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Entreprises

Traitement des boues : Orège fait valider la technologie SLG aux Etats-Unis

30 avril 2016 Paru dans le N°391 ( mots)

Créée en 2005, Orège a conçu et développé une solution de traitement innovante des boues urbaines et industrielles reposant sur un traitement triphasique de séparation solide/liquide/gaz. Après une validation technique et commerciale moins rapide qu'espérée en France, cette jeune pousse a choisi de se tourner vers le marché américain pour déployer l'une des rares technologies de rupture intervenue dans le domaine des boues ces dernières années. Après la signature d'un premier contrat au début de cette année avec CH2M, société américaine d'ingénierie de renommée internationale, figurant parmi les 3 premières les plus en pointe pour la validation et l'adoption de technologies innovantes dans le domaine de l'eau, de l'environnement ou de l'énergie, Orège enchaine les succès obtenant sur ce marché la reconnaissance tant attendue. Pour pousser son avantage, l'entreprise travaille sur plusieurs déclinaisons de solutions permettant d'élargir et d'optimiser la technologie SLG. Rencontre avec Pascal Gendrot, Directeur Général d'Orège.

Revue L'Eau, L'Industrie, Les Nuisances : Vous avez enregistré un premier succès aux Etats-Unis en signant un contrat de vente avec CH2M pour une solution SLG (40 m³/h). Ce succès semble valider votre stratégie de développement sur le continent nord-américain. Qu'en est-il exactement ?

Pascal Gendrot: Effectivement, ce contrat est l'aboutissement d'une démarche technico-commerciale initiée au printemps 2015 avec la création de Orège North America. Basée à Atlanta et constituée aujourd'hui d'une équipe d'une dizaine de collaborateurs, cette équipe a pour mission de mettre en œuvre le déploiement commercial de la technologie SLG sur le territoire nord-américain et d'établir des partenariats industriels. La création d'Orège North America est le fruit d'une décision stratégique qui s'est opérée sur plusieurs mois, entre fin 2014 et mi 2015. Ce choix de privilégier l'international était conforme à ce que nous souhaitions depuis plusieurs années.

 

Revue E.I.N. : Mais s'implanter sur le continent nord américain suppose un important travail de préparation, il faut trouver des relais locaux, nouer de nombreux contacts, etc

P.G.: Après 1 an d'études en 2014, la phase active nous a pris 9 mois entre le printemps et la fin 2015. Durant cette période, nous nous sommes attachés à structurer nos premiers contacts. Nous avons rencontré de nombreux partenaires potentiels, notamment les plus grosses sociétés d'ingénierie conseil qui jouent un rôle clé aux Etats-Unis en étant tout à la fois décideurs dans la conception-construction, prescripteurs et exploitants. Au cours d'un voyage initiatique qui s'est déroulé au printemps 2015, nous avons enchaîné de nombreux rendez-vous avec des sociétés d'ingénierie-conseil, mais aussi des industriels aux profils très différents et implantés sur quatre zones géographiques : la région Nord-Est et New-York, la région des Grands Lacs/Ontario, la Californie, la Floride/Géorgie. Nous avons senti d'emblée un intérêt très fort pour la technologie SLG. Conformément à nos espérances, le sens du défi américain, leur pragmatisme culturel, et leur appétit pour de nouvelles technologies, s'est traduit avant même notre retour en France par des demandes de rendez-vous complémentaires, et des propositions émanant de sociétés d'ingénieurs-conseils en vue d'implanter la technologie SLG sur des stations d'épuration.

 

Revue E.I.N. : Tout a donc été très vite ?

P.G.: Très, alors même que l'on nous avait prédit 3 ans avant de vendre la première unité. Nous avons donc décidé d'entrer immédiatement en négociation pour installer d'emblée des solutions SLG avec 4 partenaires industriels distincts dans des régions différentes selon des configurations d'équipements variées, l'idée étant à chaque fois de privilégier les grands comptes pour valider la technologie. Nous avons choisi la Floride, une région très dense, caractérisée par une forte production de boues, une saisonnalité importante et des conditions d'épandage contraignantes et onéreuses, la région de New-York du fait de la densité de sa population et de ses boues dont le traitement final revient très cher car elles sont évacuées par convoi de camions vers des centres d'incinération souvent loin de leur lieu de production, la Californie, sujette à des problématiques de ressources en eau, et puis la région des Grands Lacs/Ontario. Trois contrats furent signés à l'été 2015 pour un premier déploiement dés fin 2015 et deux autres courant du premier semestre 2016.

 

Revue E.I.N. : Etiez-vous prêts à déployer ces unités ?

P.G.: Nous avons dû adapter la technologie SLG aux normes américaines ASME et UL, différentes des normes européennes, notamment en matière électrique et de réacteurs sous pression. Cela a nécessité un gros travail de spécifications techniques selon les standards américains, de reconfiguration des armoires électriques, des automates, de reconfiguration des skids SLG qui a pris presque 7 mois. Il a également fallu mener un travail de réflexion sur un business model adapté au pragmatisme du marché nord-américain.

 

Revue E.I.N. : Quel est le business model que vous avez privilégié ?

P.G.: Nos contrats ont été signés sur la base d'une pré-vente. Ce sont des contrats de vente conditionnés par l'obtention de résultats prédéterminés. Ce business model est extrêmement audacieux pour une technologie innovante non connue sur le continent américain. Le premier contrat spécifiait ainsi trois 3 critères que nous devions atteindre ou dépasser : le SLG devait générer 2 % de siccité supplémentaire et 20 % d'augmentation du débit passant à partir d'une combinaison SLG et BFP (table d'égouttage et un filtre à bande), tout ceci avec un retour sur investissement inférieur à 4 ans. Si ces 3 critères étaient respectés, la vente devenait automatique. C’est très différent de ce qui se passe en France ou chaque contrat passe par une validation préalable d'experts R&D, les processus sont bien plus longs.

 

Revue E.I.N. : Comment s'est déroulée cette première installation ?

P.G.: Nous avons travaillé sur l'une des stations d'épuration jugée parmi les plus difficiles des Etats-Unis avec les boues les plus complexes qui soient, mélange de boues urbaines et industrielles : odorantes, très fluctuantes, collantes, contenant des graisses, des tensio-actifs, etc. Malgré cela, et après la phase d'installation qui a duré moins de 10 jours, nous avons obtenu des résultats largement supérieurs aux attentes. La siccité a augmenté de 3,5 à 4 points, le débit passant s'est stabilisé à + 40 %, et le retour sur investissement devrait être inférieur à 1,6 ans. La consommation de polymère a également diminué de 25% et les exploitants ont noté une nette diminution des nuisances olfactives. Les experts de CH2M ont validé tous les critères alors même que nous n’étions pas installés depuis un mois. Ça a été la reconnaissance la plus extraordinaire que l'on puisse attendre. Cette unité SLG est en train d'être reconfigurée en version industrielle définitive et sert également de plateforme de démonstration.

 

Revue E.I.N. : Comment avez-vous géré ce premier succès ?

 P.G.: Nous avons choisi de continuer à nous concentrer sur ces 4 grandes régions initiales que sont la Floride/Géorgie, la Californie, la région des Grands Lacs/Ontario et le Nord-Est/New-York en y ajoutant toutefois le Texas, un Etat sujet à de nombreuses problématiques de boues. Mais au-delà de la validation technique puis commerciale enregistrée par la technologie SLG aux Etats-Unis, nous avons également entrepris de travailler sur plusieurs déclinaisons de solutions reposant sur cette technologie.

 

Revue E.I.N. : De quoi s'agit-il exactement ?

P.G.: Il s'agit d'un important travail de développement qui concerne plusieurs configurations distinctes permettant d'optimiser la solution SLG associée aux techniques déjà mises en œuvre. Ainsi, pour favoriser et prolonger l'effet de conditionnement de la boue par le SLG, nous travaillons avec un partenaire Français, sur la conception d'une table d'égouttage et d'un filtre à bandes plus adaptés aux boues issues de la réaction SLG, notamment pour aider à une meilleure répartition des boues sur toute la largeur de la table ou de la toile de manière à faciliter le drainage. Nous travaillons également sur la combinaison SLG-centrifugeuse, plus complexe, la centrifugeuse n’étant pas l'outil de déshydratation le plus naturel pour préserver l'effet du SLG sur la boue. La centrifugation a en effet tendance à affecter le principe de la microporosité de la boue en la plaquant dans le bol, du fait de la force centrifuge. Nous travaillons donc sur différents paramètres tels que le dégazage, la vitesse relative et le couple de la centrifugeuse, pour adapter au mieux la centrifugation aux spécificités de la boue en sortie de SLG.

 

Revue E.I.N. : Vous cherchez à optimiser la conception des outils existants pour maximiser les effets de la technologie SLG sur la boue ?

P.G.: Exactement. Dans le même esprit, nous développons une solution SLG mobile d'épaississement-déshydratation, totalement autonome, plug & play, susceptible d'être installée en quelques minutes, pour épaissir des boues liquides et pouvoir passer d'une petite station d'épuration à une autre. Ces solutions mobiles constituent une alternative intéressante aux transports de boues liquides et ont vocation à s'adresser aux stations sur lesquelles il n’existe pas d'outil fixe d'épaississement ou de déshydratation, typiquement les stations d'épuration de moins de 10.000 EH en France, en Angleterre et aux Etats-Unis.

 

Revue E.I.N. : La mobilité représente un marché important ?

P.G.: Oui, en Grande-Bretagne, par exemple, on recense de milliers de stations d'épuration de petites tailles associées à des centres de déshydratation partagés. C’est également le cas en France, dans certaines régions comme la Bretagne. Au Royaume-Uni, nous travaillons en ce moment avec Anglian Water pour figer les derniers paramètres de la solution qui devrait être prochainement déployée chez eux. La solution se tracte facilement, et permet de prendre en charge des boues à 10 g/l puis les épaissir à 60 g/l grâce au SLG couplé à notre outil propriétaire de séparation, le Flosep. Le quatrième développement sur lequel nous réalisons des essais de validation concerne l'impact du SLG sur la digestion anaérobie. Nous avons travaillé 6 semaines sur une station d'épuration en France pour appréhender l'impact du SLG sur les paramètres de digestion, notamment la réduction des AGV et la minéralisation des boues, en vue notamment d'augmenter la production de biogaz. Même si nous n’en sommes encore qu'au stade du développement, le gain pourrait être selon nous assez important. Nous démarrons actuellement des essais avec un partenaire de premier plan en Allemagne pour valider cette dernière solution au travers de divers positionnements.

 

Revue E.I.N. : D’autres développements en cours ?

P.G.: Nous travaillons également sur des textures de boues particulières, notamment des boues d'origine industrielle nécessitant une application séparative. Typiquement, les huiles, les hydrocarbures ou les graisses, ou encore les fibres dans certaines applications comme la pâte à papier. Ces boues génèrent des coûts d'élimination plus élevés que les boues urbaines. Nous avons d'ores et déjà annoncé une première référence dans le domaine de la chimie à Berre, sur le site de LyondellBasel en partenariat avec le Groupe Ortec. Enfin, le dernier axe de développement consiste à positionner le SLG sur de grosses filières d'épaississement en amont des filières traditionnelles tels que les épaississeurs statiques existants pour optimiser l'épaississement.

 

Revue E.I.N. : Au plan commercial, quelles sont vos perspectives pour les mois à venir ?

P.G.: Nous allons continuer, au cours de l'année 2016, à nous développer aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France. A partir de 2017, nous renforcerons nos équipes outre-Atlantique et nous implanterons des équipes locales de 3 à 5 personnes en Grande-Bretagne et en Allemagne qui travailleront étroitement avec la France.

 

 

Propos recueillis par Vincent Johanet