Alors qu'un déficit pluviométrique touche une bonne partie de l'Europe de l'Ouest et affecte la France chaque jour un peu plus, le débat sur la gestion quantitative des ressources en eau refait surface.
C?est que le spectre des sécheresses de 1976, 2003 et 2005 hante encore bien des esprits.
Certains de ses épisodes, ont permis de progresser vers une meilleure gestion de nos ressources.
La sécheresse de 1976 a révélé la fragilité des collectivités qui ne disposaient que d'un seul point de captage en eaux brutes. Depuis, les ressources se sont diversifiées et des interconnexions ont été réalisées qui ont permis de sécuriser l'alimentation en eau potable.
Mais la sécheresse de 2003 a révélé de graves déséquilibres dans notre pays entre la demande et la disponibilité en eau à certaines périodes. Elle a montré que dans certaines régions, les usages domestiques, agricoles et industriels entraient en concurrence au détriment, le plus souvent, de l'équilibre des milieux aquatiques.
La sécheresse de 2004-2005 a donné lieu à la présentation d'un premier « plan de gestion de la rareté de l'eau » censé réduire notre vulnérabilité et concilier les différents usages en préservant l'équilibre des milieux aquatiques. Le bilan de ce plan, qui pour l'essentiel ne gérait que la pénurie, reste à établir?
En 2011, alors qu'un nouveau déficit pluviométrique est constaté, la ministre de l'écologie fait part de son intention de travailler à l'amélioration structurelle de la gestion des ressources en eau. Rappelant que « le Grenelle de l'Environnement a déjà permis d'adopter des mesures volontaristes, notamment la récupération des eaux de pluie, la réutilisation des eaux usées traitées et la réduction des fuites dans les réseaux » et insistant sur le fait que « ces mesures doivent s'accompagner d'une diminution des consommations », Nathalie Kosciusko-Morizet a évoqué l'objectif d'une diminution de 20 % de la consommation d'eau d'ici 2020. Des « mesures » doivent être intégrées au plan national d'adaptation au changement climatique qui sera présenté le mois prochain.
On ne s'attardera pas ici, ni sur l'efficacité de la récupération des eaux de pluie, par définition fonction de la pluviométrie, ni sur la réutilisation des eaux usées traitées dont on sait qu'elles ne progressent pas en France, ni sur l'amélioration du rendement des réseaux d'eau potable, certes indispensable, mais dont les gains escomptés sont sans rapport avec l'ampleur des déficits constatés.
Plus intéressant est l'objectif d'une diminution de 20 % de la consommation d'eau d'ici 2020. Mais pourquoi 20% et pourquoi 2020 ? Et surtout, ces 20% concernent-ils les consommations domestiques, industrielles ou agricoles ?
Dans les deux premiers cas, l'objectif ne serait qu'un leurre.
D?abord parce que les consommations domestiques et industrielles diminuent déjà et ce depuis plusieurs années. Ensuite parce que même si la situation est très variable d'un bassin à l'autre, les régions les plus affectées par la sécheresse le sont du fait de l'irrigation agricole : les surfaces irriguées ont triplées en France ces 30 dernières années et l'irrigation peut représenter dans certaines régions jusqu'à 80% des prélèvements nets en été !
Enfin parce que même si sécheresse constitue indubitablement un facteur aggravant, le problème est ailleurs. Depuis 2005, une cinquantaine de départements, en moyenne, sont l'objet de restrictions d'usages chaque année : 71 en 2005, 65 en 2006, 26 en 2008, 50 en 2009 et 52 en 2010 et déjà 33 au mois de mai 2011?
Dès lors, doit-on parler de sécheresse ou d'incapacité foncière à maitriser nos prélèvements et à recréer les conditions d'un équilibre raisonné des usages ?
En Poitou-Charentes, la moitié des rivières sont asséchées chaque année. En Adour-Garonne, des situations chroniques de déficit sont constatées presque chaque été depuis 1986, faisant apparaitre un phénomène d'assèchement chronique des eaux libres.
Sécheresse ou pas, il devient donc urgent d'en revenir à une régulation stricte, concertée et raisonnée des usages.
Les solutions existent, on les connait. Une agriculture plus diversifiée, moins gourmande en eau pourrait permettre d'économiser dans certaines régions jusqu'à 60 % des volumes prélevés. Au-delà des mesures immédiates de soutien aux agriculteurs, il est donc indispensable d'adapter enfin le modèle agricole français aux ressources en eau disponibles aujourd'hui mais aussi demain du fait des changements climatiques qui s'annoncent.