Entre 1 et 1,5 milliard d'euros par an. C?est ce que coûteraient chaque année aux seuls ménages les dépenses liées aux pollutions d'origine agricole selon un rapport publié par le Commissariat général au développement durable le 30 septembre dernier. Des chiffres impressionnants qui illustrent bien le retournement du principe pollueur-payeur vers celui du pollué-payeur.
En février 2010, la Cour des comptes avait dénoncé les défauts du modèle français de financement curatif qui conduirait, selon elle, à des coûts largement plus élevés que ceux des modèles privilégiant la prévention, tout en négligeant les conséquences environnementales et sanitaires d'une dégradation de la ressource.
L?étude publiée le 30 septembre dernier par le Commissariat général au développement durable (CGDD) qui propose une première évaluation des coûts directs supportés par les ménages du fait de la dégradation de la qualité des ressources due aux excédents d'engrais azotés et de pesticides d'origine agricole s'inscrit dans la droite ligne de ce constat.
Selon cette étude, les dépenses supplémentaires supportées par les ménages du fait des pollutions d'origine agricole se situeraient au minimum dans une fourchette comprise entre 1.010 et 1.530 millions d'euros, dont 640 à 1.140 millions d'euros sont directement répercutés sur la facture d'eau, représentant entre 7 et 12 % de cette facture.
Et encore ces chiffres ne concernent-ils que les ménages : les dépenses supplémentaires des entreprises et collectivités entraînées par les pollutions diffuses agricoles en matière de traitement et d'épuration de leurs eaux n?ont pas été évaluées par cette étude.
Et il y a pire : pour les ménages habitant les localités les plus exposées aux pollutions d'origine agricoles, ces dépenses supplémentaires pourraient atteindre 494 ?/ménage ou encore 215 ?/personne, soit un surcoût de près de 140 % de la facture d'eau'.
Les dépenses transférées par l'agriculture aux ménages étant proportionnelles au nombre de membres composant la famille, à raison d'environ 215 ? par personne et par an, la dépense supplémentaire entraînée par ces pollutions serait de l'ordre de 1.074 ?/an pour une famille de 5 personnes'. « Malgré ces dépenses additionnelles de traitement de l'eau, plus de 8 % des Français ont été alimentés au moins une fois dans l'année 2008 par de l'eau contaminée en pesticides à une concentration supérieure aux normes de potabilité » relève encore le CGDD.
Ces chiffres, déjà impressionnants, ne concernent que les surcoûts supportés par les ménages mais ne comprennent pas, par exemple, les coûts liés à la dépollution des ressources vis à vis des nitrates et des pesticides d'origine agricole.
Bien qu'il n?existe à l'heure actuelle aucune méthode de dépollution à l'échelle d'une masse d'eau, les coûts d'une éventuelle dépollution ont été estimés en supposant que les technologies de potabilisation pourraient être employées pour un traitement à grande échelle.
Ainsi, et uniquement pour le stock des eaux souterraines, estimé à 2.000 milliards de m3 en métropole, le coût de dépollution pour les nitrates serait compris entre 490 et 742 milliards d'euros, et le coût de dépollution pour les pesticides serait compris entre 32 et 105 milliards d'euros. Au total, le coût de dépollution des eaux souterraines serait compris entre 522 et 847 milliards d'euros'...
« Les coûts très élevés que l'étude met en évidence pour le traitement a posteriori des milieux aquatiques font ressortir l'intérêt d'agir en amont pour réduire à la source les épandages » indique le CGDD. Les succès spectaculaires enregistrés sur les épandages agricoles de phosphore, dont les excédents se seraient divisés par 3 en quelques années, ou ceux des Bavarois et Danois enregistrés sur l'azote et les pesticides, démontrent que de bonnes pratiques peuvent être instituées efficacement ».
On se souvient que la Cour des comptes avait observé que des pays comme le Danemark et la Bavière étaient parvenus, en responsabilisant leurs agriculteurs sur des actions préventives, à réduire de 30 % leurs consommations d'azote et de pesticides alors que la France avait opté pour une généralisation des traitements de ces pollutions à l'entrée des réseaux d'eau potable.
Selon la Cour, ces traitements s'avèrent 2,5 fois plus coûteux au mètre cube traité que la prévention opérée en Bavière sans pour autant améliorer la qualité de la ressource?.
Le rapport du CGDD est téléchargeable à l'adresse : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ED52-2.pdf