Les signes avant-coureurs s’accumulaient depuis quelque temps déjà. Ici une rivière prématurément à sec, là un lac qui diminue, ailleurs des vignes rongées par les remontées de sel…
Mi-juin, plusieurs
acteurs nationaux faisaient les comptes et en tiraient une conclusion sans
appel : en ce début d’été, les réserves d’eau ont d’ores et déjà atteint
un niveau préoccupant en France, et il semble illusoire d’attendre un miracle
venu du ciel. Autrement dit, une sécheresse estivale devient de plus en plus
probable. Non pas une absence de pluies, phénomène plutôt habituel en cette
saison, mais bel et bien un problème hydrogéologique : l’eau viendra à
manquer dans certaines régions.
Le 14 juin, l’OIEau
publiait ainsi le Bulletin national de situation hydrologique du 13 juin
2022. Ce travail rassemble les contributions de Météo France (précipitations,
état des sols, manteau neigeux), des Dreal et du Schapi (cours d’eau,
remplissage des barrages), du BRGM (nappes souterraines) et de l’OFB (étiages).
Résultat : ces derniers mois, les précipitations efficaces ont été déficitaires
sur la quasi-totalité du pays. Sans surprise, les sols étaient donc plus secs
que la normale début juin. Au même moment, le niveau des nappes, au mieux « moyen »
dans certaines régions, et dans la plupart « modérément bas » à « très
bas », était en baisse quasiment partout. De même, en mai, le débit était
inférieur à la moyenne dans la quasi-totalité des cours d’eau, avec une
situation « particulièrement critique en Auvergne-Rhône-Alpes, le long
de la Loire ainsi que dans le sud de la région PACA » selon l’OIEau.
Le même jour, à l’occasion d’un point
presse, le BRGM enfonçait le clou, soulignant un niveau des nappes « historiquement
bas » tout en en détaillant le paysage car toutes les régions ne sont
pas logées à la même enseigne. Les aquifères à recharge lente, comme par
exemple certaines nappes du Nord de la France, sont à l’évidence moins touchés
par le déficit de précipitations. En revanche, la situation est d’ores et déjà critique
dans certaines régions, où la sécheresse semble désormais inévitable. Même l’arrivée
de pluies inhabituelles – peu probable selon Météo France qui prévoit plutôt le
contraire – ne pourrait plus recharger ces nappes. C’est le cas en Provence
(nappes karstiques) et sur la Côte d’Azur (nappes alluviales et formations
tertiaires) mais cela concerne aussi, plus au nord, les nappes calcaires
jurassiques des Charentes, de la Brenne et du Poitou, les sables cénomaniens du
Perche et du Maine ainsi que la nappe de craie tourangelle.
Dans son communiqué de
presse du 13 juin, la FP2E appelait de son côté tous les usagers à la « sobriété ».
Rappelant la sécheresse de l’été 2019, au cours duquel 88 départements ont été
soumis à des restrictions d’usage, elle insistait sur la nécessité d’anticiper le
retour de tels évènements par « une volonté politique nationale affirmée encourageant les
indispensables investissements locaux dans les territoires à risques».
Le 27 juin, alors que
nous mettions sous presse, on recensait déjà 142 arrêtés de restriction de
prélèvements d’eau concernant 56 départements. Des chiffes en hausse rapide, à
suivre sur le site national Propluvia[1]. Ces
restrictions visent à préserver un accès à l'eau pour les usages prioritaires -
santé, sécurité civile, eau potable, salubrité - au détriment des usages
récréatifs mais aussi industriels et agricoles, ce qui n’augure rien de bon
pour les récoltes 2022.
Si les modes de
consommation de l’eau ne sont pas rapidement repensés et l’aménagement du
territoire revu à l’aune du changement climatique, cette situation aujourd’hui
qualifiée d’historique risque de devenir habituelle dans un pays pourtant gâté
par la géographie en termes de ressources…