Dans le cadre d’une transition vers des systèmes énergétiques moins carbonée, l’énergie hydraulique occupe la première place parce qu’elle est renouvelable, flexible, stockable et pilotable. Mais au-delà de spécificités qui la distingue des autres formes de production d’électricité, c’est aussi la très grande diversité des aménagements qui caractérise l’hydroélectricité.
- P (W) est la puissance,
- ρ (rhô) (kg.m-3) est la masse volumique de l’eau,
- g (m.s-2) l’accélération de la pesanteur au lieu considéré,
- Q (m3.s-1) le débit volumique,
- H (m) la hauteur de chute et η (êta) le rendement1.
La grande diversité des aménagements
Les groupes de production hydraulique, soit la turbine et l’alternateur, couvrent une gamme de puissances allant de quelques kW jusqu’à 1 000 MW pour les turbines de type Francis les plus puissantes. Les installations de production, soit la centrale et ses aménagements, vont de quelques kW jusqu’à 22 500 MW pour la centrale la plus puissante actuellement en exploitation, sur le site du barrage de Trois-Gorges, en Chine (figure 1).
- la pico hydro, généralement relative aux installations de moins de 5 kW,
- la micro hydro à celles de moins de 100 kW,
- la mini hydro au-dessous de 1 MW.
- hautes chutes, supérieures à 200 mètres,
- chutes moyennes, entre 40 et 200 mètres,
- basses chutes, inférieures à 40 mètres.
L’exploitation d’une chute peut se faire directement sur le lieu même de la chute, en implantant la centrale directement sur un seuil en rivière ou en pied de barrage pour les aménagements de moyenne chute ou dans une disposition dite « en ligne » pour les aménagements de basse chute, par opposition aux aménagements « en dérivation » (figure 2). Dans ce cas, une portion de cours d’eau est court-circuitée et il est nécessaire d’y maintenir un débit minimum.
Dans le cas des aménagements de haute chute, un ensemble d’ouvrages d’amenée (prise d’eau, canaux à surface libre, galeries en charge, puits blindés ou conduites forcées) permet de conduire l’eau de la retenue jusqu’à la centrale, puis de la centrale au lieu de restitution dans le cours d’eau. Très souvent, l’ensemble de ces ouvrages, y compris la centrale, sont souterrains. Les aménagements de haute chute comprennent souvent un réseau complexe de galerie et de prise d’eau permettant de capter et regrouper les eaux de plusieurs bassins versant pour les turbiner dans une même centrale (figure 3).
c/Les aménagements dont la capacité de la retenue est telle que le temps de remplissage est supérieur à 15 jours au débit moyen du fleuve. Ce sont eux qui sont destinés à la production de pointe.
e/Les usines marémotrices. En 2020, on ne dénombre que deux centrales marémotrices d’une puissance significative : en France, La Rance, 240 MW (figure 5) et en Corée du sud, Shiwa, 254 MW. Des projets existent, cependant, soit en sites naturels soit en lagons artificiels, notamment au Royaume-Uni2.
Des projets uniques
- Un barrage est étudié spécifiquement pour un site particulier. Le choix du type de barrage lui-même est fonction des caractéristiques géologiques, topographiques (forme de la vallée) et sismiques du site, de l’hydrologie (caractéristiques des crues) ainsi que des ressources éventuellement disponibles à proximité (granulats pour le béton, enrochements, argiles).
- Le cheminement et les caractéristiques des ouvrages d’amenée d’eau à la centrale et des canaux de fuite (canaux à surface libre, tunnels et galeries en charge, cheminées d’équilibre, conduite forcées et puits blindés) sont également fonction de la topographie et de la géologie du site.
- La centrale elle-même, qu’elle soit souterraine ou à l’air libre est conçue en fonction des équipements qu’elle doit abriter.
- La détermination du débit d’équipement de la centrale, c’est-à-dire le débit maximum qui peut être turbiné constitue la première étape. Pour un aménagement de retenue, destiné à la production de pointe, ce débit d’équipement est déterminé à partir du volume annuel accumulé et du nombre d’heures de fonctionnement souhaité (heures valorisées économiquement). Pour un aménagement au fil de l’eau, le débit d’équipement est une proportion du débit moyen annuel du cours d’eau. En effet, plus le débit d’équipement est élevé, plus il sera possible d’exploiter les forts débits, mais cela signifie que la centrale ne fonctionnera à sa puissance maximale que pendant un cours laps de temps. Le débit d’équipement résulte donc d’un optimum économique au-delà duquel le surcoût lié à une augmentation de capacité n’est pas rentabilisé par la production correspondante.
- Le débit d’équipement connu, il convient de déterminer le nombre de groupes de production. Ce nombre sera fonction de la variabilité des débits et de la capacité des turbines retenues à fonctionner sur de larges plages de débit mais aussi des capacités technologiques car il existe des dimensions et puissance maximale pour tout type de turbine. On tiendra compte également de la possibilité de réaliser la maintenance en limitant les pertes de production.
- Ces opérations étant réalisées, les valeurs de base pour le dimensionnement de la turbine, chute et débit, sont définies. Associé à d’autres critères plus spécifiques (cavitation, eaux chargées en matières abrasives) l’expérience montre que l’on ne retrouve qu’exceptionnellement des caractéristiques identiques pour deux centrales distinctes.
- Le dimensionnement de la turbine conduit à déterminer, entre autres, sa vitesse de rotation. Cette vitesse de rotation et la puissance maximale sont les deux paramètres de base pour le dimensionnement de l’alternateur. Là encore, on ne retrouve qu’exceptionnellement des caractéristiques identiques pour deux centrales distinctes.
Le rendement d’une turbine varie en fonction de la chute qui évolue en fonction du niveau dans la retenue, par exemple, et du débit. Le rendement moyen pondéré est obtenu en déterminant le temps de fonctionnement pour chaque point de fonctionnement (couple chute-débit). La maximisation de ce rendement moyen pondéré est obtenue par l’optimisation du profil hydraulique de la turbine, forme des pales ou des aubes (figure 6) au moyen de modélisations numériques dits Computational Fluid Dynamics (CFD) et physiques, effectuées pour chaque projet (figure 7).
Pour des machines de forte puissance, cette optimisation du rendement revêt une importance économique considérable justifiant des études spécifiques (tableau 1).
Il résulte de ces spécificités un coût et une durée de la phase d’études élevés. Ces études font également appel à de très nombreuses disciplines : hydrologie, géologie, hydrogéologie, hydraulique, topographie, géotechnique, hydro-biologie, sciences de l’environnement, mécanique, électricité, informatique, entre autres.
D’une manière générale, à puissance installée égale, les projets de haute chute, qui utilisent des débits plus faibles, sont moins coûteux que les projets de basse chute. De même, les projets de forte puissance présentent des coûts de construction au MW installé généralement plus faibles. Une grande variabilité des coûts d’investissement et du coût de l’énergie produite (Levelized Cost Of Energy – LCOE) en découle (tableau 2).
Les qualités communes à tous les aménagements hydroélectriques
L’hydroélectricité est le moyen le plus adapté pour répondre à ces besoins, à la fois par sa flexibilité4 et sa capacité de stockage5 compte-tenu des valeurs du temps de réponse des différents moyens de production d’électricité (tableau 3).
Ces performances permettent également à l’hydroélectricité d’assurer un rôle identique dans la fourniture des services système qui assurent la qualité de l’énergie délivrée aux consommateurs en termes de stabilité de la fréquence et de niveau de tension. Si elles sont avant tout le fait des aménagements disposant d’un réservoir ainsi que des STEP, ces performances viennent aussi des aménagements au fil de l’eau qui permettent également de réagir rapidement en cas de besoin. Lors du black-out du 4 novembre 2006 en Europe, les aménagements du Rhône ont apporté une puissance supplémentaire de 270 MW en 2 minutes. Certaines centrales hydroélectriques sont également capables de démarrage sans source d’énergie extérieure, soit en black start, et d’effectuer du renvoi de tension, ce qui est nécessaire à la reconstruction du réseau en cas de black-out.
Le taux de retour énergétique (TRE) est le rapport entre l’énergie fournie au cours de la durée de vie totale de l’installation à l’énergie consommée pour sa construction, son exploitation, son entretien, sa maintenance, son démantèlement et son approvisionnement en combustible. Au regard de ce critère, l’hydroélectricité arrive en tête des différentes technologies de production d’électricité (tableau 4).
Comparativement aux autres installations de production d’électricité, les aménagements hydroélectriques ont des durées de vie et d’exploitation exceptionnellement longues (figure 9). Ceux construits au cours de la première moitié du 20ème siècle sont toujours en exploitation et ils le resteront encore de nombreuses années. Les ouvrages de génie civil, surveillés et maintenus correctement, peuvent largement dépasser un siècle d’existence. Les équipements ont également des durées de vie de plusieurs dizaines d’années et leur modernisation, voire leur remplacement, permettent de continuer l’exploitation de l’aménagement tout en en améliorant les performances et en diminuant les coûts de maintenance.
À titre d’exemple, l’aménagement de Chancy-Pougny, mis en service en 1924, a été l’objet d’un vaste programme de modernisation permettant un accroissement de la production moyenne annuelle de 210 à 255 GWh, la construction d’une passe à poissons, le confortement du barrage vis à vis du risque sismique, l’automatisation et la téléconduite de l’aménagement (figure 10).