture résiliente face
au climat et une réutilisation plus systématique des eaux usées traitées deviennent
presque partout indispensables, quitte à développer des adaptés spécifiquement procédés
à la composition de l’eau réutilisée.
C’est d’ailleurs l’un des objectifs du projet
européen MADFORWATER qui vise à développer des techniques de réutilisation à
visée agricole adaptées au contexte des pays d’Afrique du Nord.
En intégrant, dès la conception des procédés de
traitement, les objectifs de réutilisation de l’eau et des autres produits présents
dans les eaux usées, la réutilisation des eaux usées pourrait bien devenir un élément
clé en matière de choix de technologie de traitement.
Vincent Johanet