Histoire d'eau : A la recherche des mythiques terrasses du lac Rotomahana
07 juillet 2017Paru dans le N°403
à la page 83 ( mots)
Rédigé par : Christophe BOUCHET de EDITIONS JOHANET
Elles étaient, jadis, parmi les sites les plus visités de l’hémisphère sud. Des milliers de touristes entreprenaient chaque année un long et périlleux voyage pour les admirer. Avant qu’une violente éruption volcanique ne les fassent disparaitre en 1886. Mais des chercheurs viennent d’annoncer les avoir localisées, et comptent bien entamer prochainement des travaux de forage pour les mettre à jour. Elles, ce sont les terrasses roses et blanches du lac Rotomahana, une vraie merveille de la nature.
Nous
sommes le 9 juin 1886 sur l’ile du Nord de la Nouvelle Zélande. Il fait délicieusement
bon en ce matin de printemps sur les bords du lac Rotomahana. Comme des
dizaines de milliers de visiteurs avant lui, Edwin Bainbridge a effectué un
long voyage pour découvrir l’un des plus fabuleux spectacles de l’hémisphère
sud : les ‘Pink and White Terraces’,
ces terrasses roses et blanches qui dévalent littéralement la montagne sur plusieurs
centaines de mètres de hauteur jusqu’aux rives du lac Rotomahana. Distantes l’une
de l’autre de 600 mètres environ, ces formations naturelles, engendrées par
une source hydrothermale, sont appelées par les Maori, Te Otukapuarangi
(la Fontaine du ciel nuageux) et Te Tarata (la Roche tatouée), pour,
respectivement, les terrasses roses et blanches. Ces concrétions, alors uniques
au monde, se sont formées grâce à la précipitation des minéraux contenus dans les
eaux chaudes ruisselantes et offrent aux regards émerveillés une cascade de
piscines chauffées, emplies d’eaux bouillonnantes siliceuses, et enrichies en
minéraux teintant l'un des sites en rose et l'autre en un blanc immaculé.
Ils
sont des milliers à venir chaque année contempler cette merveille de la nature.
Des milliers de riches touristes à avoir entrepris de périlleux trajets
depuis le Royaume-Uni, l'Europe et même l'Amérique pour les voir. A leur
descente de bateau, après un voyage de plusieurs jours, ils peuvent enfin admirer
le spectacle magique de ces piscines naturelles qui descendent en cascades jusqu'aux
rives du lac.
Sauf
qu’en ce 9 juin 1886, Edwin Bainbridge ignore encore que dans quelques heures,
le mont Tarawera va brutalement se réveiller. Qu’il va engloutir en
quelques heures et à tout jamais cette merveille de la nature. Il ignore aussi
que la violence de l’explosion, à laquelle, comme sept autres touristes
européens et plus de 150 maoris, il ne survivra pas, va détruire plusieurs
villages et modifier profondément le relief de la vallée en laissant dans le paysage
une balafre de plus de 17 km de longueur.
Une balafre de
plus de de 17 km de longueur
Dans
la nuit du 9 au 10 juin, peu après 3 heures du matin, l’ile du Nord de la
Nouvelle Zélande se met à trembler violemment sous l’effet d’une série d’explosions.
Le sommet du Mont Wahanga, littéralement soufflé, se vaporise en un épais nuage
noir, qui s'étend de Taheke jusqu'à Paeroa et se transforme en une masse énorme
d'éclairs et de tonnerre qui vont durer toute la nuit. Peu après, 4 heures, le
Mont Tarawera et son jumeau le Ruawahia entrent en action, crachant du feu, de la
lave et des cendres à plus de 10 000 mètres d’altitude. Les explosions, qui
durent pratiquement toute la nuit, sont entendues jusqu'à Auckland, Napier,
Wellington, et même Bleinhem, dans l'Ile du Sud.
Au
petit matin, le Mont Tarawera finit par exploser, semant la mort et la désolation
aux alentours et causant la destruction des villages environnants. Environ 2 km3 de
lave seront violemment éjectés en seulement 4 heures. On saura bien plus tard
que les épisodes éruptifs sont dus à de violentes explosions phréatiques causées
par l'eau du sol qui se vaporise soudainement au contact du magma. Ces
explosions vont créer de gigantesques cratères en expulsant des matériaux sur
une vaste zone. Au petit matin, les villages de Te Ariki, Moura, et Te Wairoa sont
rayés de la carte. Le village de Wairoa, situé au voisinage immédiat du lac
Rotomahana, est recouvert par 3 mètres de cendres, de boues argileuses et de
pierres fumantes.
Le
lac Rotomahana lui-même, sera littéralement vaporisé, avant de disparaitre puis
de se reformer un peu plus tard sur une surface 20 fois plus importante que sa taille
originelle.
L'éruption
provoque la mort de 153 personnes. Le phénomène, qui ne durera que 5 heures
dans sa phase la plus intense, fait disparaitre la zone thermale de Waimangu et
les dépôts hydrothermaux des terrasses roses et blanches et ouvrira un rift ce
que l’on appelle aujourd’hui le Waimangu Valley, parsemé de plusieurs cratères
d’explosions formés durant l’éruption.
On
croit alors les terrasses définitivement disparues sous les eaux du lac à la physionomie
bouleversée ou bien ensevelies sous les cendres. Car personne n’a pris soin,
avant cette date, de situer correctement les terrasses en latitude et longitude
sur une carte… Aucune certitude n’existant sur leur localisation exacte, il ne
sera pas possible de s’assurer de leur destruction.
L’affaire
en reste là, et le site, délaissé par les habitants comme par les touristes,
tombe peu à peu dans l’oubli.
Pendant
des décennies, il ne restera, comme témoignage de ces deux merveilles de la
nature que quelques tableaux surannés.
Les carnets oubliés de Ferdinand von
Hochstetter
Jusqu’à
la découverte, en 2010, des carnets de voyage d’un géologue et explorateur oublié,
Ferdinand Von Hochstetter. Né le 30 avril 1829 à Esslingen, Hochstetter
est un naturaliste, géologue et explorateur germano-autrichien,
connu pour avoir été le premier à établir une cartographie géologique complète
de la péninsule des Balkans qui fait alors partie de l'Empire
ottoman. En 1856, l'Académie impériale des sciences de Vienne l'envoie diriger
l'expédition scientifique du SMS Novara qui doit faire le tour
du monde sous la conduite du capitaine Wüllerstorf-Urbair. Mais en 1858, Hochstetter
débarque pour découvrir la Nouvelle-Zélande, alors peu connue. Il s'agit pour lui
de la cartographier et de procéder à des études géologiques. Il est ainsi le
premier à établir en 1858 et 1859 une cartographie géologique précise de la
Nouvelle-Zélande…
Mais
ces travaux ne suscitent que peu d’intérêt et sombrent vite dans l’oubli. Jusqu’à
ce jour de 2010 ou deux chercheursaméricains,
Rex Bunn et Sascha Nolden,parcourant les carnets d’Hochstetter, découvrent,
médusés, la description détaillée de l'emplacement des terrasses, avant
l'éruption de 1886.
Aussitôt,
une équipe de chercheurs est constituée. Elle va travailler d’arrache-pied sur
ces carnets durant plus de 2.500 heures sur une année. Les descriptions
contenues dans les carnets permettent de localiser successivement trois, puis
deux, puis finalement un site sur lequel doivent se trouver les ‘Pink and White Terraces’. Si bien qu’en mai
2017, les chercheurs publient un article dans le Journal of the Royal Society of New Zealand et annoncent avoir retrouvé
les terrasses !
Elles ne seraient ni détruites
comme l’avait annoncé le GNS Science néo-zélandais, ni englouties sous les eaux
du lac comme l’avait annoncé une équipe scientifique internationale en 2011.
Elles dormiraient sous les rives nord du lac, entre 10 et 15 mètres de
profondeur, sous une épaisse couche de boues et de cendres. Et probablement
intactes….
Une
exploration approfondie du site archéologique, avec imagerie et prélèvement de
carottes de terrain, sera bien sûr nécessaire pour prouver de manière
irréfutable que les terrasses ont bien survécu à l’éruption du Mont Tarawera et
au maelstrom qui a suivi. Mais si elles se trouvent à bien cet endroit, et si
elles ont bien été préservées, pourront-elles retrouver leur éclat d'antan ?
Rien
est moins sûr.
D’abord
parce que si la décision de les faire renaitre était prise, les volumes à
excaver seraient colossaux et l’entreprise très aléatoire. Ensuite, parce que
si les terrasses elles-mêmes ont été préservées, les sources hydrothermales et
les cascades qui ont contribué à leur formation puis à leur animation, ont, elles
vraiment disparues. La reconstitution des terrasses serait dès lors très
aléatoire, et ne devrait plus grand-chose à la caractéristique qui faisait leur
attrait d’antan, celle d’un véritable miracle de la nature.
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