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Ingénierie écologique des eaux usées par l'utilisation de macrophyte sous climat aride : cas de Lemna minor

27 septembre 2019 Paru dans le N°424 à la page 77 ( mots)
Rédigé par : Amina CHADLI et Hachemi BENHASSAINI de Laboratoire de recherche Biodiversité végétale ...

Nous avons, pour notre travail, fait appel à une plante aquatique, à savoir Lemna minor, qui a fait l’objet de plusieurs publications dans le domaine de la phyto-épuration, les études démontrant le potentiel des Lemnacées pour filtrer les eaux usées grâce au grand pouvoir absorbant de leur système racinaire. Notre étude tente de prouver et d’améliorer l’efficacité de Lemna minor conjuguée avec un substrat alluvionnaire vis-à-vis de la pollution organique et, d’autre part, de la proposer en tant que bio-moniteur environnemental de la pollution hydrique sous climat aride. Quant aux résultats physico-chimiques et microbiologiques, ils mettent en évidence le pouvoir épurateur de cette espèce?: les rendements optimaux atteignent respectivement pour le premier et le deuxième baquet 93,5 et 95,7?% pour la demande biologique en oxygène (DBO5), et 95,1 et 96,5?% pour la demande chimique en oxygène (DCO). La réduction des matières en suspension (MES) est de 89,8?% pour le premier baquet et 97,8 pour le deuxième. Le rendement d’abattement de l’azote total est compris entre 48 et 50?% en trois semaines de temps de séjour hydraulique, les abattements sur le phosphore sont en moyenne de 65,3 et 72?%. Le système permet des réductions importantes des bactéries, la suppression maximale en coliformes totaux et coliformes fécaux dans l’effluent est en moyenne de 93 à 99?% UFC1/100?ml, ainsi qu’une élimination des streptocoques de l’ordre 50 à 99?%. Une différence significative de la réduction de la pollution organique et bactériologique a été constatée entre le témoin et les baquets végétalisés, ainsi qu’une corrélation entre le rendement épuratoire et la présence de la plante, sa biomasse et le temps de séjours.

Le volume annuel des eaux usées domestiques rejetées en Algérie est estimé à 800 millions de m³ [Ona, 2017]. Ces quantités importantes et facilement localisables ne peuvent être négligées par les décideurs et leurs réutilisations après traitement sont devenues une option attrayante. Cependant, la recherche de moyens d’épuration adéquats et abordables pouvant fournir des solutions à faible coût et capables de traiter efficacement les eaux usées de la région de Mécheria (une zone steppique caractérisée par un climat aride où les précipitations moyennes annuelles ne dépassant pas 300 mm par an) [Bensaid, 2002] n’est pas techniquement aisée.
Figure 1 : Photographie du pilote expérimental installé 
dans la STEP de Mécheria.

L’application des systèmes de traitement naturel issus de l’ingénierie écologique est l'une des options prometteuses [Bolton, 2009]. Ces systèmes sont réputés rentables, éco-énergétiques et viables pour les pays en développement [Gupta et al., 2012]. Néanmoins, les zones humides ne sont pas facilement comparables dans les pays sous climat aride et sont plutôt appropriés aux régions tropicales et subtropicales [Brix et Schierup, 1989], mais la prévalence des eaux usées mixtes et le manque d’expérience sur la conception et la gestion sont quelques-uns des facteurs qui militent pour son application [Al-Nozaily et al., 2000].

Les marais artificiels se présentent comme une technique alternative de traitement des ERU2 [Zidan et al., 2015]. Plusieurs travaux à travers le monde ont prouvé l’aptitude de ces marais à dépolluer efficacement ces ERU [FALABI et al., 2002 ; Mohammad et al., 2004 ; Vymazal et al., 2010]. Dans plusieurs pays d’Afrique, les marais artificiels ont été utilisés pour le traitement des eaux usées municipales [Abissy et Mandi, 1999 ; Mashauri et al., 2000 ; Nyakango et Van Bruggen, 1999 ; Nzengy’a et Witshitemi, 2001 ; Kyambadde et al., 2004] et des effluents industriels [Amare et al., 2017].
À cet égard, la littérature sur le traitement des eaux usées par le pouvoir phyto-remédiateur des macrophytes flottantes originaires des zones humides naturelles telles que la jacinthe et la laitue d’eau, le Nénuphar et des lentilles d’eau, ont prouvé que les normes relatives aux effluents primaires, secondaires et tertiaires peuvent être atteintes [Sooknah et Wilkie, 2004].
D’après Srivastava et coll. [2008] ; Materazzi et coll. [2012] ; les macrophytes aquatiques libre-flottants, en raison de la productivité élevée et leur facilité de l’ensemencement et de récolte sont adaptés pour la phytoremédiation dans les zones humides. Cependant, les résultats sur l’efficacité du traitement de tels systèmes ne sont pas comparables ; parce que, la plupart des travaux de recherche ont été limités à des espèces végétales spécifiques in vitro dans des conditions contrôlées pendant une courte période d’expérience [Mishra et Tripathi, 2008]. Et dans divers contextes climatologiques [Hasan et Chakrabarti, 2009].
La première tentative d’utilisation de lentilles d’eau été réalisée il y a 40 ans, mais ces systèmes ne sont pas aussi développés que les systèmes de jacinthe. Le temps de rétention dans le système de traitement des eaux usées à base de lentilles d’eau dépend de la qualité des eaux usées, les besoins des effluents, le taux de récolte, et le climat, mais il varie généralement de 30 jours au cours de l’été à plusieurs mois pendant l’hiver [Elfu et Fassil, 2018].
En Algérie, peu ou pas de travaux utilisant ce procédé sont signalés et c’est dans cette perspective que s’inscrit l’objectif du présent travail qui constitue une contribution originale pour cette région et une étude des potentialités des lentilles d’eau vis-à-vis de la pollution organique (DCO et DBO5), de l’abattement des nutriments N et P. L’évolution des paramètres physico-chimiques que sont le pH, la température et la conductivité électrique seront étudiés étant donné que les performances épuratoires de bassins d’épuration peuvent être différentes, même s’ils fonctionnent dans des conditions climatiques et des charges similaires comme il a été référé Finney et Middlebrooks [1980].

Matériel et méthodes

Matériel végétal
Le choix de la lentille d’eau Lemna minor s’avère être la meilleure alternative pour notre cas car cette espèce serait plus indiquée dans des applications en phytoremédiation des eaux résiduaires en particulier des métaux lourds [Zayed et al., 1998 ; Khellaf et Zerdaoui 2009], vu sa tolérance et sa productivité en biomasse et ces besoins en phosphore et azote considérables.
Lemna minor est une souche de laboratoire qui a été longtemps étudiée pour la décontamination. Elle se présente sous la forme de colonies (libres ou reliées entre elles par un fin pétiole) composées au minimum, de 2 à 4 feuilles aplaties et lenticulaires de taille réduite (2 à 4 mm). Chacune possède une racine filiforme, transparente et d’un fin diamètre.
Bien qu’une reproduction sexuée soit possible, elle est très rare. Ces végétaux se reproduisent la plupart du temps par multiplication végétative sous la forme de bourgeonnements successifs latéraux. Chaque fronde mère peut donner naissance de 10 à 20 frondes et a une durée de vie limitée de 3 à 7 semaines, d’où le caractère parfois envahissant du développement de ces végétaux [Cauzzi, 2007].
Méthodes d’étude
L’efficacité de Lemna minor pour traiter les eaux usées domestiques a été évaluée dans le cadre d’une expérience en pleine nature « in situ ». L’étude a été menée à la station d’épuration à boue activée de Mécheria (Wilaya de Naama) au sud-ouest des hautes plaines oranaises (X1 : 000°11’28’’ W, X2 : 0001°45’40’’ W, Y1 : 34°18’21’’ N, Y2 : 32°8’54’’ N) d’où les prélèvements des eaux usées décantées (sortie du décanteur) qui sont utilisées dans l’alimentation du pilote expérimental.
Le matériel végétal utilisé dans cette étude a été récolté dans une zone rurale éloignée de toute source de pollution. Après l’avoir nettoyé, il a été transféré au laboratoire et placé dans des bacs remplis d’eau de robinet pendant 48 h pour adaptation. Après cette phase de latence, nous avons introduit les petites lenticules dans des baquets en plastique de 80 cm de diamètre et 50 cm de profondeur contenant de l’eau usée brute décantée (figure 1) à raison de 500 gr de lentilles d’eau par baquet. La nouveauté dans notre pilote découle dans l’introduction d’un substrat de gravier alluvionnaire fin et moyen dans les deux baquets végétalisés. L’eau de sortie baquet 1 alimente le baquet 2 selon la figure 2 et le baquet témoin de contrôle reçoit uniquement de l’eau usée brute.
Figure 2 : Schéma du principe de fonctionnement de pilote expérimental ZHC4 avec macrophyte librement flottant. Sur la base de Vymazal [2001] modifié par A. CHADLI.

Mode d’échantillonnage

Selon le guide de prélèvement pour le suivi de la qualité des eaux dans l’environnement [FD T 90-523-2, 2008], l’échantillonnage a été effectué au cours d’une bâchée complète en entrée et en sortie du pilote expérimental et ce, à partir du 5ème jour d’alimentation.
Lors d’une bâchée, un seau a été placé au niveau de l’arrivée de l’effluent brut pour obtenir un échantillon représentatif de la qualité des ERU. Un volume de 500 ml de l’effluent traité a été récupéré en sortie de chaque baquet 1, 2 et témoin selon trois dates :
La première période après 5 jours de traitement (T1), la deuxième (T2) après 10 jours de traitement et enfin la troisième (T3) après 20 jours de traitement.
Figure 3 : Les rendements épuratoires du pilote expérimentale (baquet 1, baquet 2, témoin) DBO5 : la demande biologique en oxygène (5 jours) ; DCO : la demande chimique en oxygène ; MES : la matière en suspension ; NH4+ : ammonium ; PO4 : Phosphate ; Coli.T : coliformes totaux ; Coli.F : coliformes fécaux ; Str.F : streptocoques fécaux.

Les analyses sont effectuées en trois répétitions par paramètre étudié au niveau du laboratoire d’analyses de la STEP de Mécheria. Les mesures des paramètres physico-chimiques ont été effectuées selon les méthodes standards d’analyse des eaux usées décrites et publiée par HACH [2004]. Pour les analyses microbiologiques, l’échantillonnage a été réalisé selon la norme [NF EN ISO 19458,2006] et le mode opératoire est basé sur la technique membranaire avec des pores de taille 0,45 µm. [NF EN ISO 9308-1, 2000].

L’interprétation des résultats a été essentiellement basée sur le rendement épuratoire des paramètres physico-chimiques et microbiologiques, calculés par la relation suivante [Petemanagnan et al., 2008] :
  • Rendement % = 100 (XERU – X f) / XERU tels que :
  • XERU : Concentration du paramètre considéré dans ERU appliquée sur le lit filtrant.
  • X f : Concentration du paramètre considéré dans le filtrat.
Analyse statistique
Les données obtenues ont été traitées à l’aide du logiciel XLSTAT version 2016. Nous avons appliqué les tests de Shapiro-Wilk et celui de Jarque-Bera, Anderson-Darling et Lilli-fors pour tester la normalité de rendement des paramètres mesurés et le temps de séjour hydraulique.
Figure 4 : ACP de rendement des paramètres physico-chimiques de l’ensemble du pilote expérimental. Type d’ACP : Pearson (n) Biplot de distance (axes F1 et F2 : 100,00 %).

La performance comparée du témoin, du baquet 1 et du baquet 2 est testée par l’utilisation du test de MANOVA5 a un niveau de signification de 5 % (Test de Roy, Test de Pillai, Test de Hotelling-Lawley) et le test de et ANCOVA6 pour comparer des échantillons appariés. Et les interactions entre différents variables et observation ont été mobilisées à l’aide d’ACP7.

Résultats et discussion

Le travail a été réalisé durant la période hivernale (octobre/novembre) 2017. Nous avons constaté que les lentilles d’eau sont capables de croître et de résister au gel qui caractérise la steppe sud oranaise de l’Algérie et à des températures aussi basses que 1 °C. Une croissance optimale des lentilles d’eau a été notée à des températures comprises entre 20 et 30 °C, mais elle est réduite quand les températures dépassent les 35 °C.
Les paramètres physico-chimiques
Les eaux usées reçues à la station d’épuration à boue activée de Mécheria sont issues d’un réseau unitaire. Les ERU initialement très chargées présentent des valeurs assez élevées en DCO, DBO5 et NT (azote total) avec des moyennes respectives de 814 mg O2/l, 493 mg O2/l et 79,5 mg/L, néanmoins, le ratio des valeurs moyennes DCO/DBO5 égal 1,6 ce qui montre le caractère biodégradable de ces effluents facilement traitables par voie biologique.
Figure 5 : Analyse en composantes principales de l’ensemble des variables physico-chimique et microbiologiques et le temps de séjours (baquet 1, baquet 2, témoin) Type d’ACP : Pearson (n) Biplot de distance

Selon le tableau 1, les tests statistiques n’ont pas rejeté l’hypothèse de normalité pour les deux échantillons traités par les lentilles d’eau, sauf pour la variable NO2- du baquet 2 (La variable dont provient l’échantillon ne suit pas une loi normale).

En général, l’efficacité de dépollution des paramètres dissous estimée par les rendements épuratoires augmente de façon significative avec le temps de séjour des effluents dans les baquets végétalisés (Figure 3, 4).
L’analyse statistique des variables donne une différence significative entre l’abattement des paramètres de pollution et la présence des lentilles ainsi une corrélation significative avec le temps de séjours avec p < 0,05 (figure 5).

La détermination du pH a été effectuée selon la norme [NF EN ISO 10523, 2012]. Elle parait être le paramètre le plus important dans le processus de biosorption. En général, nous avons remarqué une diminution importante du taux d’alcalinité dans les eaux traitées par Lemna minor par rapport à celles des eaux usées brutes. Le pH a diminué légèrement de 8,23 à 7,95 ± 0,082 pour le baquet 1 et 7,35 ± 0,42 pour le baquet 2. Ceci dit, les lentilles d’eau peuvent tolérer une large gamme de pH (3,0 à 10,0), avec une croissance optimale dans un milieu de 5,0 à 7,0 [Landolt E, 1986]. Ceci corrobore aussi les résultats trouvés par Abioye et Mahmood [2005] qui notent que le pH a été réduit de presque alcalin à neutre dans tous les cas étudiés par le traitement par macrophytes aquatiques. Cependant, leur croissance rapide est dûe selon Oueslati et coll. [1998] à sa tolérance aux importantes variations d’intensité lumineuse, de pH, de salinité et de température comme il a été référé par Urbanska [1980] ; Landolt [1986] ; Dudley [1987].

La diminution du pH dans les deux baquets plantés (figure 6) est vraisemblablement due aux réactions chimiques et/ou biologiques qui produisent des acides neutralisant, les ions basiques, sans oublier que les réactions de nitrification entraînent une acidification du milieu [Rejsek, 2002]. Selon Kone [2002], pour compenser le prélèvement de certains cations (nutrition minérale) la plante produit des ions H+ ainsi que la sécrétion d’exsudats (acides organiques) au niveau des racines. Dans le cas de l’effluent non traité (témoin), la valeur obtenue est de 8,06 ± 0,14, ce qui correspond aux valeurs des effluents d’origine urbaine. L’effluent témoin devient acide par l’accumulation du CO conséquence de la dégradation de la matière organique par les bactéries hétérotrophes [Attionu, 1976 ; Jedicke et al, 1989, Mancer, 2010].
Figure 6 : Régression de pH par le temps de séjours (baquet 1, baquet 2 et témoin) (R²=1,000) XLSTAT 2016 - ANCOVA -Intervalle de confiance 95%

La température joue aussi un rôle dans la solubilité des sels surtout des gaz. Elle conditionne les équilibres de dissociation et elle agit sur la conductivité électrique [EL MAROUFY, 1992]. Quant aux valeurs des températures moyennes obtenues respectivement à l’entrée au niveau du témoin, du baquet 1 et du baquet 2, elles sont de 16,06 ± 1,08 °C, 17,06 ± 0,26 °C 16,66 ± 0,80 °C (figure 7). Ces différentes valeurs sont liées aux conditions climatiques de la région et restent en dessous de la norme réglementaire de rejet qui est de 30 °C.

La détermination de la conductivité électrique a été réalisée selon la méthode normalisée [NF EN 27888,1994]. Une réduction significative a été observée dans la conductivité après 20 jours de traitement dans le baquet 2 (224 µs/cm) après un pic au niveau baquet 1 de l’ordre 1.333 µs/cm (figure 8). La baisse du rendement épuratoire est inversement proportionnelle à la densité végétale ce qui est en accord avec les travaux de Radoux et Kemp [1988]. Ce constat nous a amenés à réduire la biomasse dans le baquet 2, pour mieux maîtriser le taux de recouvrement des baquets par la plante aquatique, évitant ainsi une eutrophisation de ceux-ci. On constate une diminution de la conductivité au niveau des deux baquets passant d’une moyenne de 1392 ± 102,52 μS/cm de l’effluent de contrôle à des moyennes respectives de 619,66 ± 540,40μS/cm et 261,66 ± 32,71 μS/cm pour le baquet 1 et le baquet 2. La réduction de la conductivité s’explique par l’adsorption de certains ions sur le support granulaire et des prélèvements des plantes comme nutriments, De plus, El-Kheir et coll. [2007] ont signalé que les Lemnacées sont très efficaces pour éliminer les sels solubles, matières organiques, et la densité des coliformes. Les espèces de ce genre de plantes peuvent supporter une charge organique élevée ainsi que des concentrations élevées de micronutriments Hasan et Chakrabarti [2009].
Figure 7 : Régression de la température par le temps de séjour (baquet 1, baquet 2 et témoin) (R²=1,000) XLSTAT 2016 - ANCOVA -Intervalle de confiance 95 %

Le dosage des matières en suspension a été effectué par filtration sur filtre en fibres de verre [NF EN 872,2005]. Une réduction également significative (p < 0,05) a été remarquée pour les MES. Par contre, pour l’échantillon témoin, les MES et la conductivité présentent une légère diminution (figure 8).

Les rendements épuratoires moyens des MES sont respectivement de 89,8 et 97,8 % pour le baquet 1 et le baquet 2. Une différence significative (p < 0,05) a été notée entre les comportements des deux baquets. La matière en suspension est vraiment réduite grâce à une bonne décantation ; de 51 ± 9,84 mg/l pour l’eau baquet 1 à 10,66 ± 4,72 mg/L pour l’eau baquet 2 par rapport le témoin 258±53,70 mg/L.
La diminution de la valeur des MES dans les eaux traitées est vraisemblablement due au piégeage par la plante par le procédé de la filtration et de l’absorption par le système racinaire. N’oublions pas le rôle de substrat alluvionnaire qui favorise la sédimentation et la décantation, les racines et le gravier empêchent les mouvements horizontaux des MES. Ces mêmes constatations ont été faites par Mandi et coll. [1993].
La demande chimique et biologique en oxygène permet de suivre l’évolution de la pollution organique du milieu aquatique, des concentrations élevées de DCO peuvent affecter les réserves d’oxygène des cours d’eau. La détermination de la DCO est basée sur la méthode normalisée [NF T 90-101, 2001].
Les paramètres de pollution organique DBO5 et DCO ont montré des changements rigoureux lorsque l’effluent a été traité par les lentilles d’eau (figure 9). Dans les effluents du baquet 1, la DBO5 a été réduite de façon significative de 93,5 % par rapport au témoin dont le rendement été seulement de 18 % après 20 jours de temps de séjours hydrauliques. Lorsque l’effluent du baquet 2 a été retraité, le rendement de la DBO5 était de 95,7 % au bout de 20 jours de temps de rétention. La DCO de l’effluent du baquet 1 a également montré une réduction significative (p < 0,01). L'effluent du baquet 1 et du baquet 2 a mis en exergue une réduction respective de la DCO de 89,8 % et de 97,8 % par rapport au témoin 14 % (figure 3, tableau 2).

La réduction de la DBO5 a été signalée par Cardot [1999], qui note que l’activité des microorganismes épurateurs assure la dégradation et la transformation de la matière organique et permet donc l’élimination de la pollution organique. Aussi que le bon fonctionnement du substrat assure une décantation efficace favorisant ainsi la sédimentions des MES, responsables de l’élimination de la quasi-totalité de la DBO5.

Suivant Cossu et coll. [2001], la charge en demande chimique en oxygène DCO libérée par les lentilles se situe autour de 2 g/m2/jour et notent que les lentilles d’eau produisent une plus grande quantité d’oxygène dissous que la jacinthe d’eau. L’abattement de tous ces paramètres a une relation directe avec le phénomène de diffusion dans le milieu de l’oxygène via les racines, le mécanisme a été décrit par Moorhead et Reddy [1988], Reddy et coll. [1989] et Gerald [1993]. Les macrophytes libres flottants libèrent par leurs racines des quantités notables d’oxygène Jedicke et coll. [1989].
Figure 8 : Variation des MES et de la conductivité
(baquet 1, baquet 2 et témoin)

L’enlèvement des polluants du milieu aquatique peut se réaliser par l’action des racines ou par d’autres parties des plantes aquatiques [Kelly et al., 1999].

Concernant la pollution azotée, l’analyse a été effectuée selon la méthode normalisée [NF EN ISO 13395,1996]. Nos résultats montrent une concentration moyenne légèrement supérieure au niveau du baquet 1 19,78 ± 0,51 mg N-NO3/L, comparativement à celle de baquet 2 qui est de 23,48 ± 8,55 mg N-NO3/L (figure 10). Le test statistique des variables révèle une différence non significative à p > 0,05. La mauvaise nitrification est due aux conditions défavorables d’oxygénation, une couverture dense de lentilles d’eau sur la surface de l’eau inhibe à la fois de l’oxygène entrant dans l’eau par diffusion et la production photosynthétique d’oxygène par les phytoplanctons.
Les lentilles d’eau sont parmi les plantes les plus dynamiques au monde, doublant souvent leur biomasse dans des conditions optimales en 2 ou 3 jours [Vymazal, 2001]. L’eau devient en grande partie anoxique, qui à son tour favorise la dénitrification. Cependant, en raison de la nitrification limitée dans le système, le complexe nitrification/dénitrification n’est pas très efficace pour éliminer l’azote. La dénitrification se produit dans les zones beaucoup plus réduites dans la colonne d'eau, même si, par ailleurs, il y a une compétition entre la nitrification et l’élimination de la pollution carbonée dans l’utilisation de l’oxygène par les microorganismes [Molle et al., 2004]. La récolte de lentilles d’eau est essentielle pour maintenir le taux de croissance et l’absorption des nutriments.
L’ammonium a été dosé selon la méthode normalisée [NF T 90-015-2,2000]. Du point de vue statistique, nous avons noté une différence significative (p < 0,05) en termes de concentrations en ammonium relevées en sortie des pilotes. En effet, les rendements moyens relevés sont respectivement de 1,79±0,29 mg NH4/l et 1,13±0,77 mg NH4/l dans le baquet 1 et le baquet 2 contre des teneurs à l’entrée de 39,72±4,75 mg N-NH4/L. Cela dénote ainsi un bon abattement de ce paramètre (95,3 % et 97 % de rendements) qui se traduit par le niveau de nitrification observé, même si par ailleurs l’ammonium a des capacités de s’adsorber sur le massif de gravier en partie, la dégradation de l’azote ammoniacal est donc tributaire des conditions d’aération du pilote mais également de matériaux filtrant utilisés, selon Kantawanichkul et coll. [2009], la suppression de l’azote dépend de la granulométrie du matériau filtrant et de sa hauteur.
La présence de nitrites dans l’effluent témoin est en moyenne de l’ordre 3,81±1,1 mg NO2-/L. Cependant, nous avons relevé de faibles abattements en nitrites en sortie de pilotes avec une valeur moyenne de 12, 95±2,33 mg NO2-/L pour baquet 2. La nitrification de l’ammoniac a lieu dans la zone aérobie des racines de lentilles d’eau. Cependant, cette couche est très mince et donc peu de nitrification se produit dans le pilote à base de lentilles d’eau.
Figure 9 : Variation de la DBO5 et de la DCO au cours de traitement (baquet 1, baquet 2, témoin)

La concentration en phosphate moyenne [NF EN ISO 6878, 2005] montre une différence entre la sortie du baquet 1(3,33±1,70 mg/L) et l’effluent à la sortie du baquet 2(2,68±1,29 mg/L) ainsi que le témoin (9,51±0,53 mg/L). Les rendements sont de l’ordre 65,3 % et 72 % respectivement pour le baquet 1 et le baquet 2. Ces résultats sont en accord avec ceux de Martin et coll. [2012] et de Lekeufack et coll. [2017]. La concentration en phosphate en sortie du pilote de traitement est inférieure à la concentration à l’entrée, donnant des rendements d’élimination positive. Ceux-ci ont montré que les plantes ont alloué une partie de leurs métabolismes pour produire des feuilles nouvelles. La relation symbiotique entre les racines des plantes et le substrat fournit la surface de colmatage de la multiplication des bactéries et de la biodégradation de plusieurs phosphates [Rehman et al., 2017]. Selon Mancer, [2010], le phosphore est un constituant essentiel pour le développement des plantes, qui est assimilé sous forme d’orthophosphate au niveau de leurs racines.

En général, les nutriments tels que l’azote, le phosphore et les oligoéléments ont été assimilés par la plante. En effet, ce potentiel de prélèvement est limité par la productivité nette de la plante et la concentration des nutriments dans ses tissus. Selon Münch et coll. [2004], la présence des plantes a aussi un impact sur le processus de dégradation en ce sens que les racines sont le lieu privilégié de développement des bactéries.
Les paramètres microbiologiques
Le taux de décontamination est calculé à partir de la moyenne des nombres de bactéries par ml [NF EN ISO 9308-1 2000]
Les figures 12 et 13 montrent des variations remarquables dans le taux de réduction des abondances bactériennes, les valeurs maximales enregistrées au témoin avec une concentration moyenne de Coliformes Totaux 332 105 UFC/100 ml et 32 106UFC/100 ml pour les coliformes fécaux et une concentration de l’ordre 201 104 UFC/ ml pour les streptocoques fécaux. La réduction moyenne de coliformes totaux est de 93 % (baquet1) et 99 % (baquet 2) contre 43 % au niveau de témoin, pour les coliformes fécaux elle est de l’ordre de 96,99 % (baquet 1) et 99 % (baquet 2) par rapport 44 % (témoin). Le rendement varie entre 50 % (baquet1) et 99 % (baquet2) pour les streptocoques fécaux contre 34 % pour le témoin. L’élimination moyenne des bactéries fécales était plus élevée dans les lits végétalisés que dans le lit de contrôle/non végétalisé (figure 12). Ces abattements de la charge bactérienne peuvent être améliorés en augmentant le temps de séjour [Sauze, 1984].
Figure 10 : Variation des composés azotés et du phosphate
(baquet 1, baquet 2, témoin)

Les lentilles d’eau, par rapport à la jacinthe d’eau, jouent un rôle moins direct dans le processus de traitement, car elles ne disposent pas d’importants systèmes de racines et fournissent donc une plus petite surface pour la croissance microbienne attachée. Citons, par exemple, la réduction des coliformes totaux qui atteint des valeurs de 1,9 à 2,1 log [Thurston, 2001 ; GREEN et al., 1997]. L’élimination d’Escherichia Coli varie, quant à elle, de 0,7 à 1,9 log [Decamp, 2000] grâce à ce procédé.

L’élimination des micro-organismes se fait essentiellement par les processus de filtration et de prédation dans un système extensif d’épuration à macrophytes avec un lit de gravier GREEN et coll, [1997] ; THURSTON et coll, [2001]. Le support racinaire permet de pourvoir une surface sur laquelle les micro-organismes vont s’adsorber, tout en confinant des conditions écologiques propices au développement des prédateurs de ces micro-organismes.
Figure 11 : Régression de phosphate PO4 par le temps 
(baquet 1, baquet 2, témoin) (R²=1,000)

Mandi et coll, [1992] évoque des hypothèses sur les mécanismes d’action de la jacinthe d’eau dans la décontamination des eaux sous climat aride. Toutefois, ces hypothèses peuvent être extrapolées à l’espèce choisie et à notre région du fait que :

  • les lentilles d’eau empêchent les mouvements horizontaux qui aboutissent à l’accélération de la vitesse de sédimentation des particules en suspension dans l’eau et, par conséquent, les bactéries qui y sont éventuellement fixées ;
  • les potentiels de phytoremédiation de Lemna minor, l’élimination des bactéries fécales moyenne était plus élevée dans les lits de traitement (végétalisés) pour l’ensemble de bactéries fécales que dans le lit de contrôle non végétalisé. Ce qui signifie que la lentille d’eau serait capable de sécréter des substances chimiques qui pourraient avoir un effet bactériostatique ou bactéricide.

Sur le plan sanitaire, l’abattement de la charge bactérienne n’est pas négligeable, compte tenu du temps de séjour (7 jours) et de la présence de seulement deux bassins en série. Une amélioration du temps de séjour et un ou deux bassins supplémentaires donneraient probablement de meilleurs résultats.

Conclusion

Dans cette étude, nous avons montré que la réduction de la charge organique d’origine domestique, par une plante aquatique Lemna minor, était faisable et l’efficacité épuratoire est acceptable sous des conditions d’aridité.
Le constat majeur est que cette espèce figure parmi les organismes bio-moniteurs d’intérêt pour les écosystèmes aquatiques, La fonction principale de Lemna minor est la récupération des éléments nutritifs des eaux usées, c’est-à-dire qu’ils filtrent les composants nutritifs en suspension dans l’eau. Ainsi, elle capte et accumule également les contaminants présents en fonction de sa biomasse et de sa croissance, et des teneurs de ses tissus en nutriments.
Figure 12 : ACP de rendement des paramètres microbiologiques de l’ensemble du pilote expérimental
Type d’ACP : Pearson (n) Biplot de distance (axes F1 et F2 : 100,00 %)

Nous pouvons toutefois considérer que ce qui a été obtenu sur le plan du rendement de l’opération, indique une très bonne performance de traitement, ce système représente une alternative durable pour les stations d’épuration en Algérie, en particulier dans les régions où le traitement des eaux usées de pointe ne peut pas être appliqué, pour des raisons économiques ou d’’infrastructures.

Nos résultats sur l’élimination de la pollution organique par un macrophyte flottant, nous ont permis de tirer des constats qui sont en accord avec les résultats de d’Oueslati et coll. [1998], et de démontrer que les meilleures conditions de travail pour L. minor correspondent aux faibles densités. Le temps limite de l’opération d’élimination de la pollution obéit quant à lui à une valeur de densité optimale à chercher, au-delà de laquelle ne fait qu’améliorer la vitesse instantanée de l’élimination sans avoir d’effet sur le rendement global de traitement.
Figure 13 : L’efficacité d’élimination des charges fécales au niveau du pilote expérimental

Des protocoles de suivi expérimentaux sont associés à cette étude afin de compléter les expériences étudiées et en vue de tester le pouvoir épuratoire des autres plantes endémiques de la région étudiée.

Toutefois, une estimation des coûts d’une telle exploitation doit être faite pour s’assurer que les futurs exploitants pourront poursuivre un tel projet avec succès. Le taux de satisfaction doit être associé à ces coûts. Cette démarche permettra de préserver l’environnement tout en exploitant les ressources disponibles. [Bodo et al., 2006].
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier le Directeur Général de l’ONA de la wilaya de NAAMA ainsi le chef de station de Mécheria et les ingénieurs du laboratoire. 





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