En France, l'eau potable est le produit alimentaire le plus contrôlé. Pas moins de 54 paramètres attestent de sa qualité. Pour garantir la constance de sa qualité de l'usine de traitement jusqu'au robinet de l'abonné, un certain nombre de mesures ont été prises pour sécuriser les réseaux de distribution et les ouvrages de gestion de l'eau. Malgré tout, face à certains risques de contamination intentionnels ou non, des faiblesses subsistent. Le château d'eau, parfois considéré comme le maillon faible en terme de sécurité, en fait partie.
Ils font à ce point partie du paysage et depuis si longtemps qu'on ne les remarque plus. « Ils », ce sont les châteaux d'eau, ces réservoirs de stockage surélevés qui permettent d'assurer 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 un approvisionnement en eau potable assorti d'une pression suffisante au robinet des abonnés. En France, on estime leur nombre à 20.000. Et si l'on ne remarque plus ces maillons essentiels d'un réseau d'eau potable, ce n?est pas parce que l'on cherche à les dissimuler. Visibles de loin, aisément reconnaissables, ils sont bien souvent excentrés des centres-villes, situés sur les points hauts en rase campagne.
A tel point que leur situation géographique est à elle seule un facteur de risque important. Une simple effraction permet un accès direct à plusieurs milliers de mètres cubes d'eau potable en instance de distribution. Peu d'ouvrages sont aussi exposés aux risques de malveillance, de vandalisme ou même au risque terroriste que ce maillon clé du réseau d'eau potable.
Suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, des mesures de protection ont bien été mises en place pour protéger les ouvrages de gestion de l'eau et notamment les châteaux d'eau. Ces mesures se sont traduites par un renforcement des protections périmétriques et par la mise en place de dispositifs de téléalarme permettant au personnel chargé de l'exploitation de mieux surveiller ces ouvrages. Ces dispositifs, dont l'utilité est incontestable, permettent de limiter et surtout de constater les intrusions.
Mais ils ne permettent pas d'en connaître le motif. Dans le doute, le personnel d'exploitation devra prendre les mesures ad'hoc pour s'assurer de l'absence de toute contamination volontaire ou non, et, le cas échéant, suspendre la distribution puis vidanger et désinfecter la cuve et le groupe de pompage.
Une contrainte lourde et des coûts élevés aussi bien pour la collectivité que pour le distributeur, d'autant que certains ouvrages font l'objet d'une quinzaine d'effractions chaque année. De plus, ces dispositifs de protection ne préservent pas des risques de contaminations liés aux va et vient du personnel d'exploitation, ou aux intrusions d'animaux rampants ou volants.
La protection périmètrique est donc nécessaire mais pas suffisante. « S?en tenir à une protection périmètrique, c'est comme fermer une maison à clé en laissant à l'intérieur le coffre-fort ouvert et en prêtant les clés à la femme de ménage ! » estime ainsi Lionel Carpentier, dirigeant-fondateur, avec Armand Carpentier, de Protect'O, société de services et d'ingénierie dédiée à la protection de l'eau des châteaux d'eau. Pour refermer le coffre-fort et préserver l'eau potable de toute contamination, Protect'O a conçu et breveté un dispositif permettant d'isoler complètement les cuves. Objectif : dissocier l'intrusion dans le château d'eau de l'effraction réelle sur la cuve.
Dissocier l'intrusion dans le château d'eau de l'effraction réelle sur la cuve
Les intrusions dans les châteaux d'eau répondent à des motivations diverses et variées qui relèvent le plus souvent du vandalisme, de la malveillance ou même de la simple curiosité. L?intrusion proprement dite dans l'enceinte du château d'eau ou dans l'ouvrage lui-même ne prête pas à conséquence si elle ne s'accompagne pas d'une tentative d'accès au réservoir d'eau potable.
En revanche, s'il l'éventualité d'un contact direct entre l'intrus et l'eau est avérée, l'exploitant devra prendre des mesures beaucoup plus lourdes et bien plus coûteuses. Il est donc important de dissocier l'intrusion dans l'ouvrage de l'intrusion dans la cuve. Le dispositif Protect'O permet cette dissociation. Il consiste en la mise en place de deux demi-cylindres coaxiaux en inox homologué alimentaire, posés tous deux sur des rails. Le diamètre de l'un de ces demi-cylindres est inférieur au diamètre de l'autre de façon à pouvoir s'escamoter au moins partiellement grâce à un système de roulement.
Selon les cas, l'un de ces demi-cylindres peut être fixe ou les deux peuvent être mobiles. Leur diamètre et leur hauteur sont fonction des caractéristiques de la cuve qu'ils doivent protéger. Un système de verrouillage permet de bloquer la liaison entre les deux demi-cylindres et donc leur ouverture. Sans l'accès à ce dispositif de verrouillage, il est impossible de déplacer la partie mobile (dans le cas où l'un des demi-cylindres est fixe), ou impossible d'escamoter l'un des demi-cylindres pour accéder à l'eau (dans le cas où les deux demi-cylindres sont mobiles). Pour une sécurité renforcée, le système peut également verrouiller les demi-cylindres à un ?illet riveté à même le sol de la plate forme de la cheminée, ou à un ?illet riveté au niveau du toit.
Les avantages de ce dispositif de protection physique, exempt d'électronique sauf en cas d'ajout d'un dispositif de téléalarme, sont clairs : le temps nécessaire pour accéder à l'eau est sensiblement allongé et surtout, il nécessite une effraction dont les traces sont visibles et facilement constatables tant par les agents du service de l'eau, que par les forces de l'ordre ou un agent habilité. Conséquence directe, les mesures à prendre à la suite d'une intrusion dans le château d'eau seront immédiates et surtout adaptées selon que le dispositif de protection de la cuve aura fait ou non l'objet d'une effraction.
Autre avantage, ce dispositif protège la qualité de l'eau de toute source de pollution quelle qu'en soit l'origine y compris lorsqu'elle résulte de maladresses, de négligences ou de manipulations involontaires des agents d'exploitation. Du coup, il permet également de faire face aux évolutions fonctionnelles des châteaux d'eau.
Faire face aux évolutions fonctionnelles des châteaux d'eau
Depuis l'avènement du téléphone cellulaire, le château d'eau n?a plus seulement pour fonction de stocker l'eau potable en instance de distribution. Sa situation sur les points hauts et sa hauteur en ont fait une cible de choix pour les opérateurs téléphoniques privés ou publics qui l'utilisent comme relais hertzien.
Inconvénient, le nécessaire entretien des antennes et des moyens de transmission nécessite des visites régulières de maintenance par des intervenants dont le métier n?a rien à voir avec la distribution de l'eau. Et même si des garanties et des habilitations sont fournies par les opérateurs aux gestionnaires du service de l'eau ainsi que l'exige l'annexe II de la circulaire de la DGS du 7 novembre 2003, le niveau de risque augmente corrélativement au nombre d'intervenants potentiels.
Mais faut-il pour autant renoncer aux ressources financières que procure cette concession aux gestionnaires de ces ouvrages dont l'entretien annuel est évalué entre 3.000 et 5.000 euros par an ? Pour Lionel Carpentier, « Le fait de dissocier l'accès au château d'eau de l'accès à la cuve permet d'envisager beaucoup plus sereinement la location de l'ouvrage à un opérateur ». Pour le gestionnaire de l'ouvrage, c'est un revenu supplémentaire sans augmentation corrélative du risque qui allège d'autant ses frais d'exploitation et qui minore l'investissement lié à la mise en place du dispositif.
Car même si les préfectures, les conseils généraux ou les agences de l'eau sont susceptibles, dans certains cas, d'apporter des aides financières aux communes désireuses d'investir, l'investissement n?est pas neutre : « entre 20.000 et 40.000 euros selon la hauteur, la circonférence et l'accessibilité du château d'eau » précise Lionel Carpentier. Un montant élevé donc, mais qui doit être relativisé compte tenu des économies d'exploitation qu'il permet en allégeant les coûts d'intervention en cas d'intrusion et en rendant possible la perception de revenus de location aux opérateurs de téléphonie, tout cela dans le cadre d'une démarche proactive d'augmentation du niveau de la sécurité.
Aujourd'hui, 2 châteaux d'eau sont déjà équipés du dispositif Protect'O et des discussions sont en cours pour l'équipement de 85 autres ouvrages.