Nous nous trouvons aujourd’hui à la croisée des chemins. Dans une situation où le contexte sanitaire a pour conséquence un ralentissement sans précédent du développement de la filière Eau, l'urgence climatique impose d'agir rapidement et efficacement.
Les dates anniversaire sur les ambitions climatiques se succèdent sans masquer le retard accumulé par la France, et d'autres pays sur les objectifs qu'elle s'est fixée. « Verrons-nous enfin en 2020 l'engagement d'un véritable programme de lutte contre le réchauffement climatique ? Quoique marquée par la publication de plusieurs rapports alarmants sur la poursuite de la hausse des gaz à effet de serre et des températures dont les impacts sont croissants notamment dans le domaine de l’eau, la COP 25 n’a pas trouvé les moyens de faire émerger de consensus, alors que les intentions affichées par les Etats restent loin de la perspective prévue par l’Accord de Paris de limiter le réchauffement global à 2°C. », écrivait dans nos colonnes, Jean-Luc Redaud, président du Groupe Climat, Partenariat Français pour l’Eau.
L’édition 2020 des chiffres clés sur l’eau et les milieux aquatiques coproduite par le Service des données et études statistiques du ministère de la Transition écologique et l’Office français de la biodiversité rappelle que les changements climatiques affecteront fortement le cycle de l’eau. L’enquête montre clairement tous les stress auxquels il est et sera exposé : sécheresse, réchauffement de l’eau, surabondance de cyanobactéries dans plusieurs sous-bassins etc. Depuis 2017, des restrictions d’eau sont appliquées sur au moins 30 % du territoire métropolitain, l’année 2019 s’étant singularisée avec plus de 67% du territoire français touché. 85 % des poissons migrateurs amphihalins sont menacés ou quasi menacés. 38 % des 132 sites humides emblématiques évalués, considérés comme les principaux réservoirs d’importance écologique, se sont dégradés sur la période 2000-2020.
Cet éclairage sur les principaux enjeux que représentent l’eau douce et les milieux aquatiques révèle donc l’existence de lacunes pour atteindre le bon état de toutes les eaux qui se concrétise avant tout par le maintien et le développement des infrastructures liées à l’eau. En poursuivant l’étude, on note que le niveau d’emploi ne suit pas de véritable tendance et oscille en fonction des dépenses d’investissement qui n’ont cessé de baisser jusqu’en 2016. Du côté de la production et la distribution de l’eau potable, les dépenses se stabilisent depuis 2005 à hauteur de 2 Md€ par an. Ce qui permet d’expliquer qu’à l’échelle de la France, les pertes par fuites annuelles représentent un milliard de m3 et que le profil du service d’eau potable sujet à de graves difficultés est avant tout celui de la petite collectivité rurale.
Autrement dit, cette étude révèle que des défauts qui étaient jusqu’à présent « supportables » constituent soit des symptômes, soit des faiblesses qu’il faut en urgence corriger.
En tout état de cause, il y a des raisons de rester optimiste. L’année 2020 a permis de contribuer à éveiller les consciences et à faire comprendre que l’eau est plus que jamais en interrelations avec la santé, l’environnement et le développement économique des territoires.
Le petit cycle de l’eau a marqué la différence pendant la première vague de la crise sanitaire et puis à l’occasion de la tempête Alex d'octobre 2020 dans l'arrière-pays niçois. Dans les usines, sur le terrain, dans les centres d’appels, il a révélé que l’eau seulement considérée comme un bien économique est avant tout un bien naturel stratégique et que les infrastructures à moyen et long terme sont « climato-dépendantes ».
L’histoire
de la politique de l’eau retiendra l’engagement des exploitants sur le terrain mobilisés
pour la continuité de service mais aussi l’activité « intensive en
connaissances », en programmes pilotes, groupes de travail, plateformes de
coordination telles que le consortium de recherche OBEPINE, ou le programme innEAUvation.
Cette année 2020 a sans aucun doute changé les mentalités. Elle traduit la nécessité
de renforcer l’effort substantiel de R&D
entrepris dans chacun des domaines sur la base d’une approche intégrée,
participative, multi-acteurs, inter-institutionnelle, transdisciplinaire. On y
reviendra au cours de 2021.
D’ici là, bonne année à tous et à toutes.
Pascale Meeschaert