31 octobre 2019Paru dans le N°425
à la page 134 ( mots)
Rédigé par : Christophe BOUCHET de EDITIONS JOHANET
Situé dans la chaîne des Monts Dore, dans le Massif central, le lac Pavin occupe le cratère d’un volcan entré en éruption il y a 6.500 ans environ. C’est en tout cas ce que l’on pensait jusqu’à ce que deux chercheurs affirment qu’il a sans doute été le siège d’une éruption volcanique bien plus récente, il y a moins de 800 ans, ce qui en ferait un volcan actif. Les similitudes observées avec le lac Nyos (Cameroun), dont un violent dégazage a causé plus de 1.800 morts, conduisent à surveiller le site de très près.
La chaîne des Puys est la plus septentrionale des formations volcaniques du Massif Central. Elle s’étire du nord au sud, à l’ouest de Clermont-Ferrand, sur une cinquantaine de kilomètres, parallèlement à la faille qui borde la plaine de la Limagne. Elle est constituée d’une centaine de volcans alignés sur une bande dont la largeur excède à peine 5 kilomètres.
Fruit d’une violente éruption volcanique, le lac Pavin est un lac de cratère creusé sur le flanc Nord du Puy de Montchal (1.411 m). Situé à 1.197 m d’altitude, profond de 96 m et vaste de 44 hectares, c’est l’un des plus beaux lacs d’Auvergne.
A l’échelle des temps géologiques, la formation de la chaîne des Puys est très récente. Les premières éruptions ont eu lieu il y a 70.000 ans environ et les dernières il y a moins de 8.000 ans. Ce sont elles qui ont peu à peu façonné les paysages que nous connaissons aujourd’hui. Certaines ont été effusives laissant s’écouler des rivières de laves, d’autres ont été explosives comme celle d’origine phréato-magmatique qui a donné naissance au Lac Pavin : quelque part en profondeur dans la région de la Chaîne des Monts Dore, il y a environ 6.500 ans, du magma en phase ascensionnelle est entré en contact avec des eaux superficielles. Le contact de l’eau et de la lave a engendré un choc thermique inouï, lequel a provoqué, avec la vaporisation de l’eau, une énorme explosion. Ce phénomène, très violent, a conduit à la formation d’un cratère circulaire de 800 mètres de diamètre et d’une centaine de mètres de profondeur. Un cratère surmonté par un anneau composé de fragments arrachés du sous-sol et de magma frais. Lorsque l’éruption a cessé, l’eau s’est accumulée dans la dépression découpée à l’emporte pièce dans les coulées pyroclastites donnant naissance à un lac méromictique unique en France et en Europe.
Un lac méromictique unique en France et en Europe
Le lac Pavin, profond de 96 m, uniquement alimenté par les précipitations atmosphériques et de nombreuses sources, est de type méromictique c’est-à-dire que la circulation des eaux est incomplète : la couche profonde, de -60 à -96 mètres, ne se mélange pas au reste de la colonne d’eau et reste en permanence en anoxie complète. Ce compartiment profond, enrichi en composés dissous réduits (Fe2+, CH4, NH4+...), en CO2 et phosphates, génère des interactions chimiques et biologiques originales et mal connues au niveau de la frontière d’oxydoréduction dans la colonne d’eau. Du coup, tous les domaines d’études de la science sont peu ou prou concernés par la structure physique de ce lac : géologie-volcanologie, limnologie, hydrobiologie, géochimie, hydrologie et hydrogéologie, structure physique de la colonne d’eau,…etc.
Très typique avec ses versants raides boisés de pins, d’épicéas et de hêtres, le lac est parfaitement circulaire.
Seul lac européen de ce type, c’est un laboratoire géochimique et biologique exceptionnel à l’origine de plusieurs avancées scientifiques. On a pu, par exemple, observer à la limite entre la zone oxygénée et les eaux désoxygénées, un processus d’oxydation anaérobie du méthane par des bactéries méthanotrophes. Plusieurs chercheurs considèrent même que les eaux profondes de ce lac, siège de phénomènes chimiques et biologiques originaux, pourraient expliquer certaines des origines de la vie.
Mais la méromicticité du lac n’est pas la seule raison de l’intérêt que lui portent les scientifiques. En raison des circonstances de sa formation et surtout de la présence en zone profonde de gaz dissous, le site est également étudié sous l’angle des risques naturels potentiels : glissements de terrain, coulées de boues, laves torrentielles, dégazage…etc. C’est d’ailleurs la présence très ancienne de ses gaz dissous qui est à l’origine de son nom de Pavin, du latin pavens, qui signifie « épouvantable ». Les fréquentes remontées de bulles de gaz à la surface du lac ont longtemps conforté, dans l’inconscient collectif, plusieurs légendes selon lesquelles le lac était habité par des esprits diaboliques qui exhalaient de cette façon leurs ondes maléfiques.
Le lac Pavin est de type méromictique c’est-à-dire que la circulation des eaux est incomplète : la couche profonde, de -60 à -96 mètres, ne se mélange pas au reste de la colonne d’eau et reste en permanence en anoxie complète. La strate profonde, enrichie en composés dissous réduits (Fe2+, CH4, NH4+...), en CO2 et phosphates, génère des interactions chimiques et biologiques originales et mal connues au niveau de la frontière d’oxydoréduction dans la colonne d’eau.
On sait aujourd’hui que l’éruption qui a donné naissance au lac Pavin a été très violente. Le volume de ses retombées est estimé à 75 millions de m3. Certaines scories ont été détectées jusque dans les sédiments du lac Léman. Datée au carbone 14 grâce aux tourbières qui en recèlent encore aujourd’hui les traces, elle a aussi été la dernière qui s’est produite dans la région.
Du moins le croyait-on jusqu’à ce que deux chercheurs affirment en 2008 que le système Pavin a peut-être été le siège d’une activité volcanique il y a seulement 700 à 800 ans, ce qui pourrait en faire un volcan encore actif.
Le système Pavin : un volcan encore actif ?
En août 2008, deux experts indépendants créent l’évènement en présentant une communication selon laquelle des risques naturels pourraient concerner directement le lac Pavin. Leurs recherches s’appuient sur une dizaine de datations, une centaine de sondages ainsi qu’un important collationnement de données géologiques, géophysiques, sismiques et chimiques concernant les sols, les roches, les eaux, les gaz et les structures volcano-tectoniques de la région. Selon les résultats de leurs investigations, les dernières éruptions sur le site du Pavin, bien plus récentes qu’on ne le pensait jusqu’à présent, remonteraient à seulement 800 ans ! De plus, le lac se serait vidangé partiellement ou complètement au moins trois fois depuis cette date, générant d’impressionnantes coulées de boue dans la vallée de la Couze et ceci jusqu’au-delà de Besse. Ces coulées, dans lesquelles des débris de constructions humaines ont été détectés, auraient été dévastatrices. Des glissements de terrain se seraient également produits dans le lac lui-même au cours du dernier millénaire. Enfin, les deux chercheurs ont observé en plusieurs endroits du massif la présence de mofettes, des petites cheminées par lesquelles les gaz volcaniques s’échappent, laissant passer des émanations diffuses de gaz (CO2, CH4, H2S, etc. ...).
La méromicticité du lac n’est pas la seule raison de l’intérêt que portent les scientifiques au lac. En raison des circonstances de sa formation et surtout de la présence en zone profonde de gaz dissous, le site est également étudié sous l’angle des risques naturels potentiels : glissements de terrain, coulées de boues, laves torrentielles, dégazage…etc.
Bref, rien de bien rassurant d’autant que le lac Pavin, deuxième site naturel touristique le plus visité d’Auvergne, accueille plus de 200.000 visiteurs par an…. Même si rien ne permet de prévoir un péril imminent au lac Pavin, c’est un profil tout à fait différent qui se dessine, bien loin du lac bucolique niché dans son écrin de verdure sur un massif volcanique endormi… Situé dans une région volcanique récente, sur un socle fracturé et entouré de pentes abruptes, les risques paraissent bien réels de voir se reproduire les phénomènes survenus dans un passé pas si lointain. Un glissement de terrain, par exemple, pourrait conduire au brassage des couches profondes du lac et donc à un phénomène de dégazage comparable, au moins dans son principe, à celui qui est survenu sur le lac de Nyos au Cameroun. En août 1986, la libération brutale de 1,2 km³ de gaz carbonique s’est produite dans les eaux de ce lac, provoquant la mort par asphyxie en quelques minutes de plus de 1.700 personnes habitant le village voisin. L’une des hypothèses avancées pour expliquer cette catastrophe serait celle d’une accumulation très progressive de gaz carbonique dissous dans les profondeurs du lac suite à un lent dégazage volcanique. Pour d’autres scientifiques, la catastrophe du lac Nyos serait le fait d’une éruption phréato-magmatique dont les manifestations se limiteraient à la libération d’une importante quantité de gaz carbonique.
Le Pavin, qui présente de troublantes similitudes avec le lac Nyos, pourrait-il être le théâtre d’un événement comparable ? Le risque, en tout cas, est pris au sérieux par les services déconcentrés de l’État dans le Puy-de-Dôme, et plusieurs études sont en cours qui devraient permettre de préciser prochainement la nature des risques naturels éventuellement liés au lac Pavin.
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