Les citoyens s’interrogent légitimement sur l’utilité de ces réunions désignées COP Climat, très médiatisées, souvent de manière négative. Essayons de clarifier le contenu de ce qu’elles sont en réalité et comment leur évolution, malgré leurs limites, a contribué à la prise de conscience par les sociétés civiles et les États des enjeux des changements climatiques planétaires et des transformations à engager en ce XXIème siècle.
Quelques définitions et rappels historiques
A ce stade, mentionnons quelques COP climat récentes « historiques » :
- COP15 - 2009 à Copenhague qui fut un échec d’un accord mondial, prématuré dans sa préparation.
- COP21 - 2015 à Paris. L’Accord de Paris a été un succès diplomatique unanimement reconnu mais beaucoup reste à faire ; l’implication des acteurs de la société civile : entreprises, villes, associations, particuliers y a été exceptionnelle.
- COP25 - 2019 à Madrid. Elle n’a pas été vraiment « historique », mais riche d’enseignements…
- Contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de + 2 °C par rapport à la période préindustrielle ;
- Renforcer les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques, et promouvoir la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre (GES) sans menacer la production alimentaire ;
- Rendre les flux financiers pour des investissements compatibles avec un développement à faible émission de GES et résilient aux changements climatiques.
La COP25 sur le climat à Madrid a été dans l’ensemble décevante par rapport aux objectifs initiaux de l’Article 6 (concerne les financements par des mécanisme de marchés ou non) de l’Accord de Paris, du Mécanisme dit de pertes et préjudices et du rehaussement des engagements des pays en vue de réduire les émissions de GES. Ces sujets ont été renvoyés à la prochaine COP26 à Glasgow.
- La reconnaissance mondiale des travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui ont permis d’objectiver les négociations, même si certains pays émettent des réserves, d’ailleurs plus formelles que de contenu ;
- La forte mobilisation de la société civile avec des nombreuses alliances, clubs, coalitions, initiatives, plateformes, dans tous les domaines et surtout de la jeunesse ; certes ces mobilisations n’ont pas attendu la COP25, elles se sont manifestées toute l’année 2019 et bien avant ;
- L’Europe, avec l’annonce fin 2019 du Pacte Vert/Green Deal, a acquis une certaine crédibilité et autorité morale pour pousser les Parties à s’engager plus avant sur les objectifs de l’Accord de Paris ;
- La montée en puissance du thème de l’adaptation aux changements climatiques dans les agendas des acteurs économiques et sociaux ;
- Les financements publics et privés en faveur du climat, et de l’adaptation en particulier, restent toujours en deçà des besoins immenses ; néanmoins, et le Fonds vert Climat a bénéficié de forts soutiens quelques jours avant la COP pour un montant avoisinant les 10 milliards USD et le Fonds d’Adaptation a vu ses ressources reconstituées pour une année encore avec de nouveaux concours de pays et aussi de gouvernements régionaux (Québec, Flandres, Wallonie…) ; pour apprécier la pertinence de ces actions il faut mettre en perspective les besoins générés par les impacts des changements climatiques (en milliers de milliards USD par an) et les financements publics et privés réellement disponibles (en centaines de milliards de USD par an).
Enjeu fondamental de la communication sur les changements climatiques
Les décideurs politiques ou économiques des pays devraient exprimer leurs orientations en référence aux valeurs communes et partagées avec les citoyens : par exemple, certains sont sensibles à ce qui contribue ou respecte l’indépendance nationale, d’autres à ce qui se réfère à la liberté… ;
- Ils devraient bannir tout langage technocratique : des termes comme signal-prix ou prix du carbone ou des concepts comme les marchés du carbone et les enchères ou achats et ventes de « droits à polluer », perçus comme de la finance malsaine, ne sont pas compréhensibles ou acceptables par le citoyen et sont à éviter au risque de rejet complet de toute les mesures pertinentes associées ;
- Ne pas évoquer de taxes et une fiscalité sans montrer les usages et emplois de l’argent collecté, à qui et à quoi il sert concrètement, dans quels délais, comment les résultats attendus sont transparents et vérifiables. Par exemple, évoquer les enjeux et résultats sur la santé des personnes, des enfants est souvent plus efficace que des discours conceptuels et globalisants ;
- Les décisions politiques devraient être adossées à des données scientifiques ou techniques objectives, et si possible largement appropriables par le plus grand nombre ;
- La confiance populaire dans la parole de personnes qui paraissent indépendantes des lobbies, compétentes et reconnues neutres et honnêtes est déterminante ; il convient de les rechercher et les impliquer le plus tôt possible ;
- Le rôle des médiateurs et des médias formés et informés, capables de reformuler les messages dans la culture locale avec un langage simple, sans trahir leur contenu originel, est indispensable ; une Maîtrise des messages via les réseaux sociaux est devenue incontournable ;
- Les processus et manières de communiquer devraient être soigneusement étudiés au préalable avec des tests et des pilotes avant de passer en vraie grandeur : les réactions peuvent faire évoluer les contenus et contenants des messages générant ainsi d’opportunes retro actions renforçant ou faisant évoluer les décisions initiales, les transformant en processus susceptibles de faire émerger de manière progressive ou itérative des solutions acceptables ;
- Les rôles spécifiques des jeunes et des femmes, généralement plus sensibles aux dimensions sociales de l’écologie et à l’importance de l’éducation, sont à analyser et à estimer avec attention car ils peuvent permettre de lever des blocages et ouvrir des pistes ;
- …et on pourrait ajouter à cette liste l’approche française de la Convention citoyenne pour le climat instituée en octobre 2019 sur 5 mois.
En guise de conclusion
Force est de constater que les débats des COP Climat, initialement réunions entre technocrates, ont essaimé dans la plus part des pays auprès des acteurs politiques, économiques (entreprises, financiers…), sociaux (élus, ONG, minorités, jeunes…), à tous les niveaux (international, régional, national, local, individuel), et dans tous les secteurs ou domaines (recherche, énergie, industries, transports, constructions et urbanisme, agriculture, forêts, pêche, alimentation, tourisme, banques, du droit, santé, éducation, communication/médias, de la culture…). Les alternatives concernent de nouveaux types de développement, moins carbonés, moins polluants, moins gaspilleurs des ressources naturelles, plus de recyclages et plus socialement acceptables.
- Les réunions onusiennes trop lourdes et lentes à prendre des décisions ; gouvernance, décisions par consensus et non par vote spécifiques aux NU ; langage hermétique, monopole de l’anglais,
- L’insuffisance des connaissances sur les causes et conséquences des changements climatiques notamment en matière d’adaptation : peu de données locales ou à petites échelles ; méconnaissances des savoirs traditionnels, des dimensions humaines et sociales,
- Les grandes difficultés à ce que 197 pays aux situations et intérêts différents communiquent entre eux et que ce ne soit pas l’affaire de quelques-uns ; cas des « passagers clandestins »,
- Les divergences entre pays eux-mêmes (pays développés, pays en développement/émergents et pays moins avancés…) quant aux origines et conséquences du réchauffement climatique ; quantifications insuffisantes et non comparables des coûts et besoins de financements ; enjeux de « justice climatique »,
- Les difficultés à mette en place des politiques et des changements profonds d’atténuation des émissions de GES et d’adaptation ; résistances liées aux habitudes et croyances.