Qu’il s’agisse de constituer un système d’information géographique (SIG), de préparer une intervention ou bien de rechercher des fuites, la géolocalisation des canalisations d’eau potable et d’assainissement est indispensable pour bien connaître et donc bien gérer son réseau. Qui peut s’en charger, comment et avec quels outils?
Le sous-sol des villes est un entrelacs
de câbles électriques, de tuyaux de
gaz, de fibres optiques et de canalisations
d’eau potable et d’assainissement.
Quand il faut intervenir sur ces dernières
pour détecter ou colmater une fuite ou
pour effectuer une opération de maintenance
préventive, il est devenu indispensable
de savoir précisément ou elles se trouvent, de manière à intervenir efficacement
et rapidement, sans risquer de dété-
riorer des réseaux qui pourraient se trouver
à proximité.
Les ondes électro-magnétiques
Les moyens de géo-localiser ces réseaux existent, même s’ils ne sont pas, a priori, répertoriés. Tout dépend de la nature dont sont faites les canalisations. Celles qui sont en métal (acier, cuivre, plomb, fonte) peuvent être repérées par ondes électromagnétiques.
Des outils ont été spécialement développés pour ce faire qui comportent un générateur et un récepteur. Un courant électrique d’une fréquence spécifique est appliqué sur une entrée du réseau (bouche à clefs, conduite intérieure, etc.). Ce courant génère le long de la conduite un champ électromagnétique qu’un récepteur peut mesurer à l’extérieur.
Certains appareils, comme l’UT 830 de Sewerin ou le CAT de Radiodetection, ne proposent qu’une seule fréquence. « L’UT 830 est optimisé pour 83 kHz, explique Maxime Kieffer, chez Sewerin. Il est ainsi plus simple à utiliser par les opérateurs de chantier, mais permet également la détection des câbles d’énergie (50 - 100 et 150 Hz) ». Et moins cher.
Évidemment, en contrepartie, la mesure peut être perturbée par d’autres appareils ou d’autres réseaux comme les réseaux électriques qui émettent aussi un champ électromagnétique.
C’est pour cette raison que des outils plus sophistiqués, multifréquences, ont été développés. Certains, comme les VM-550 et 560 de VivaxMetrotech ou le Digicat-750i Smartready de Leica-Geosystems, en proposent deux. D’autres équipements en proposent davantage comme par exemple les Digicat-xf de Leica, le C-Scope MXL de TD Williamson, l’UT 9000 de Sewerin, ou encore le Dynatel 2550 de 3M commercialisé par VonRoll Hydro.
Le nouveau RD 8100 de Radiodetection propose par exemple, en plus des fréquences actives de 98 Hz à 200 kHz, 5 fréquences personnalisables par l’utilisateur entre 50 et 1000 hertz. Il suffit alors de brancher le générateur sur le réseau à localiser et de choisir parmi les différentes fréquences proposées celle qui donne le meilleur résultat.
Ainsi, le signal émis circulant sur la canalisation enterrée sera clairement identifié. « Le choix des fréquences dépend de la conductivité du réseau enterré, souligne cependant Antoine de Mahuet, chez Radiodetection, filiale de l’Américain SPX. Un réseau en acier sera plus facilement détecté en basse fréquence (640 Hz), tandis que de la fonte avec des joints se détectera mieux avec de hautes fréquences (200 kHz) ».
Le radar se joue des matériaux
Mais dans le secteur de l’eau, nombre de canalisations sont en PE ou en PVC, voire en fibrociment, des matériaux qui ne sont pas conducteurs d’électricité.
La technique électromagnétique ne fonctionne donc pas… sauf à insérer dans la canalisation à repérer une sonde de 6 à 64 mm de diamètre qui émet un signal en étant alimentée par des batteries comme le propose par exemple le RD 8100 de Radiodétection.
D’où l’intérêt de la technologie radar qui permet de cartographier les réseaux, quels que soient les matériaux dont ils sont constitués : PE, PP, céramique, fonte, acier, etc…. My-NDS (My-Network Detection Solutions) spécialiste de la fourniture de solutions de détection des ouvrages enterrés propose, entre autres, la technologie radar de l’Américain US RADAR, dont elle est l’importateur européen.
Le géoradar ou radar de sol est constitue? d’une ou plusieurs antennes émettrices de haute fré- quence selon les modèles, qui envoient des ondes dans le sol. Les ouvrages renvoient alors un signal dépendant des différences de conductivité avec leur milieu. Ce signal est alors reçu par une ou plusieurs antennes réceptrices.
Le géoradar Quantum de My-NDS est constitue? d’un chariot a? grandes roues tout terrain et d’un bloc d’antennes tri-fre?quences unique sur le marche?. « Les trois fréquences centrales utilisées comprises entre 250 MHz et 1 Ghz permettent de voir les canalisations enterrées jusqu’à environ 8 mètres de profondeur dans des conditions optimales », assure Philippe Capon, chez My-NDS.
La première fréquence est adéquate pour les petits branchements et réseaux de surface jusqu’a? environ 1 mètre de profondeur (PE gaz, fibre optique), la deuxième est utilisée classiquement pour tous réseaux jusqu’à 2,5 mètres de profondeur. Quant à la troisième, elle est surtout destinée aux réseaux de grand diamètre à plus grande profondeur (jusqu’à 5 mètres).
« Ces valeurs sont des valeurs réelles moyennes constatées sur le terrain », assure Philipe Capon. My-NDS propose une gamme complète de solutions de détection de réseaux enterrés incluant des géoradars, des détecteurs électromagné- tiques (RD 8100) ainsi que les formations associées.
« Nous proposons aussi des formules reposant sur la location longue durée pour aider les entreprises à s’équiper, précise Philippe Capon. Par ailleurs, nos équipements peuvent être complétés par des fonctions de géolocalisation (options GNSS), de reporting (avec export de fichiers shape, dxf, Google Earth), ainsi que de visualisation 3D ».
UtilityScan de GSSI, commercialise? en France par MDS, comporte deux fréquences, la première a? 800 MHz pour imager le premier mètre du sous-sol a? très haute résolution, la seconde a? 300 MHz pour les deux mètres en dessous a? haute résolution.
L’Opera Duo de Georeva (anciennement
Abem France) est un géoradar compact et bi-fréquence. Il émet des ondes dans
le sol qui sont réfléchies
en fonction des changements
d’homogénéité.
Simple d’utilisation et ergonomique, le chariot se replie sur lui-même. Il est disponible en 2 ou 4 roues et a été créé pour une application de détection de réseaux. La caractéristique technique la plus importante est l’antenne duale 250-700 MHz, adaptée à tous types de recherche de réseaux enterrés, et donc tout type de matériau, avec une profondeur d’investigation qui pourra aller de 2,5 à 3 m.
« Notre géoradar Opera Duo offre la possibilité de pointer les réseaux sur le terrain et d’obtenir un rapport immédiatement, explique Gwénaëlle Le Coz, Chargée de clientèle chez Georeva. Grâce au kit GPS, il est possible de géoréférencer les passages et les réseaux sur le terrain. En intégrant des fonds de plan géoré- férencés, on peut suivre facilement les pointés sur le terrain. À la fin des chantiers, on peut extraire facilement les rapports d’acquisition ainsi que les réseaux géoréférencés ».
Radioprotection propose de nouveaux modèles de radar de sol.
Le RD1100 permet aux professionnels de la détection de tracer et de positionner tous types de câbles et canalisations, y compris en plastique ou en ciment. Il est possible de faire des captures d’écran et de les enregistrer dans la mémoire interne pour les envoyer directement par mail via une connexion Wi-Fi ou les transférer sur une clé USB. Les coordonnées GPS sont enregistrées pour être utilisées sur Google Earth™.
Le RD1500 offre de son côté une possibilité d’interprétation plus facile sur les différentes tranches de profondeur. La technologie FrequenSee™ permet de mettre en valeur de manière sélective la réponse sur des réseaux enterrés de petits, moyens ou gros diamètres à de faibles, moyennes ou grandes profondeurs.
Le RD1500 peut être complété d’un logiciel permettant d’exporter les données GPR et d’effectuer une analyse détaillée ainsi que d’un GPS externe pour une meilleure précision.
Choisir et associer les techniques les plus appropriées
En matière de géolocalisation, Sewerin a choisi deux autres options.
La première est l’écho acoustique, puisque les conduites transmettent mieux les vibrations mécaniques que le sol environnant. Son outil Combiphon comporte une générateur G5 qui induit des bruits sur la conduite, bruits détectés par son système Aquaphon. Le Midi-Cobra de TD Williamson fonctionne également sur ce principe.
La seconde méthode repose sur un furet en fibres de verre. Si la conduite est accessible, le furet est introduit à l’intérieur sur une distance qui peut aller jusqu’à 60 m. Il est muni d’un toron en cuivre, de sorte qu’il peut être alimenté par des systèmes de localisation de conduites, comme Ferrophon ou UtiliTrac à l’aide d’un générateur et localisé avec un récepteur.
Pour chaque outil, les données, y compris les données GPS souvent en option, sont stockées en mémoire ou transmissibles via Bluetooth sur les ordinateurs de l’opé- rateur. Le journal de détection permet de suivre les travaux effectués.
Le Flexitrace de Radiodétection fonctionne sur ce principe. Il est utilisé pour le traçage des réseaux non métalliques, la localisation des branchements d’eau ou de gaz sous-pression, des fourreaux Telecom et des raccordements abonnés aux réseaux d’eaux pluviales ou usées. Il est capable de tracer sur une longueur de 50 m et jusqu’à 3 m de profondeur.
Si les détecteurs basiques sont toujours utilisés pour effectuer la dernière vérification avant les premiers coups de godets de la pelle mécanique, le géo-référencement pour la nouvelle base de données commune s’effectue, quant à lui, avec des appareils de précision haut de gamme, souvent reliés par Bluetooth avec des GPS centimétriques RTK, où l’utilisateur va pouvoir suivre les réseaux sur plusieurs centaines de mètres, voire de kilomètres, et effectuer un vrai relevé topographique.
Trois gammes de détecteurs répondent à cette diversité des besoins chez Vivax-Metrotech.
Une gamme basique VM Series (540, 550, 880), composée de simples détecteurs de métaux ou de sondes, toujours appré- ciée dans le cas d’une détection simple.
Une gamme intermédiaire, nommée vScan, typiquement utilisée en détection de câbles et de canalisations sur les chantiers, pour faire de l’évitement et du repérage avant travaux. Une particularité unique sur le marché : le vScanM détecte les câbles et les canalisations, mais est aussi équipé d’un détecteur de métaux intégré. Un 2 en 1 particulièrement adapté pour les TP et les Compagnies des Eaux, pour trouver les bouches à clés enterrées.
Et enfin, la gamme vLoc, la gamme la plus évoluée, avec des détecteurs de précision à écran couleur, capables d’identifier et de tracer les réseaux grâce à des générateurs multifréquences de 98 Hz à 200 kHz, et des récepteurs indiquant avec précision la verticalité, la profondeur, l’orientation du réseau grâce au compas de guidage, ou encore l’intensité du signal.
Ces matériels peuvent être équipés d’un Bluetooth et ainsi être combinés à un GPS et une tablette, afin de recueillir toutes les données pour un tracé de précision des réseaux. Chaque appareil est connecté avec l’autre, afin de croiser les informations, rapidement et sans ressaisie. Méthode électromagnétique, géoradar, méthode acoustique, sonde ou furet…
Chaque technique se caractérise par son lot de contraintes, de limites, d’avantages et d’inconvénients. L’essentiel est de bien les connaître et de les mettre en œuvre correctement. Le budget alloué à l’opération et les résultats souhaités sont deux autres paramètres essentiels.
La technologie radar est bien plus onéreuse que la technologie acoustique ou le furet (moins de 5000 euros), mais abondance de biens ne nuit pas. « Plus nous possédons d’informations, plus la détection sera précise et fiable, souligne Philippe Capon chez My NDS. Il faut commencer par une analyse des cartographies existantes des diffé- rents exploitants de réseaux (ENEDIS (exErDF) et de GrDF etc.), puis effectuer une inspection visuelle des émergences/affleurants sur le terrain. Ensuite, il s’agira d’utiliser conjointement les technologies radar et électromagnétique pour pouvoir localiser un maximum d’ouvrages sur le terrain ».
Restera alors l’étape finale : mettre en corrélation les données et géoréférencer les ouvrages afin de les reporter sur un fond de plan.
Comprendre et interpréter les résultats
Car ses différents outils ne donnent pas directement le trajet des conduites, encore moins leur morphologie (entre autres, leur diamètre). Il faut savoir lire les courbes. Ce travail n’est pas forcément à la portée de tout un chacun.
C’est pourquoi, hormis les grands opérateurs ou les collectivités importantes qui possèdent leur propre service formé aux techniques de détention, beaucoup font appel à des prestataires de service spécialisés tels que M3R, Geowest, S.E.TE.C., Detect Réseau, Etudis, Geosat, BE Detec, ou encore DDR.
Ces entreprises,
qui possèdent désormais leur propre code
ROM, sont réunies en deux fédérations.
La Fnedre (fédération nationale des entreprises de détection des réseaux enterrés) rassemble un peu plus de la centaine d’acteurs français du métier, tandis que la Femitras (Fédération européenne des métiers de l’ingénierie et de la topographie liés aux réseaux aériens, souterrains et subaquatiques) est plus européenne et multisectorielle.
Ce sont ces entreprises spécialisées qui, le plus souvent, se chargent de la détection des réseaux et qui investissent dans les outils, en lieu et place des petits opérateurs de réseaux. « C’est un travail conjoint entre l’exploitant et le spécialiste de la détection des réseaux, note Bruno Gutton, gérant de DDR et co-fondateur de la Fnedre. Nous avons besoin d’eux pour comprendre le réseau, ils ont besoin de nous pour comprendre les données ».
La connaissance du réseau devenant une obligation réglementaire, le marché de niche de ces prestataires de service explose. « Tout le monde ne peut pas faire ce travail, il faut de l’expérience et une formation approfondie afin de comprendre les principes physiques des outils qu’on manipule. L’AIPR (Autorisation d’intervention à proximité des réseaux, ndlr), qui n’est qu’un QCM, ne suffit pas », souligne Bruno Gutton.
« Depuis 17 ans, nous distinguons dans les entreprises de tracé de réseaux deux profils : celles qui sont généralistes et celles qui, grâce à leurs expériences, vont avoir une lecture beaucoup plus rapide sur les différents types de réseaux enterrés (eau potable, électricité, pluviale, télé- com, …) » confirme Pierre Mellac, directeur du S.É.T.E.C.
La réglementation DT/DICT, mise en place depuis 2012, laisse aux opérateurs de réseaux enterrés sensibles, jusqu’au 1er janvier 2019, en zones urbaines, pour fournir des plans géoréférencés aux demandeurs de DT et de DICT.
Les canalisations d’eau potable ou d’assainissement ne sont pas sensibles, mais le secteur profitera de l’élan donné par cette réglementation. Les travaux publics coûtant très cher et les investissements étant limités, la connaissance des réseaux enterrés représente à terme une économie substantielle pour les collectivités donneuses d’ordres, même si, dans un premier temps, ce travail de recherche et de recensement occasionne des dépenses supplé- mentaires.