Avec d'amples ondulations caudales, ils remontaient depuis la Baltique en évitant le courant principal du fleuve. Ils étaient des centaines de milliers chaque jour à longer les berges et les hauts fonds, choisissant les bras du fleuve et les filets d'eau les moins rapides et turbulents. Depuis la Baltique, ils avaient déjà franchi presque 200 km et plusieurs rapides tumultueux. Noirs dessus, blancs dessous, dans l'éclat argenté de leurs robes de noces, les saumons remontaient. Irrésistiblement attirés par l'infime odeur des torrents que charriait encore le fleuve dans son aval, ils remontaient les courants avec une obstination aveugle et une prudente économie de l'effort car ils étaient encore loin des frayères et des sources. Et sans l'avoir vu, ils venaient buter contre cet étrange barrage qui les refoulait vers la berge dangereuse ou vers le courant central épuisant à remonter. Hésitants, ils tourbillonnaient, entrechoqués, emmêlés, devant les grilles serrées des perches du barrage. Les villageois sur la berge proche et en barques dans le mort courant du barrage, lançaient épuisettes et filets à main. Effrayés, paniqués, les poissons filaient vers le milieu du fleuve cherchant le bout du barrage pour se faufiler vers l'amont. C?était le carnage, les nasses et les filets des pêcheurs se refermaient sur les plus fatigués, les moins vifs. Pour ces captifs affolés et bondissants, la montaison s'arrêtait là, au village d'Anttis. Au bord du fleuve Torneå, entre Suède et Finlande, au-delà du cercle polaire?
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