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Il y a 110 ans : la crue du Doubs à Besançon

28 février 2020 Paru dans le N°429 à la page 110 ( mots)
Rédigé par : Christophe BOUCHET de EDITIONS JOHANET

Bien que nettement moins médiatisée que la crue de la Seine à Paris en 1910, l’inondation de la ville de Besançon par le Doubs la même année est considérée, aujourd’hui encore, comme l’une des plus importantes crues de l’histoire de France. Retour sur un événement qui a marqué la mémoire de tous les bisontins.

17  janvier 1910. Après un mois de décembre exceptionnellement pluvieux, une succession de perturbations très actives balaient presque quotidiennement l’Est de la France. Les pluies ininterrompues qui ruissellent sur des sols déjà gorgés d’eau, inquiètent les autorités. Le service hydrographique de la ville de Besançon est alerté par plusieurs communes de la haute vallée de l’imminence possible d’une crue importante.
Personne, cependant, ne s’inquiète véritablement.

Les élus, tout comme les habitants, sont habitués aux débordements désormais traditionnels du Doubs. Ils n’imaginent pas qu’une inondation comparable à celle de 1882, dont la cote historique à 8,85 mètres avait marqué les esprits, puisse à nouveau survenir. Les journaux locaux d’ailleurs, ne s’émeuvent pas outre mesure. Tous ne font état que de quelques averses pour le lendemain, à l’exception notable d’un quotidien local, l’Éclair Comtois, qui titre de façon prémonitoire : « Les pluies torrentielles et la fonte des neiges font prévoir une crue terrible du Doubs ».

Vue de la place de la Révolution inondée.

C’est que dans l’Est du pays, la pluviométrie inhabituellement élevée se cumule avec des chutes de neiges abondantes, qui vont s’intensifier entre les 16 et 17 janvier. Les vents chauds, venus du sud, amplifient le phénomène en provoquant une fonte massive des neiges qui va aggraver la saturation des sols et le ruissellement des eaux jusque dans les fonds de vallée.

Le 18 janvier 1910, à 7 heures, les relevés effectués à Besançon indiquent un niveau du Doubs à 3,48 mètres. Rien d’exceptionnel. Le 19, la cote d’alerte, à 4,20 mètres, est franchie en fin de matinée. Le niveau des eaux augmente, somme toute, au rythme d’une crue classique telle que la ville en connaît régulièrement. A 23 heures le même jour, elle atteint les 5,96 m.

21 janvier 1910 : une situation chaotique

C’est le lendemain 20 janvier que les choses s’accélèrent véritablement. A 7 heures, la cote du Doubs atteint les 7,25 m avec une vitesse de montée des eaux proche de 6 cm par heure ! A nouveau averties par les dépêches qui leur parviennent de Montbéliard, de Voujeaucourt et d’Audincourt, les autorités alertent les habitants à coups de trompe de chasse. A 9 heures, alors que l’eau commence à envahir les parties basses de la ville, une cellule de crise est créée. Des barrages sont édifiés à la hâte pour tenter de contenir les eaux qui envahissent inexorablement tous les quartiers de la ville, bien au-delà des zones identifiées jusque-là comme potentiellement inondables.
A 19 heures, le 20 janvier 1910, la traversée des ponts est interdite à cause de flottants et des débris charriés par le Doubs qui s’écrasent sur les ouvrages, menaçant directement leur intégrité.

Dès le milieu de la matinée, les commerces, inondés, ferment, et les tramways s’arrêtent, faute d’électricité. Dans certains quartiers, l’eau arrive déjà jusqu’au premier étage des immeubles, obligeant les habitants à se réfugier plus en hauteur.

A 19 heures, la traversée des ponts est interdite à cause de flottants et des débris charriés par le Doubs, mais aussi des péniches à la dérive qui s’écrasent sur les ouvrages, menaçant directement leur intégrité. Vers 21 heures, on comprend que la crue dépassera celle de 1882, la plus importante connue à Besançon.
Le 20 janvier, les choses s’accélèrent véritablement : à 7 heures, la cote du Doubs atteint les 7,25 m avec une vitesse de montée des eaux proche de 6 cm par heure !

Mais l’heure n’est plus aux mesures préventives. Priorité est donnée à la sécurité des personnes, alors que les eaux ne cessent de gagner du terrain partout dans la ville. Certains ponts sont submergés, la plupart des rues sont transformées en cours d’eau.

Dans la nuit du 20 au 21 janvier, la situation devient chaotique. Des porteurs de torches, escortés par des soldats, arpentent une ville totalement plongée dans le noir pour suivre la montée des eaux et porter secours aux habitants en détresse. Pour tenter d’éclairer les rues, les bisontins placent aux fenêtres toutes sortes de lampes, à pétrole, à acétylène ou de simples lampions.
A 3 heures du matin le 21 janvier, le pic de crue est atteint. Sur l’échelle de mesure du Moulin Saint Paul, l’eau atteint les 9,57 m dépassant ainsi de loin les crues de 1882 (8,85 m) et 1896 (7,97 m)... Dans certains quartiers de la ville, on évoque même une cote à 10,10 mètres… Dans plusieurs rues du cœur historique de la ville, la hauteur de l’eau dépasse les 1,5 mètres.

Des dégâts considérables

Au petit matin, c’est une ville dévastée qui apparaît aux yeux des habitants : les rues sont jonchées de débris, les trottoirs effondrés, le mobilier urbain emporté, les magasins dévastés et bien des rues sont coupées rendant l’accès aux immeubles impossible. Rapidement, les secours s’organisent pour porter assistance aux Bisontins bloqués chez eux. Soldats et pompiers, aidés par des habitants, tentent d’apporter des vivres aux personnes les plus menacées. On voit des barques naviguer dans les rues inondées.
En attendant la décrue complète, il faut s’organiser pour remettre la ville et les industries en ordre de marche. Avec les deux-tiers des quartiers inondés, les dégâts, sont considérables.

A 14 heures, malgré un début de décrue, certaines rues restent envahies par plus de 1,50 m d’eau, et un lac recouvre Chamars, l’École de Médecine, l’Hôpital St-Jacques, les rues de l’Orme et de l’Arbalète jusqu’au Palais de Justice.

En attendant la décrue complète, il faut s’organiser pour remettre la ville et les industries en ordre de marche. Avec les deux-tiers des quartiers inondés, les dégâts, sont considérables. Certes, aucune perte en vie humaine n’est à déplorer, contrairement à Dole ou à certaines communes en amont. Mais la ville est ravagée. La digue, proche de l’écluse de Tarragnoz, est endommagée, de même que le canal sous la Citadelle. Les pavés des rues les plus touchées sont déchaussés et certaines rues sont ravinées sur plus d’un mètre de profondeur à la manière du lit d’un torrent desséché.
L’activité économique est presque totalement paralysée. Les communications sont coupées et les rares usines qui n’ont pas été directement touchées par les eaux sont stoppées par manque de gaz ou d’électricité.
Les pavés des rues les plus touchées sont déchaussés et certaines rues sont ravinées sur plus d’un mètre de profondeur à la manière du lit d’un torrent desséché. Ici, la rue Claude Pouillet.

Il faut enlever les limons, déblayer les déchets et débris charriés par les eaux, désinfecter les rues au sulfate de cuivre. On parle d’un coût total de près de deux millions de francs de l’époque. Des souscriptions sont lancées pour venir en aide aux plus démunis mais il faudra plus de six mois pour que la ville parvienne à effacer les traces de cette crue historique qui restera à jamais gravée dans la mémoire des habitants.

Après 1910, le Doubs quittera à nouveau plusieurs fois son lit naturel : en janvier 1955, février 1970, décembre 1982, mai 1983, février 1999 ou encore mars 2006 mais celle de février 1990 avec 7,77 m reste la plus importante. Mais ces événements ont conduit l’agglomération à mettre en place un important programme de protection contre les inondations pour éviter à la capitale comtoise d’être à nouveau sévèrement impactée. Aujourd’hui, le Plan de Prévention des Risques inondation du Doubs central, destiné à contrôler et réglementer le développement de l’urbanisation en zone inondable et à préserver les champs d’expansion des crues, couvre 55 communes le long du Doubs afin de ne pas créer de nouvelles situations à risques pour les personnes et les biens. 
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