En août 2018, le Gouvernement a proposé aux collectivités territoriales qui le souhaitent de mettre en œuvre un dispositif de « chèques eau » pour aider les plus démunis à couvrir une partie de leurs dépenses d’eau et d’assainissement. Chaque collectivité supporterait la charge des aides pour l’eau distribuées aux habitants vivant dans la collectivité et bénéficierait à l’initiative du Gouvernement de l’assistance de l’Agence de services et de paiement (ASP) pour établir et maintenir à jour le fichier des destinataires de l’aide et pour leur distribuer les chèques eau.
Une collectivité
qui accepterait cette offre gouvernementale serait déchargée du difficile travail
de déterminer quels ménages doivent être aidés en fonction des revenus et de la
taille de ces ménages. Il lui suffira de verser à l’ASP le total des chèques
eau que l’ASP aura distribuée à des bénéficiaires qui habitent la collectivité
et qui seront déterminés selon des règles uniformes analogues à celles mises en
œuvre pour les chèques énergie.
Afin d’aider les
collectivités à se prononcer sur cette offre, l’Académie de l’eau a effectué une
étude pour évaluer l’impact financier probable de la distribution éventuelle des
chèques eau financés au niveau des collectivités (Henri Smets, « Le coût
des chèques eau », www.academie-eau.org)
Bien que le
montant des chèques eau et les conditions que doivent remplir les bénéficiaires
des chèques restent à déterminer, il semble vraisemblable que les chèques
devront atteindre en moyenne environ 66 €/an pour un couple et ne seront versés
qu’à des ménages dont les ressources annuelles sont inférieures à 10 700 €/uc.
Si les ressources sont très inférieures à 5 600 €/uc ou si l’eau coûtait plus de
6,5 €/m3, le montant du chèque pourrait être plus élevé.
Le nombre de
bénéficiaires du chèque eau dans les collectivités dépendra du niveau des revenus
au sein des collectivités. Il dépassera généralement 1% de la population mais
pourrait atteindre 10% dans certaines collectivités très pauvres.
Si 10% de la
population d’une collectivité recevaient un chèque de 66 € et si la facture
moyenne d’eau des ménages bénéficiaires du chèque était de 360 €/an,
l’incidence des chèques eau serait seulement de 1,8% du montant total des
factures d’eau et d’assainissement de la collectivité. Même dans le cas d’une
collectivité pauvre, l’incidence des chèques eau sera faible. Aussi peut-on
conclure que le financement des chèques eau pourra être effectué par péréquation
interne dans la plupart des collectivités.
Les collectivités
territoriales ne devraient donc pas avoir de difficultés à financer les chèques
eau distribuées aux ménages pauvres de leur ressort, à condition de disposer
des libertés de gestion de leurs services d’eau que leur garantit la Constitution.
En particulier, elles devraient être libres de fixer le montant des
chèques eau et être libres de consacrer une petite part de leur budget à financer
les chèques eau. De même, elles devraient être libres de créer une petite
tranche de consommation d’eau gratuite pour que chacun puisse exercer
effectivement son droit à l’eau.
Pour que les collectivités
puissent exercer leur choix concernant la mise en place éventuelle des chèques
eau, il leur faut connaître le cadre juridique qui instaurera à une date encore
inconnue la distribution de ces chèques. A ce jour, elles ne peuvent pas donner
une suite positive à l’offre du Gouvernement car « le droit actuel
n’autorise pas les collectivités qui le souhaitent à mettre en place une
tarification sociale de l’eau ».
Tel est l’avis du Ministre de la transition écologique en août 2018 en réponse
à une question parlementaire posée par la députée Riotton. Et quinze jours plus
tard, …le Gouvernement suggérait aux collectivités de faire appel aux chèques
eau, une forme de tarif social. Tant qu’une nouvelle loi n’aura pas été votée
pour définir le cadre juridique des chèques eau, les collectivités qui le
souhaitent ne pourront pas mettre en place le système des chèques eau proposé
par le Gouvernement.
Henri Smets,
Académie de
l’eau,
France