Lors des travaux de terrassement et de construction, l’eau constitue généralement une gêne, voire un obstacle contre lequel il est difficile de lutter. L’eau s’écoule à la surface du sol (l’eau est alors l’objet d’étude de l’hydrologie) et à l’intérieur du sol (elle est l’objet d’étude de l’hydrogéologie). Dans cet article, Christian Archambault et Francis Bardot s’intéressent exclusivement à l’hydrogéologie, en retraçant d’abord le cycle naturel de l’eau. Ils décrivent ainsi cette eau en circulation permanente, depuis des milliards d’années, entre ciel et terre. Puis, les deux auteurs nous présentent grâce à un bref rappel historique l’hydrogéologie française, une science qui s’est développée, dans son acception moderne, à la fin du siècle dernier en même temps que l’essor de la gestion des ressources d’eau (réalimentation des nappes, bassin versant...). Enfin, Christian Archambault et Francis Bardot exposent les lois d’écoulement de l’eau dans le sol, en s’intéressant notamment aux mesures de la perméabilité ou aux propriétés des sols vis-à-vis de l’eau.
« L’eau coule de ville en ville, les bateaux la labourent, elle rend la terre fertile et, sous le soleil brûlant, tu te jettes dans ses bras et elle apaise ta soif. Elle sait aussi tuer avec une sûreté infaillible. Insaisissable et changeante, l’eau est à l’image de la vie : elle est cruelle comme elle et enchanteresse comme elle ».
Préambule
La question peut paraître paradoxale dans les temps actuels où l’eau est plus que jamais une ressource précieuse, si présente
et si rare à la fois.
Dans le premier cas, l’eau est recherchée et captée. Mais, dans les chantiers du bâtiment et des travaux publics, elle constitue le plus souvent une gêne, voire un obstacle très difficile à combattre, pour mener à bien les travaux de terrassement et de construction puis assurer la protection de l’ouvrage terminé. Dans ce second cas, l’objectif est de capter l’eau pour l’évacuer des chantiers.
Dans ces deux situations, toutefois, l’eau obéit aux mêmes lois d’écoulement : à la surface du sol, objet de l’hydrologie, et à l’intérieur du sol, objet de l’hydrogéologie (appelée autrefois hydraulique souterraine).
Puis, l’eau, lorsqu’elle circule dans des tuyaux ou autres ouvrages à ciel ouvert, devient l’objet de l’hydraulique.
Ici, nous n’évoquerons que l’hydrogéologie.
L’eau à la surface de la Terre - Le cycle de l’eau
Entre terre et ciel, la même eau est en circulation permanente depuis qu'elle est apparue il y a 3 à 4 milliards d’années, elle serait presque aussi ancienne que la Terre.
Depuis, son volume est resté globalement stable. C’est toujours la même eau qui circule et se transforme en permanence dans l’atmosphère, à la surface et dans le sous-sol de notre Terre.
L’eau sur la planète est ainsi répartie :
- 97,2 % de l’eau se trouve sous forme salée dans les mers et océans ;
- 2,8 % est de l’eau douce (3/4 de l’eau douce l’est sous forme de glace soit 2,1 % de l’eau de la Terre, 1/4 de l’eau douce est liquide soit 0,7 % de l’eau de la Terre).
L’eau recouvre 72 % de la surface du globe.
Elle est un des éléments fondamentaux de notre planète. Liquide, solide ou gazeuse, elle est présente partout autour de nous sous des formes très variées :
- les océans et les mers ;
- les fleuves et les rivières qui s’enrichissent des eaux de pluie venant ruisseler sur la Terre ;
- les lacs et les plans d’eau, étendues d’eau douce immobiles ;
- les nuages ;
- les glaciers et la neige ;
- les zones humides, comme les tourbières, les marécages et les landes humides ;
- les eaux souterraines qui sont alimentées par les infiltrations d’eau de pluie et d’eau des rivières ;
- la vapeur d’eau présente en permanence dans l’atmosphère.
Cycle naturel de l’eau
Sous l’action du soleil, une partie de l’eau de mer s’évapore puis se condense pour former des nuages. Avec les vents, ces nuages arrivent au-dessus des continents. Lorsqu’il pleut, qu’il neige ou qu’il grêle sur ces continents, une partie de l’eau de ces précipitations repart plus ou moins rapidement dans l’atmosphère, soit en s’évaporant directement, soit du fait de la transpiration des végétaux (évapotranspiration).
Une autre partie ruisselle sur le sol, et rejoint les rivières et les fleuves puis la mer.
Quant au reste, il s’infiltre dans le sol et il rejoint en partie les nappes.
Celles-ci sont en mouvement, extrêmement lent, et l’eau qu’elles véhiculent finira aussi par retourner à la mer, à beaucoup plus longue, voire très longue échéance. En effet, ces nappes alimentent les cours d’eau ou directement la mer lorsque les nappes ont la mer comme exutoire final.
C‘est ce mouvement perpétuel de l’eau sous tous ses états que l’on appelle le «?cycle de l’eau?» dans la nature. Les activités humaines peuvent parfois perturber ce cycle et provoquer ou amplifier des phénomènes de pénuries ou d’inondation.
L’hydrogéologie s’intéresse à ces eaux souterraines, aux eaux de ces nappes qui constituent donc une très faible partie de l’eau présente sur la Terre.
Les nappes profondes, qui sont plus ou moins « piégées », ne sont généralement guère réalimentées, et elles sont alors constituées d’eaux non renouvelées et souvent salées.
Dans les nappes peu profondes et plus « vivantes », les eaux se renouvellent et elles sont généralement douces.
Les masses d’eaux souterraines salées et douces sont équivalentes en volume sur la surface de la terre.
Histoire de l’hydrogéologie française
Les problèmes de l’eau dans le sol remontent à un passé lointain (Antiquité). Au XVIème siècle parmi des précurseurs figure Bernard Palissy. Au XVIIIème siècle se développent les idées sur la rivière souterraine et les sources. Le XIXème siècle est celui des fondements de l’hydrogéologie, le terme lui-même ayant été créé par J.-B. Lamarck en 1802. C’est d’abord le siècle des ingénieurs et notamment de Henry Darcy qui expose sa fameuse loi en 1856 dans un ouvrage consacré aux fontaines publiques de Dijon.
Ensuite, ce sont des géologues qui introduisent le concept de surface piézométrique (J. Gosselet, A. Daubrée, A. de Lapparent) et initient la cartographie hydrogéologique.
Ce siècle est aussi celui du développement des puits artésiens, du passage du captage des sources aux forages profonds et, pour citer un exemple marquant, celui des grands travaux d’alimentation en eau de Paris.
Au XXème siècle, la période qui précède la Deuxième Guerre mondiale est marquée par de nouvelles avancées en hydraulique souterraine (tarissement des sources, essais de pompage, traçages et géochimie) et par le développement des investigations hydrogéologiques (inventaires et cartographies) en France, mais aussi dans divers pays d’Afrique.
C’est aussi la période d’émergence de la protection des captages et des aquifères et de la réglementation associée. Cette prise de conscience des enjeux liés à l’eau se renforce après-guerre et jusqu’aux années 60 avec notamment le développement des réseaux de contrôle piézométrique, puis de la télétransmission.
La fin du siècle est marquée par le développement de l’hydrogéologie moderne et de la gestion des ressources en eau : concept de bassin-versant, cartographie des eaux souterraines, réalimentation des nappes, modèles mathématiques de simulation, outils d’aide à la prévision des ressources, développement de l’hydrogéochimie et des problématiques de qualité des eaux. C’est aussi la période où l’hydrogéologie élargit fortement son domaine d’action en intervenant dans les eaux thermales et minérales, la géothermie, le stockage souterrain, les divers types de déchets, les sites et sols pollués, l’exploitation minière et l’après-mine.
Parallèlement, se mettent en place de grandes réglementations (lois de 1964 et 1992) qui se poursuivront au début du XXIème siècle avec notamment la Directive-cadre européenne sur l’eau de 2000. C’est aussi la période de développement des « hydrogéologues agréés », une spécificité française, qui prennent la suite des « géologues officiels ».
Le début du XXIème siècle est marqué par le développement de la pluridisciplinarité dans l’approche hydrogéologique, pluridisciplinarité amorcée dès les années 80 et dans une prise en compte plus prononcée concernant les changements globaux, notamment le réchauffement climatique.
Les lois d’écoulement de l’eau dans le sol
Propriétés des sols vis-à-vis de l’eau
Définitions générales
Dans les études géologiques et géotechniques, il est d’usage de désigner par le vocable « sol » tous les matériaux existant à la surface de l’écorce terrestre, qu’il s’agisse de roches ou de matériaux meubles, comme les sables, ou cohérents, comme les argiles ou les tourbes.
Les roches sont compactes, dures et résistantes et ne peuvent être réduites en morceaux qu’à la suite de très grands efforts mécaniques.
Au contraire, les sols, cohérents ou pulvérulents, sont des matériaux susceptibles d’être soit séparés en grains, soit déformés à la main ou par la mise en œuvre d’une énergie mécanique relativement faible.
Les roches en place sont des associations de minéraux plus ou moins stables. Au cours des âges, les moins stables ont subi une altération physique ou chimique et se sont transformées en une masse de petites particules friables.
Les agrégats qui en résultent peuvent rester sur place et constituer des « sols résiduels » ou être « transportés » par l’eau ou le vent et constituer des sédiments ou alluvions.
Caractéristiques physiques des sols
Porosité
Un sol en place est constitué de grains solides baignant dans de l’eau, de l’air ou un ensemble de ces deux fluides. C’est donc dans le cas le plus général un complexe de trois phases : solide, liquide et gaz.
La porosité n est le rapport du volume des vides (eau et air) au volume total du sol.
Catégories de sol
On en distingue deux dont les comportements sont différents et typés, à la fois d’un point de vue mécanique et hydrogéologique?:
- les sols pulvérulents : diamètre du grain > 20 m,
- les argiles : diamètre du grain Les limons ont un comportement intermédiaire.
Les sols pulvérulents
Le sol est constitué par un empilement de grains solides entre lesquels seuls des efforts de frottement s’exercent et qui peuvent se détacher les uns des autres sous leur poids ; le sol s’écoule dans la main.
Ils peuvent contenir une quantité d’eau plus ou moins importante dans les interstices.
Les argiles : sols cohérents
Les grains sont collés les uns aux autres et le sol se met en motte lorsqu’il est trituré.
Les problèmes sont beaucoup plus complexes et l’étude de leur structure s’effectue au microscope électronique ainsi que par analyse aux rayons X.
Pour simplifier, les grains d’argiles, de très petites dimensions (< 2 m), ont une forme de plaquettes empilées en feuillets.
Ils sont composés de silicates d’alumine hydratés associés à un ou plusieurs cations Ca, Na, Mg, K, Fe qui tapissent la surface des grains et leur confèrent des propriétés différentes.
De plus, les feuillets et donc les grains ne sont pas électriquement neutres, ils sont chargés négativement et vont attirer l’eau alors polarisée H+, OH-.
Plus l’on s’éloigne de la surface des grains et plus l’attraction entre l’eau de contact et le grain est faible. On obtient les états suivants :
- pellicule d’eau dite adsorbée autour du grain solide et liée à celui-ci,
- au-delà du grain solide, eau libre qui peut circuler.
L’épaisseur de la couche adsorbée étant à peu près constante, la proportion relative de l’eau en fonction de la surface spécifique de type d’argile considéré a des répercussions sur les propriétés du sol :
- si la teneur en eau est faible, les grains sont très resserrés avec des liaisons internes : l’argile a un comportement solide.
- si l’on augmente fortement la teneur en eau, les liaisons s’atténuent de plus en plus et l’argile finit par se transformer en boue : l’argile a un comportement liquide.
Entre ces deux états extrêmes, l’argile est malléable (« pâte à modeler ») : elle a un comportement plastique.
Ainsi, la teneur en eau d’une argile va conditionner son comportement mécanique. Les conséquences pratiques sont évoquées plus loin dans le présent article.
L’eau dans le sol
L’eau contenue au sein d’une masse de sol comporte l’eau liée ou adsorbée et l’eau interstitielle qui occupe les vides entre les grains.
L’eau interstitielle se présente sous forme d’eau libre lorsque le sol est saturé et baigne dans une nappe phréatique. Comme on va le voir, cette eau est soumise aux lois des écoulements hydrauliques.
Mais l’eau interstitielle peut aussi exister sous forme d’eau capillaire au-dessus de la nappe.
La pression interstitielle est la pression existant dans l’eau interstitielle en un point quelconque du massif de sol.
L’écoulement de l’eau dans le sol
Loi de Darcy
C’est l’ingénieur français Henry Darcy qui a mis en évidence cette loi en 1854-1856, à partir d’expériences sur une fontaine à Dijon.
La perméabilité est une propriété dynamique qui correspond à la capacité que possède un milieu poreux de se laisser traverser plus ou moins facilement par des fluides.
Cette propriété est représentée par le coefficient K.
Dans le cas d’expérience simple, on peut constater que l’eau traverse très rapidement un gravier, alors qu’elle met un temps plus long pour traverser un sable.
Choisissons le cas du dispositif schématisé en figure 2. Entre deux vases communicants A et B, nous plaçons sur une longueur L un matériau poreux et perméable (sable par exemple) dans un tube de section S. On conçoit a priori que la rapidité avec laquelle l’eau circule entre A et B dépend de la pression qui la pousse (hauteur h) et de la longueur L qui la freine.
Q représente le débit
V la vitesse de l’eau (vitesse apparente)
La loi de Darcy, qui régit les écoulements en milieu poreux (régime laminaire), permet d’écrire :
Q = K x S x h/L
or Q = S x V
d’où V = K x h/L
Le quotient h/L est appelé gradient hydraulique représenté par la lettre i.
On écrit donc maintenant ce résultat fondamental sous la forme V = K.i
Mesures de la perméabilité
La perméabilité peut être déterminée de différentes façons.
1°) Mesures en laboratoire :
perméamètre à charge variable, perméamètre à charge constante (voir figure 3) ;
2°) Mesures in situ :
- essais ponctuels Lefranc, moulinet, Lugeon
- ou essais de pompage, basés sur la formule de Dupuit.
Les essais in situ, essai Lefranc ou de perméabilité, essai Lugeon et essai sur puits filtrant permettent de mesurer la perméabilité des matériaux boulants comme les sables et les graves, ou fragiles comme les roches fissurées, que l’on ne peut pas échantillonner correctement. On réalise un essai Lefranc à l’avancement en fond de forage en cours d’exécution, dans des matériaux boulants, aquifères, à la pression atmosphérique.
Pour cela, on crée sous le sabot du tubage une lanterne plus ou moins haute selon la stabilité du matériau, et selon le niveau piézométrique naturel, on pompe ou on injecte de l’eau à débits et niveaux constants progressifs. On peut réaliser des essais analogues dans des matériaux secs, par injection, mais les résultats de ce type d’essai ne sont pas très précis, car il faudrait saturer un assez grand volume de matériau autour du point d’essai, pour qu’un régime permanent s’établisse.
Pour réaliser un essai Lugeon dans des roches fissurées peu perméables, on injecte de l’eau à pressions et débits constants croissants puis décroissants, dans un segment de forage non tubé, isolé par un obturateur simple ou double.
Les essais Lefranc et Lugeon sont ponctuels ; par ces seuls procédés, même en les multipliant dans un site donné, il est difficile d’estimer globalement la perméabilité moyenne du matériau aquifère contenant une nappe ou même d’un de ses secteurs peu étendu.
On y parvient en réalisant un essai de pompage à débits et niveaux constants croissants, par paliers si possible stabilisés, sur un forage ou un puits d’essai entouré de piézomètres, si possible répartis régulièrement sur l’ensemble du secteur étudié ; on provoque ainsi un rabattement de nappe. On applique la formule de Dupuit aux différences de niveaux mesurées sur tous les couples puits/piézomètre et piézomètre/piézomètre dont on dispose, pour calculer la perméabilité moyenne du matériau K (figure 4) à partir du débit pompé.
Le tableau ci-contre fournit un ordre de grandeur du coefficient de perméabilité k en fonction du type de sol.
Écoulements souterrains
Nappes souterraines
Une nappe existe lorsqu’il y a une saturation des sols en eau (c’est-à-dire avec une pression interstitielle positive). L’eau est libre et circule plus ou moins vite dans les nappes, en fonction du gradient hydraulique et de la perméabilité du sol percolé.
Voici quelques définitions usuelles en hydrogéologie :
- Terrain aquifère (ou simplement aquifère) : l’eau y circule et des débits importants peuvent être obtenus en raison de sa perméabilité élevée. Cette perméabilité peut être de deux types (perméabilité d’interstices, comme pour le sable, ou perméabilité de fissures au sein d’une roche fracturée).
- Niveau piézométrique : le niveau d’eau mesuré dans un forage ou dans un puits, à un instant donné.
- Surface piézométrique : surface supérieure d’équilibre (ou toit) d’une nappe aquifère.
- Nappe libre ou phréatique : la pression interstitielle de l’eau au niveau de sa surface supérieure est égale à la pression atmosphérique.
- Nappe captive ou en charge : nappe siégeant au sein d’un terrain perméable compris entre deux couches peu perméables voire quasi-imperméables et pour laquelle la pression de l’eau au toit de la couche aquifère est supérieure à la pression atmosphérique. La surface piézométrique se situe donc au-dessus de celle matérialisant le toit de la couche aquifère.
Lorsque le niveau piézométrique d’une nappe captive se situe au-dessus de la surface du sol, l’eau jaillit au-dessus du sol, et la nappe est dite artésienne.
Réseau d’écoulement
L’eau dans une nappe est presque toujours en mouvement, généralement très lent mais bien réel.
L’intensité de l’écoulement de l’eau dans une nappe est fonction de la charge hydraulique (naturelle ou artificielle), de la géométrie des couches traversées et de leur perméabilité. Elle se calcule en appliquant la loi de Darcy.
La modélisation de l’écoulement qui se produit dans un massif de sol est effectuée en prenant en compte ces paramètres.
Auparavant, on appliquait des méthodes graphiques manuelles, en recourant à l’analyse électrique (simulation par circulation d’un courant électrique sur plaque conductrice représentant le sol) ou en effectuant des calculs analytiques qui devenaient rapidement fastidieux.
Aujourd’hui, des logiciels de calcul informatique en 2D ou 3D, permettent d’aboutir rapidement à des résultats en faisant varier les différents paramètres.
Un réseau d’écoulement, tel que celui représenté sur la figure 6 est composé de deux familles de courbes : les lignes de courant d’eau et les équipotentielles qui sont orthogonales (dans le cas d’un sol homogène et de même perméabilité horizontale et verticale).
Les lignes de courant représentent le trajet de l’eau (à la tortuosité près), le vecteur vitesse est tangent en chaque point à la ligne de courant.
La connaissance du réseau d’écoulement permet de calculer deux paramètres importants en pratique :
• le débit à travers le massif du sol concerné par l’écoulement (débit d’exhaure dans une fouille avec rabattement de nappe par exemple) ;
• la pression interstitielle en tout point, c’est-à-dire la surface piézométrique de la nappe.
Cette pression interstitielle est fondamentale dans tout problème hydrogéologique puisque c’est elle qui va déterminer le comportement mécanique du sol soumis à l’écoulement.
En effet, un grain solide du sol constitue un obstacle à l’écoulement et subit de ce fait une poussée appelée force d’écoulement, proportionnelle au volume concerné (comme la pesanteur), dirigée dans le sens de l’écoulement et d’intensité par unité de volume égale à (sous forme vectorielle).
Un cas particulièrement important et dangereux dans la pratique réside dans une fouille dans laquelle un rabattement de nappe est opéré pour la rendre sèche et accessible.
On obtient un réseau d’écoulement tel que celui présenté ci-dessous (figure 7) :
À proximité de l’écran de soutènement en fond de fouille, les lignes de courant sont quasi-verticales et l’écoulement est ascendant. La force d’écoulement s’oppose donc au poids d’un élément de sol .
Si le sol a tendance à se soulever, de proche en proche, il y a entraînement des grains aboutissant à une sorte de galerie ou terrier.
C’est le phénomène de renard ou boulance.
Si l’on retient en première approche le renard se produit si gradient critique. On calcule donc ce gradient, c’est la condition de renard.
Essais de pompage ou essais de puits
Diverses lois et formules d’hydraulique souterraine permettent de préciser l’environnement hydrodynamique d’une nappe et/ou d’un ouvrage de captage : Darcy, Dupuit, Jacob, Theis, etc... dont l’emploi judicieux nécessite de bonnes connaissances à la fois pratiques (de terrain) et théoriques.
Les essais de pompage sur des ouvrages d’essai ou définitifs (forages et puits) permettent de définir les caractéristiques propres à chaque ouvrage de captage, leur influence de l’un sur les autres (dans un champ de captage par exemple), et de déterminer aussi les caractéristiques hydrodynamiques essentielles des nappes au droit de ces ouvrages.
À partir de ces essais de pompage (ou essais de nappe) on calcule donc :
- • la transmissivité de la nappe (définie plus loin), la perméabilité et la porosité des terrains aquifères au droit de l’ouvrage testé et dans son environnement immédiat (avec l’aide des piézomètres), ainsi que la nature et l’origine de l’alimentation de la nappe, depuis l’amont de la nappe, ou par la rivière voisine, ou encore depuis un autre aquifère voisin (par drainance), etc...
- • le débit spécifique et le débit d’exploitation de l’ouvrage testé, son influence sur la nappe et sur les ouvrages voisins, en définissant l’étendue du cône de rabattement et le rayon d’influence correspondant.
Les essais de pompage sont essentiels dans l’approche hydrodynamique des nappes d’eau. Ils permettent en effet de chiffrer les données fournies par les hydrogéologues et de gérer l’exploitation des ressources en eau souterraine.
Les paramètres hydrodynamiques caractérisant les nappes ainsi obtenus sont ensuite traités à l’aide de modèles mathématiques… encore faut-il que les données utilisées soient fiables et représentatives, ce qui est la difficulté majeure pour représenter des milieux (aquifères) non homogènes par nature.
Débit d’une nappe alluviale
Ainsi, grâce aux données acquises lors de ces pompages sur des ouvrages de captage ou de reconnaissance et d’essai, on peut déterminer le débit d’eau véhiculé par une nappe sur un site donné.
Par exemple, pour une nappe alluviale, on peut calculer le débit d’eau qui s’écoule à travers une section donnée, le long du lit d’un fleuve (c’est la nappe d’accompagnement ou « underflow »). À titre d’exemple, on peut calculer le débit de la nappe alluviale qui accompagne le Rhône, à un endroit donné de son cours.
Ainsi, en prenant les hypothèses suivantes :
• perméabilité moyenne de ces alluvions : K = 3.10-3 m/s
• largeur de la section des alluvions « mouillées » entre les deux rives : L = 2.000 m
• hauteur de ces alluvions mouillées depuis la base des alluvions jusqu’à la surface de la nappe : H = 20 m
• pente de la surface de la nappe i (gradient hydraulique) : i = 1/1.000 = 10-3
le débit Q de la nappe au droit de cette section donnée serait alors, d’après Darcy :
Une telle approche du débit d’une nappe permet d’estimer les ressources locales d’un aquifère en vue de son exploitation.
À noter que le produit K.H est égal à la transmissivité T dont la valeur caractérise la capacité d’une nappe à véhiculer l’eau vers l’aval. Ici on a T = 3.10-3 x 20 = 6.10-2 m²/s, ce qui représente une forte transmissivité.
Sur ce même site donné ici en exemple théorique, on peut également apprécier la vitesse réelle de l’eau à travers les alluvions.
Ainsi, en supposant une porosité n de 10 %, et une pente de la nappe de 1/1.000, la vitesse réelle de l’eau est égale à :
V = K.i /n = 3.10-3 x 10-3 /10-1 = 3.10-5 m/s soit 2,6 m/jour.
On peut rapprocher ces valeurs du débit de la nappe (près de 500 m3/h) et de la vitesse de l’eau (environ 3?m/jour) dans cette nappe, de celles de l’eau du fleuve dont le débit pourrait être de l’ordre de 1,500 m3/s, soit 10.000 fois plus forte que celui de la nappe ; et dont la vitesse de l’eau pourrait être de l’ordre de 1 à 3 m/s, soit plus de 100.000 fois supérieure à celle de l’eau dans la nappe.
Le débit d’une nappe alluviale d’un cours d’eau est très faible en comparaison du flux du cours d’eau en surface. La vitesse de l’eau souterraine est toujours extrêmement faible (sauf en régime karstique dans les calcaires).
Le long d’un cours d’eau, eaux de surface et eaux souterraines sont presque toujours en communication, et les échanges sont permanents.
Les rivières alimentent les nappes durant les périodes de crue, et les nappes alimentent les rivières durant les étiages.
(Dans la deuxième partie de cet article, les deux auteurs présenteront les techniques de captage de l’eau,
puis dans une troisième partie, les sinistres ou dysfonctionnements liés à l’hydrogéologie).
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