En pratique, le plus petit flux mesurable est estimé à 0,1 ml·cm⁻²·s⁻¹ et les résultats sont fiables à 0,01 ml·cm⁻²·s⁻¹. La plus petite pression applicable est fixée à 1,1 × 10⁵ Pa. Les résultats indiquent les pressions et les débits de travail, la pression ΔP sur laquelle on peut relever les débits, la plage d’intensité de débits ΔJ mesurables et les rayons de pores accessibles Δr. Les plages de pression et de flux balayées dans l’expérience varient inversement. Quelle que soit la tension interfaciale entre A et B, des pores de petites tailles (à partir de 4 nm de diamètre) sont facilement accessibles sans appliquer des pressions trop élevées. Néanmoins une tension interfaciale élevée permet une mesure plus précise des débits et de la pression.
La connaissance des caractéristiques des membranes polymériques est importante dans le choix de la compréhension des mécanismes de transport (Nakao, 1994).
La fonction des membranes synthétiques est principalement déterminée par la taille de leurs pores. Selon Kesting (1989), les intervalles des diamètres des pores sont approximativement de :
- 200 000 à 100 000 × 10⁻⁹ m pour la microfiltration (MF)
- 10 à 200 × 10⁻⁹ m pour l’ultrafiltration (UF)
- 3 à 10 × 10⁻⁹ m pour l’osmose inverse (RO)
L’osmose inverse constitue le moyen le plus fin de séparation des solutés du solvant. Mais s'il est communément admis que les membranes d’UF et de MF possèdent des pores et séparent selon un mécanisme de tamisage, la structure poreuse des membranes de RO est plus incertaine et plus difficile à déterminer.
N’examiner que les entrées et sorties du système d’osmose inverse en considérant le module d’osmose comme une « boîte noire » ne permet ni d’accéder à la distribution de la
[Photo : Figure 1 : Distribution de tailles des pores]
…taille des pores ni de donner des informations sur la structure microscopique de la membrane.
Les méthodes utilisées pour déterminer la répartition de la taille des pores des membranes sont (Nakao, 1994) :
- (1) microscopie électronique
- (2) pression de bulle et de transport du gaz
- (3) porosimétrie au mercure
- (4) méthode utilisant les équilibres liquide–vapeur
- (5) méthode utilisant les équilibres gaz–liquide : permporométrie
- (6) méthode utilisant les équilibres : thermoporométrie
Les méthodes ont surtout été appliquées pour des membranes d’UF et de MF possédant les pores les plus larges. Nous avons choisi de tester par simulation informatique la méthode de pression de bulle et perméabilité de solvant, la plus facile à mettre en œuvre pour l’adapter à l’étude des membranes de RO.
Théorie
Cette méthode combinant pression de bulle et perméabilité de solvant donne accès à la distribution de la taille des pores d’une membrane en mesurant la pression nécessaire pour pousser un liquide à travers une membrane gorgée d’eau (Nakao, 1994 ; Kesting, 1971). À l’aide de cette technique, Capannelli et al. (1983) ont caractérisé des membranes asymétriques. Cette technique permet de mesurer un grand nombre de pores supérieur à 10¹⁰ cm⁻² (Nakao, 1994).
La méthode nécessite le choix de deux solutions A et B : la première (A) doit imprégner la membrane (généralement de l’eau) contrairement à la seconde (mélange alcools/eau) (Nakao, 1994).
Le liquide A va être déplacé par le liquide B quand la pression appliquée à B atteindra la valeur :
(1) P = 2σ / r
r : rayon du pore (m) ; P : pression appliquée (Pa) ; σ : tension interfaciale du mélange utilisé (N m⁻¹).
Tous les pores dont le rayon est supérieur à 2σ / P sont traversés. Avec des pressions faibles, le liquide B va tout d’abord pénétrer les pores les plus larges. Quand tous les pores sont perméables à B, le flux de B à travers la membrane est proportionnel à la pression appliquée.
La contribution Jᵢ d’une classe de pores de rayon r au flux total J traversant la membrane est quantifiée par la relation d’Hagen-Poiseuille :
(2) Jᵢ = Pᵢ π Nᵢ rᵢ⁴ / (8 μ d)
où Nᵢ est le nombre de pores par unité de surface ayant un rayon r (m), d est l’épaisseur de la membrane (m) et μ la viscosité (Pa s).
Quand tous les pores sont perméables au solvant, le flux total J est proportionnel à la pression P selon (Dickson et al., 1992) :
(3) J = A ΔP
où A est la perméabilité du solvant en m³ m⁻² s⁻¹ Pa⁻¹ et ΔP (Pa) la perte de charge à travers la membrane.
Matériels – produits – méthodes
Nous avons choisi d’étudier deux mélanges de tensions superficielles différentes :
mélange A : eau distillée / isobutanol-méthanol-eau (15 : 7 : 25 v/v)
tension interfaciale σ₁ = 0,35 × 10⁻² N m⁻¹ ; viscosité μ₁ = 1,22 Pa s
mélange B : eau distillée / isobutanol-méthanol-eau (5 : 1 : 4 v/v)
tension interfaciale σ₂ = 0,8 × 10⁻² N m⁻¹ ; viscosité μ₂ = 1,44 Pa s
Les viscosités des mélanges sont calculées à partir de :
(4) f(ηₘ) = Σ αᵢ f(ηᵢ)
où ηₘ est la viscosité du mélange, αᵢ la fraction molaire du liquide i dans le mélange et f(ηᵢ) est une fonction de la viscosité du liquide i obtenue par la moyenne de deux approches (Ried et al., 1977) où f(ηᵢ) = ln (ηᵢ) et f(ηₘ) = ηᵢᵃ.
Tableau 1 : Résultats des simulations pour le mélange A
Distribution |
Pᵢ (×10⁵ Pa) |
Pᵣ (×10⁵ Pa) |
ΔP (×10⁵ Pa) |
Jᵢ (×10⁹ m²/m²/s) |
J (×10¹⁰ m²/m²/s) |
J (×10⁹ m²/m/s) |
Rₘₐₓ (nm) |
Rₘᵢₙ (nm) |
Δr (nm) |
1 |
1.7 |
4.1 |
2.4 |
0.10 |
0.48 |
3.8 |
9.2 |
2.3 |
6.9 |
2 |
1.2 |
3.2 |
2.0 |
0.10 |
1.39 |
1.29 |
2.49 |
3.2 |
2.17 |
3 |
1.15 |
2.8 |
1.65 |
0.18 |
3.10 |
2.92 |
4.3 |
3.9 |
3.04 |
4 |
1.15 |
2.4 |
1.35 |
0.23 |
6.17 |
5.94 |
5.5 |
4.7 |
5.03 |
5 |
1.10 |
2.0 |
1.00 |
0.30 |
8.43 |
8.13 |
6.0 |
5.3 |
5.47 |
6 |
1.00 |
2.0 |
0.90 |
0.54 |
15.0 |
14.46 |
7.08 |
6.8 |
6.40 |
7 |
1.40 |
1.7 |
0.60 |
0.50 |
3.15 |
3.07 |
9.65 |
10.0 |
8.65 |
[Figure 2 : Courbes pour le mélange A]
[Figure 3 : Courbes pour le mélange B]
L’épaisseur de la membrane est fixée à 10⁻⁶ m et le nombre de pores par unité de surface fixé à 10⁸ par cm². Les distributions de la taille des pores des membranes sont conçues conformément aux allures décrites dans la littérature (Nakao, 1994).
Elles sont données figure 1. Un programme Fortran permet d’additionner les contributions des classes discrètes de rayons de pores décroissants de ces distributions et d’obtenir le flux de perméation à travers la membrane pour chaque pression appliquée, J = f(P).
Résultats des simulations
En pratique, le plus petit flux mesurable est estimé à 0,1 ml·cm⁻²·s⁻¹ et les résultats sont fiables à 0,01 ml·cm⁻²·s⁻¹. La plus petite pression applicable est fixée à 1,1·10⁵ Pa. Un manomètre de précision permet de mesurer la pression à 10⁴ Pa.
Les résultats ont été regroupés dans les tableaux 1 (mélange A) et 2 (mélange B). Ils indiquent les pressions et les flux traversant la membrane initiaux et terminaux, la plage de pression ΔP sur laquelle on peut relever ces flux, la plage d’intensité des flux ΔJ mesurables, les rayons de pores maximum et minimum détectés et la plage de rayons Δr de la distribution de la taille des pores accessible par l’expérience. Les courbes J = f(P) simulées pour les sept distributions de la taille des pores avec les mélanges A et B sont regroupées respectivement sur les figures 2 et 3.
Tendances observées quelle que soit le mélange utilisé
En considérant les distributions dans l’ordre croissant de leur numérotation (la distribution s’élargit), on constate que :
- - la pression à appliquer pour obtenir un débit de 0,1 ml·cm⁻²·s⁻¹ et la plage de pression balayée par l’expérience diminuent ;
- - la plage de flux balayée par l’expérience augmente : pour une distribution étroite de petits pores, elle est plus faible que pour une distribution de pores plus larges ;
- - le rayon minimal et la plage de rayons détectés augmentent.
Les plages de pression et de flux balayées dans l’expérience varient inversement. Pour détecter une distribution étroite de petits pores il faut donc posséder une très grande précision dans la lecture des débits.
Interprétation des résultats en fonction de la tension superficielle du mélange
Pour une même distribution, les plages de travail en pression comme en flux sont plus grandes avec le mélange de tension interfaciale la plus élevée. L’utilisation du mélange ...
Tableau 2 : Résultats des simulations pour le mélange B
Distribution |
Pi (10⁵ Pa) |
Pf (10⁵ Pa) |
ΔP (10⁵ Pa) |
Ji (10⁻⁷ m³/m²/s) |
Jf (10⁻⁷ m³/m²/s) |
ΔJ (10⁻⁷ m³/m²/s) |
r_max (nm) |
r_min (nm) |
Δr (nm) |
1 |
24 |
79 |
5,5 |
0,10 |
0,95 |
0,85 |
10,5 |
2,3 |
8,2 |
2 |
14 |
60 |
4,6 |
0,15 |
2,70 |
2,55 |
37,8 |
3,2 |
34,6 |
3 |
14 |
42 |
2,8 |
0,36 |
5,97 |
5,61 |
43,0 |
4,8 |
38,2 |
4 |
13 |
39 |
2,6 |
0,45 |
11,9 |
11,45 |
55,0 |
5,9 |
49,4 |
5 |
12,5 |
33 |
2,05 |
0,59 |
16,3 |
15,71 |
60,0 |
6,9 |
53,4 |
6 |
12 |
28 |
1,60 |
0,85 |
29,1 |
28,25 |
70,8 |
8,8 |
62,0 |
7 |
11,5 |
23 |
1,15 |
1,80 |
61,0 |
59,2 |
96,5 |
12,5 |
84,0 |
B permet des mesures de flux et de pression plus précises.
Seulement pour les deux premières distributions, le rayon minimal détecté est égal avec les deux mélanges. Pour les distributions suivantes c’est avec le premier mélange que les pores les plus petits sont détectés. Néanmoins, le mélange B permet d’agrandir la plage des rayons de pores en détectant les rayons élevés, ce qui confirme les résultats obtenus avec ce mélange par Munari et al. (1985). Les distributions nous intéressant ayant de petits pores, le mélange B convient mieux pour leur étude. Il permet un travail précis en débit et en pression sans pour autant diminuer la plage d’investigation en rayon de pore.
Conclusion
Quelle que soit la tension interfaciale entre A et B, des pores de petites tailles (4 nm) sont facilement accessibles sans appliquer des pressions trop élevées. Néanmoins, une tension interfaciale élevée permet une mesure plus précise des débits et de la pression. La détection de la taille des pores et leurs distributions peut permettre de connaître de nombreux phénomènes se situant à la surface de la membrane, comme par exemple le colmatage. Munari et al. (1989) ont appliqué cette technique pour étudier l’évolution de la distribution des tailles de pores de membranes d'ultrafiltration colmatées.
[Encart : Références bibliographiques
* Capannelli G., Vigo F., Munari S., 1983. Ultrafiltration membranes. Characterization methods, J. Mem. Sci., 15, 289-313.
* Dickson J.-M., Spencer J., Costa M.L., 1992. Dilute singles and mixed solute systems in a spiral wound reverse osmosis modules. Part 1 : Experimental data and application of the model. Desalination, 89 : 63-88.
* Kesting R.E., 1971. Synthetic polymeric membranes. Mc Graw-Hill, New York.
* Kesting R.E., 1989. The nature of pores in integrally skinned phase inversion membranes. In advances in reverse osmosis and ultrafiltration. Matsuura T. and Sourrajan S. Eds, Ottawa, National Research Council of Canada, 1 : 13.
* Munari S., Bottino A., Capannelli G., 1985. Membrane morphology and transport properties. Desalination, 53, 11-23.
* Munari P., Bottino A., Moretti P., 1989. Permporometric study on ultrafiltration membranes, J. Mem. Sci., 41, 69-86.
* Nakao S., 1994. Determination of pore size and pore size distribution : 3 Filtration membranes. J. Mem. Sci., 96, 131-165.
* Reid C., Praunitz M., Sherwood K., 1977. The properties of gases and liquids. Mc Graw-Hill, New York.]
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