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Au fil du temps ; brève histoire de l'alimentation en eau potable de la Ville d'Arras (seconde partie)

03 novembre 2017 Paru dans le N°405 à la page 100 ( mots)
Rédigé par : François PHILIPPS de VEOLIA EAU

Des porteurs d’eau à la distribution au robinet, des simples puits au robinet, la conquête de l’eau a été riche et complexe. L’eau fondatrice de l’Atrébatie et de son rayonnement économique autour de la Scarpe et du Crinchon a façonné la physionomie de l’Artois. Sans oublier l’eau et son rôle défensif pendant les grands épisodes de la longue histoire d’Arras située aux frontières des grands royaumes européens. Cette ville fut pionnière - comme Boulogne dans le département du Pas de Calais - en matière de distribution publique d’eau potable en se dotant d’une adduction dès les années 1860. Découvrons l’histoire et les arcanes d’une adduction particulièrement performante pour son temps.

La reconstruction ; le réseau urbain des eaux début du 20ème siècle

Un remaniement important de la distribution doit s’opérer pour tenir compte des gros travaux d’urbanisation à l’est, du côté des faubourgs de Ronville et St Sauveur. Cette période (1884 à 1912) est concomitante à la politique hygiéniste des maires de la Belle époque (Mrs E.Grenelle, A. Lenglet, E. Minelle pour ne citer qu’eux). Les municipalités s’efforcent d’améliorer l’approvisionnement en eau, le ramassage des déchets, l’évacuation des eaux usées… et développent les jardins publics et lieux sportifs.
Schéma de distribution d'eau - Début 20ème siècle.

La nouvelle usine de Méaulens est construite en 1896 directement au-dessus des sources sur l’emplacement d’un ancien ouvrage militaire dérasé par les soins de la CGE. Deux réservoirs en fer et ciment ont de même été bâtis à Ronville sur une ancienne butte fortifiée.

En 1903, un recensement des équipements dénombre alors 1733 branchements pour concessions particulières (et seulement 2 robinets de jauge), 348 abonnements au compteur, 2 robinets de jauge et le reste à robinet libre d’après évaluation - à savoir ;
  • cent litres/jour pour un ménage de 1 à 2 personnes, 33 litres par personne au-delà et jusqu’à 6, et 21 litres par personne au-delà de 6,
  • 55 litres par cheval, autant par voiture et moitié par are de jardin,
  • 10 à 20 litres en sus pour les appareils de WC.
Usine élévatoire - Fin 19ème siècle.

Dès 1905, des puits creusés à 8 mètres de profondeur dans la craie blanche du sénonien sont réalisés au lieu-dit « Méaulens » pour améliorer le captage des émergences naturelles d’alors. Il s’agit toujours de s’approvisionner aux sources locales abondantes dont le débit est tel qu’elles assurent encore de nos jours ¾ de l’alimentation. Auparavant, le captage de la source principale s’opérait au moyen d’une cloche métallique de 3 m de diamètre et 2,5 m de hauteur placée au-dessus du forage rempli de pierraille formant drain ; un tuyau d’aspiration des machines élévatoires muni d’un clapet de pied venait y plonger.

Durant la période 1914-1918, la première guerre mondiale a eu pour conséquence de détériorer la plupart des ouvrages du réseau d’eau existant. Le bombardement durera 4 ans et la ville en a terriblement souffert - étant alors sur la ligne de front. Les années qui suivirent furent donc consacrées à la reconstruction de la ville d’Arras (partiellement détruite) et à la remise en état de son système de distribution d’eau potable. Cette rénovation sera d’abord pilotée par le commandement militaire recourant à des agents CGE mobilisés aux armées, puis c’est la SADE qui sera appelée à partir de 1920 à remettre progressivement en état les canalisations.

Pompe Méaulens rénovée - fin du 20ème siècle.

En octobre 1926 est rédigée une nouvelle modification du « traité d’établissement des eaux ». L’accroissement constant du service et modifications apportées aux installations ont abouti au patrimoine suivant ;

  • Captages
  • Usine et machines élévatoires (l’ensemble des années trente, moteur DUNANT et transmission du groupe a été conservé et est toujours visible sur le site actuel).
  • « stérilisation » à l’hypochlorite
  • Réseau de distribution du Haut Service ; quartier St Sauveur à l’est relié avec une conduite spécifique de 250 mm directement sur l’usine élévatoire de Méaulens au centre-ville. Avec un réservoir Arras-St Quentin (500 m³),
  • Réseau de distribution du Bas Service ; autres quartiers d’Arras et Banlieue. Avec les réservoirs de Arras-Méaulens (2.000 m³), Baudimont-1929 (300 m³), Ste Catherine (130 m³), St Nicolas (200 m³), St Laurent (150 m³), Achicourt (300 m³).
Carnet d'entretien - 1935.

De nombreux ouvrages de stockage de l’eau ont donc été construits durant la période allant de 1918 à 1934, dont certains ne sont plus en fonctionnement aujourd’hui.

Cependant, il subsiste toujours quelques réservoirs d’eau potable de l’époque qui sont toujours en service. C’est le cas des réservoirs d’Arras « Méaulens, St Quentin, Blanc Mont, Baudimont ».

Sur les conseils de M.Dollé, professeur d’Hydrogéologie à la faculté des sciences de Lille, dans le sous-sol du jardin Minelle, 2 forages plus profonds sont creusés à 32 mètres de profondeur jusqu’aux marnes grises/dièves imperméables. Cela permet de capter une eau de meilleure qualité protégé par une zone partiellement étanche (ban de de Meule constituant un terrain moins fissuré).

Parcourons la fin de son avis en date du 11 mai 1934 ; « …L’eau du Sénonien inférieur et du Turonien supérieur sont mêmes maintenues captives au voisinage de la source Méaulens par les limons imperméables de ruissellement qui recouvrent les affleurements de craie, et qui apportent ainsi aux eaux du Crétacé un surcroît de protection vis-à-vis des infiltrations d’eaux superficielles. La Sté des Eaux d’Arras doit compléter son captage par un forage à grand diamètre, poussé jusqu’à la tête des marnes imperméables à +24 et, grâce à un isolement rigoureux des eaux du sénonien au moyen d’une chemise étanche de béton, sur une hauteur de 10 m, capter les eaux artésiennes du turonien entre les cotes +45 et +24. Ce sont donc des eaux différentes de celles de l’ancien captage et elles sont rigoureusement à l’abri de toute contamination proche ou lointaine. Ces eaux remarquables de la partie profonde du réseau aquifère peuvent assurer, avec une faible dénivellation, un débit de l’ordre de 300 mètres cubes heure ».
Principe du “stérilisateur” - 1930

Ces ouvrages de diamètre utile 500 mm ont une productivité importante, 315 m³/h avec seulement 0,6 m de rabattement. Cette eau est alors stockée dans le réservoir bi-cuves de 1.000 m³ de Méaulens sur site mis en service en avril 1935.

En 1957, les besoins s’étant accrus notablement, un 3ème forage complète sur le même site la production pour répondre à l’augmentation des besoins. L’ensemble de ces ouvrages demeure exploité de nos jours !

La période contemporaine : seconde moitié du 20ème siècle

Juste après la seconde guerre, des cas de fièvre typhoïde qui ont été constatés à Arras et environs déclenchent une enquête du ministère de la Santé Publique. Une instruction de la direction de l’Hygiène publique - précurseur des prescriptions de déclaration publique et de périmètres de protection, est diffusée en date du 28 décembre 1948. Celle-ci est ainsi analysée puis mise en œuvre par la Ville. Examinons quelques points du rapport des Services Techniques de la Mairie du 14/01/1949 sur ces mesures préventives ;
Coupe géologique - 1932

« A. établissement d’un périmètre de protection autour du captage et poursuivre l’assainissement complet des fosses fixes, puisards…

B. l’égout dit fossé Burien sera détourné ou pourvu d’un tubage étanche ;
C. il sera vérifié si les 2 forages industriels sont ou non situés dans la zone de protection ;
D. la stérilisation des eaux d’alimentation fera l’objet de soins les plus attentifs ;
E. des mesures de contrôle seront faites soit par l’institut Pasteur de Lille soit au laboratoire de bactériologie d’Arras ;
F. la Compagnie concessionnaire devra procéder à la modernisation de ses procédés de chloration ;
G. voir si des communications clandestines n’existent pas entre les réseaux publics et privés ;
H. poursuivre la javellisation des eaux d’égout ;
I. projet de décantation des eaux à inclure dans le plan d’aménagement ;
J. pompage forcé pendant 48 heures ».
Coupe du réservoir Baudimont - 1929.

La fin des années cinquante voit - intégré à l’avenant 15 de la convention, et dans le cadre des chantiers du Ministère du Logement et de la Reconstruction, de gros chantiers de travaux se réaliser. Lié à des programmes de logements importants, il est nécessaire d’augmenter les réserves de stockage et de renforcer les canalisations de transfert. La ville engage la réalisation d’un nouveau réservoir sur tour aux Blancs Monts, d’un réservoir au sol rue E.Zola (St Quentin), d’une refonte électro-mécanique de l’usine de Méaulens (y.c. chloration), d’une surpression à St Laurent.

En 1970, l’agglomération arrageoise ayant poursuivi son développement avec une urbanisation de nouvelles zones périphériques, un projet général de renforcement de ressources a été mené, qui prévoyait le recours à la nappe aquifère de la craie turonienne dans le site alors encore rural d’Agny au sud-ouest d’Arras. Engagée en 1974 via une 1ère tranche, la mise en service eut lieu en 1978. Les eaux distribuées étant de bonne qualité physico-chimique et bactériologique, le traitement de l’eau brute se limitait alors à une simple désinfection à l’ozone.

En 1990, ce sont 9 à 10.000 m³ prélevés quotidiennement à Méaulens et 4 à 5.000 m³ Agny. 5.400.000 m³ sont distribués annuellement, dont 500 000 pour les collectivités et 300.000 pour les industriels.

Les autres ressources de Beaurains, Monchy, Willerval, Tilloy, et Anzin ne « pesant » alors que 1.500 m³/j soit 9 %.
Le réseau de canalisations comprend 275 km de conduites auxquelles il faut ajouter 170 km de branchements.
Coupe du forage SADE - 1934.

Toutefois si la situation quantitative reste correcte, les ouvrages de Méaulens ne sont pas protégeables efficacement - de par leur situation en zone fortement urbanisée ; risque lié à une pollution accidentelle, mais aussi aux défauts de raccordements à l’assainissement. Par ailleurs les normes sanitaires ont fortement évoluées, et les pollutions diffuses du bassin d’alimentation ont drainé avec les décennies des nitrates aux alentours de 35 mg/l. Un traitement de dénitratation a ainsi été mis en place en 2002 par sécurité.

Depuis 1992, la Ville d’Arras, relayée par le District Urbain, a lancé des études prospectives pour la recherche de nouvelles ressources ;
  • un 1er site étudié à l’ouest d’Arras, dans la vallée du « Gy » (affluent de la Scarpe).
  • un 2nd site à l’est d’Arras dans la vallée du « Trinquise » (affluent de la Sensée).
  • un prélèvement en eau de rivière ou traitement de l’eau souterraine avec bassins de stockage d’eau.

Des problèmes de qualité (nitrates, fer, pesticides), et de conflit d’usage de l’eau (SAGE…) ou de difficulté de protection n’ont pas permis d’aboutir.

Coupe de la cuve du réservoir de Méaulens - 1965.

De la fin du 20ème siècle à nos jours ;

L’aventure continue avec le nouveau plan de reconquête de la qualité d’eau arrageoise, initié en 2011 par la Communauté Urbaine… mais c’est une autre histoire qui sera contée par ailleurs.








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