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La station d’épuration de Monpazier, dix ans déjà

30 novembre 2017 Paru dans le N°406 à la page 88 ( mots)
Rédigé par : André PAULUS

La commune de Monpazier en Dordogne (526 habitants) est sommée depuis 2008 de rénover sa station d’épuration. Retour sur une procédure qui mobilise les services depuis bientôt dix ans… sans résultat à ce jour.

Petit détour, en cette fin d’été, par la bastide de Monpazier, 526 habitants, « Plus beau village de France », inscrite à l’inventaire des Monuments historiques, objet d’une des douze Histoires d’eau publiées2 en 2016 par votre serviteur.

2 Histoires d’eau, le versant vert de l’eau française, Editions Johanet, 2016

Une offre, à un prix inabordable

Zonée presque entièrement en assainissement collectif, la commune est équipée depuis 1975 d’un réseau de collecte et d’une station d’épuration par boues activées en aération prolongée (33 ans de service au début de l’histoire, 42 aujourd’hui, 50 peut-être à l’aboutissement du dossier) dont le rejet dans le Dropt (3 l/sec en moyenne journalière pour un étiage de 7 l/sec) ne répond plus aux réglementations nationales et européennes. D’où la réception en mairie en décembre 2008, six mois après l’entrée en fonction d’une équipe municipale entièrement renouvelée, d’un courrier de la Direction départementale des territoires-DDT rappelant la non-conformité de la station d’épuration et exigeant sa rénovation pour fin 2011. Démarche administrative normale suivie non moins normalement, trois mois avant l’échéance, d’un arrêté de mise en demeure rappelant l’urgence de l’opération et, pour commencer par le commencement, du dépôt d’un Dossier Loi sur l’Eau-DLE présentant les propositions techniques de la commune.
Grand site national, pas moins de 32 monuments classés Monuments Historiques, considéré comme la bastide modèle parmi les 300 bastides du Grand Sud-Ouest… On ne compte plus les distinctions accordées à Monpazier dans le Périgord.

Or la commune n’est pas restée inactive. Elle a lancé une étude-diagnostic du système d’assainissement (deux ans entre la consultation et le rapport final), choisi un maître d’œuvre, commandé les études topographiques et géotechniques, reçu et approuvé le projet du maître d’œuvre, autorisé le lancement de l’appel d’offres… et reçu une seule offre, à un prix qui, après déduction des subventions naturellement, porte la facture d’eau à un niveau incompatible avec les revenus des abonnés du réseau, qui sont aussi les électeurs de M. le maire, qui refuse assez logiquement de signer le marché de réalisation monté par le maître d’œuvre, se renseigne sur une alternative extensive et fait connaître, et justifie sa préférence pour une filière exploitant le procédé désormais connu (plus de dix ans de suivi IRSTEA sur plusieurs centaines de stations), répandu (plus de deux mille stations publiques en 2010) et fiable (performances presque toujours supérieures aux obligations) du filtre planté de roseaux.

Intensif contre extensif

Or l’administration signifie son refus de ce procédé et le confirme au cours et à l’issue d’une réunion solennelle tenue dans les locaux de la DDT le 13 mai 2013, avec quelques concessions de principe : la capacité de traitement est ramenée de 1.930 à 1.600 Eh et le traitement des graisses, prévu initialement à la station (par un flottateur chiffré à 0,4 M€), peut être assuré par l’usager, en particulier par les restaurateurs, très nombreux dans cette commune touristique.
Le scénario imposé est appuyé dans les mois suivants par des courriers de la DDT le 28 juin et le 14 octobre, une réunion en sous-préfecture le 4 novembre, des réunions en préfecture le 22 novembre et le 16 décembre 2013, un courrier du préfet à la commune le 16 janvier 2014. Soit trois courriers et trois réunions avant la trêve des élections municipales de mars 2014, remportées à Monpazier par l’équipe sortante.
Au cœur du Pays des Bastides, la Bastide de Monpazier, créée en 1284, a conservé presque intacts son aspect et ses dimensions d’origine.

Reprenant le flambeau au lendemain de l’élection, l’équipe municipale constitue une commission assainissement (que l’opposition investit en masse), élabore et vote (majorité contre opposition) une annexe au règlement d’assainissement régissant les métiers de bouche et leur obligation de dégraisser leurs eaux avant rejet dans le réseau, établit des conventions de raccordement avec les usagers non domestiques, encadre la commande et l’installation de leurs bacs-à-graisses, lance l’étude hydrogéologique demandée par la DDT et l’acquisition foncière nécessaire au projet de rénovation de la station, négocie avec l’Architecte des Bâtiments de France-ABF l’extension de la station dans le périmètre protégé des Monuments historiques, désigne un maître d’œuvre pour les travaux de rénovation du réseau de collecte, relève et dénonce des manquements de l’exploitant du système d’assainissement, vote une nouvelle augmentation du prix de l’eau (la troisième et + 60 % en trois ans). Etc.

Six offres, dont deux en filière extensive

Au terme de ces actions, la commune dépose en octobre 2014, moins de six mois après la mise en place du nouveau conseil municipal, un nouveau dossier Loi sur l’eau-DLE et lance en décembre 2014 un nouvel appel d’offres dans un contexte réglementaire complété, par rapport à celui de 2012, par l’obligation faite au maître d’ouvrage de prendre en considération la ou les variante(s) technique(s) proposée(s) par les candidats. Cette consultation génère, deux ans après la première, non plus une mais six propositions, toutes de constructeurs de premier plan : deux en filière extensive, quatre en filière intensive. Un mois plus tard, le 23 avril, le maître d’œuvre présente à la commission assainissement une analyse et un classement des offres (appliquant la grille du Règlement de la consultation-RC) qui met les deux propositions extensives en tête du classement, talonnées par l’offre intensive d’un constructeur local. Suivent les auditions des candidats les mieux placés les 9 et 19 juin, une réunion de la commission assainissement le 3 juillet, enfin un conseil municipal qui le 15 juillet, dans une atmosphère de guerre civile, valide le choix de l’entreprise lauréate à sept voix contre sept, celle du maire faisant la différence en ce cas selon la réglementation nationale.
Vue aérienne de la bastide et de ses environs. On distingue en haut à droite la toiture modulaire des lits de séchage de la station d’épuration.

Est-ce la fin de la procédure ? Va-t-on passer à l’action et construire enfin cette station qui divise par deux les coûts d’exploitation et la facture énergétique (par rapport à la filière boues activées), dont le constructeur garantit la performance sur dix ans ! validée officiellement par le Satese, par l’IRSTEA et par le ministère de l’Écologie suite à une réunion à Paris en présence de M. le maire, M. le président du Conseil départemental et M. le représentant de la DDT ? Eh bien non ! Car la DDT renâcle. Car la préfecture, invoquant un an plus tard une « irrégularité de procédure », exige de dénoncer le lauréat enfin retenu (dédommagement à charge de la commune) et de relancer l’appel d’offres.

On en est là

Entretemps, le Dropt a continué de recevoir le rejet chaque année un peu plus volumineux et un peu moins conforme de la vieille station. Entretemps nous sommes en 2017 et les parties se sont entendues en février dans les locaux de la sous-préfecture à Bergerac (98 km aller-retour entre Bergerac et Monpazier, 138 km entre Bergerac et Périgueux) pour retirer le dossier à la commune qui le gère avec compétence depuis bientôt dix ans, le confier à la toute nouvelle Communauté de communes (46 communes, 20.000 habitants et pas de service assainissement), annuler l’appel d’offres de 2015 et le relancer sur une solution de base en technique extensive que les candidats pourront contourner en proposant une variante intensive. entre-temps le maire et ses adjoints ont mené à bien leurs autres projets (la création et l’animation d’un musée de la Bastide, l’ouverture d’une maison de retraite, l’organisation d’un marché aux cèpes qui draine la moitié de l’Aquitaine, etc. etc.) et surmonté un par un les cent obstacles qui s’abattent chaque matin sur le chemin d’une petite commune. Entretemps, on en est là : le maître d’œuvre (inchangé depuis 2008) a sur son bureau deux offres en filière extensive… et une variante en boues activées qui dérogerait aux engagements de la préfecture et imposerait une nouvelle augmentation du prix de l’eau (s’ajoutant à trois augmentations et une grimpette de 60 % en trois ans) dans une commune frappée durement par la récession économique (60 % de foyers non imposables).
La station d’épuration de 1975, et actuelle Bassin d’aération au centre, clarificateur à gauche, lits de séchage à l’arrière-plan

Dix ans déjà

Bilan depuis 2008 : dix ans de circulation automobile (donc de destruction de la couche d’ozone, de consommation d’énergies et de matières premières non renouvelables, de temps et de risque de parcours, etc. etc.) entre Monpazier et Périgueux (170 km aller-retour), de réunions à dix participants, de mobilisation de cadres et de techniciens à la préfecture, à la DDT, à l’agence de l’eau et au conseil général. Pour une station de 1 600 habitants (0.4 % de la population départementale, 0.002 % de la population nationale), et un coût de réalisation inférieur à 1.5 million d’euros.
À qui la faute ? Au maire ? À la DDT ? À la préfecture ? À l’enfermement sur des positions dogmatiques, la sclérose administrative, la complexité des systèmes de décision, l’affrontement entre les intérêts de l’intensif et de l’extensif ? Allez savoir ! Ce qu’on peut savoir c’est que, tandis que les services concernés s’agitent, la station boues activées de Monpazier continue de polluer le Dropt et de s’afficher sur la carte nationale des stations non conformes.







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