Comment assurer une gestion quantitative de l’eau plus efficace en cas de sécheresse ou de crise ? C’est tout l’objet du rapport publié le mois dernier par le CGEDD consacré à la sécheresse qui a affecté, en 2019, la quasi-totalité du territoire national.
Par rapport aux épisodes précédents, cette
sécheresse présentait plusieurs spécificités : elle faisait suite à deux
années sans recharge hivernale des nappes. Ensuite, elle s’est accompagnée de
longs tunnels caniculaires en juin et juillet dont les effets ont été
particulièrement sévères sur les cours d’eau, les milieux naturels et les
cultures. Enfin, elle s’est prolongée exceptionnellement tard dans la saison,
jusqu’en octobre, entraînant la mise en œuvre de nombreuses mesures de
limitation ou de suspension des usages de l’eau selon un dispositif désormais bien
encadré que le CGEDD s’est efforcé d’autopsier.
Il consiste à agir sur la demande pour diminuer la
consommation d’eau, en opposition à un autre type de réponse, largement débattu
en France, qui consiste à agir sur l’offre, en mobilisant des ressources
supplémentaires pour faire face aux besoins.
Mis en œuvre par les services de l’État sous
l’autorité des préfets, ce dispositif repose sur un découpage administratif
fondé sur l’organisation départementale de l’administration. Cette logique est
parfois difficilement conciliable avec celle des bassins hydrographiques :
un défaut de coordination est constaté entre départements sur les bassins
versant interdépartementaux.
Autre grief, les services de l’État disposent
d’outils de mesure performants. Mais ils n’en tirent pas tous les enseignements
qui pourraient leur permettre d’anticiper le phénomène ou d’objectiver les
prises de décision. « Concernant les mesures de limitation des usages, la
méconnaissance des prélèvements réalisés et des volumes épargnés ne permet pas
d’apprécier leur efficacité » indique le rapport. Cette méconnaissance ne
permet pas de s’assurer que les mesures adoptées sont suffisantes, ni proportionnées
au but recherché.
Par ailleurs, sur le terrain, les contrôles de la police
de l’eau restent rarement suivis de sanctions. Le manque de clarté des arrêtés
de prescriptions ne facilite pas ces contrôles et affaiblit considérablement la
force de la police de l’environnement. L’hétérogénéité des mesures adoptées et
le manque de coordination entre départements alimentent par ailleurs un sentiment
d’iniquité, renforcé par un nombre important de dérogations, parfois mal
comprises.
L’efficacité relative du système actuel serait donc
liée à une mise en œuvre insatisfaisante.
Mais plutôt que de refondre le système, le rapport
propose de l’améliorer en renforçant le pilotage par sous-bassin versant. Il recommande
également de transformer les comités sécheresse en « comités de
gestion de l’eau » pour favoriser l’anticipation et améliorer la prise de
décision. Il plaide aussi pour une amélioration de la communication et une définition
des mesures à l’échelle nationale pour harmoniser les pratiques.
« L’amélioration de la connaissance des volumes prélevés, à pas de temps
mensuel, par les agriculteurs comme par les particuliers et les installations classées
pour la protection de l’environnement, est un préalable, indique le rapport.
C’est à ce prix que le dispositif pourra apporter sa plus-value ».
Reste une question essentielle, abordée à la fin
document : celle des limites d’un dispositif prévu pour être mobilisé une
année sur cinq alors qu’il est mis en œuvre pratiquement chaque année.
« Des réponses relevant de la gestion structurelle quantitative de l’eau,
sortant du cadre de cette mission, doivent être privilégiées » indique le document.
C’est d’autant plus indispensable que toutes les
études récentes convergent et prévoient des sécheresses à la fois plus
fréquentes et plus intenses. Les modélisations de Météo France anticipent, sur
la base du scénario tendanciel le plus probable, une augmentation de la
température moyenne de 1,5 à 4,5° à l’horizon 2100, des précipitations plus
intenses en hiver mais plus rares en été, et une diminution du débit estival
moyen des cours d’eau pouvant atteindre 55% dans le sud…