Transferts d'eau : business ou solidarité ? Pour faire face à la sécheresse historique qui frappe la ville de Barcelone, le gouvernement Catalan a donc choisi de faire appel à des bateaux-citernes pour approvisionner sa capitale. Durant trois mois, plusieurs navires vont effectuer des rotations pour alimenter Barcelone. Des bateaux en provenance de Tarragone mais aussi de Marseille, qui sont censés contribuer à garantir l'alimentation en eau potable de l'agglomération Barcelonaise. La capitale catalane recevra ainsi chaque mois, 1.600.000 m3 d'eau potable, ce qui représente 6% de sa consommation totale. La facture, salée, s'élèvera à 22 millions d'euros par mois. Mais cette solution d'approvisionnement par bateaux, même temporaire, ne fait pas l'unanimité. Du côté Espagnol d'abord, ou l'on juge, à juste titre, que ce mode d'approvisionnement est l'illustration patente de l'échec des politiques publiques menées en matière de gestion de l'eau ces trois dernières décennies. En France, plusieurs associations, notamment écologistes, dénoncent également l'incurie des autorités catalanes et espagnoles, le gaspillage des ressources et craignent, pas tout à fait à tort non plus, que ce précédent ne génère de mauvaises habitudes qui pourraient relativiser la nécessité d'économiser l'eau et surtout de réguler les usages. Plus contestable est en revanche, l'affirmation récurrente selon laquelle ce type d'opération serait la porte ouverte à une « marchandisation » de la ressource. D?abord parce que si l'eau est gratuite, son captage, son traitement et son acheminement sont le fruit d'opérations souvent complexes qui présentent un coût, celui d'un service, qui n?implique nullement que l'eau devienne pour autant un bien marchand. Ensuite parce qu'un examen rapide des transferts d'eau intervenus ces dernières décennies montre qu'ils restent exceptionnels et la plupart du temps liés à des crises ponctuelles. Les raisons en sont assez simples. Elles tiennent à la double réticence du « vendeur » et de « l'acheteur ». Le premier craint les réactions de son opinion publique, le second répugne à afficher sa dépendance vis-à-vis d'un bien aussi vital. Elles tiennent aussi au fait que l'apparition d'un marché mondial de l'eau, à l'image des marchés du gaz ou du pétrole, est impossible du fait de la diversité des usages et des contextes. Quel prix fixer pour une eau destinée à l'alimentation humaine, une eau destinée à l'irrigation ou encore une eau de process industrielle ? La diversité des usages et des contextes dans lesquels ces transferts s'inscrivent rends impossible l'établissement d'un prix et donc d'un marché. D?ailleurs, là aussi, l'examen des conditions financières qui ont régi les rares transferts d'eau intervenus ces dernières années montrent bien qu'elles ont été établies bien plus sur des fondements politiques qu'économiques. Il ne faut donc pas se tromper de combat : ce n?est pas contre ce type de transfert qu'il faut s'élever, encore moins contre une prétendue marchandisation de l'eau, mais bien contre les politiques qui l'ont rendu nécessaire. En attendant que nos amis Espagnols ne se décident enfin à mieux gérer leurs ressources, à maitriser et réguler leurs usages, la solidarité parait donc de mise.