Le parc du Domaine de VaudryFontaine, longeant la rivière Scarpe, bien que modeste, est surnommé «le Versailles de SaintLaurent-Blangy». Il est en effet le seul site du genre à être classé dans les Hauts-de-France «site pittoresque». Ainsi, à quelques pas de la base nautique adossée à la Scarpe canalisée et des parcs verdoyants et bucoliques d’Immercourt et de la Brayelle sur l’autre rive, le Domaine de Vaudry-Fontaine est un havre de paix en limite du centre bourg, aux portes d’Arras.
La transformation de ce site arrageois
s’est appuyée sur la redécouverte des
éléments qui ont fait le caractère et
la grandeur de ce domaine. Ce projet
s’inscrit aussi par sa valorisation dans
le cadre du développement de la Trame
Verte et Bleue. Notamment par le respect de l’histoire du lieu, la mise en
valeur de l’eau sous toutes ses formes,
la réhabilitation architecturale, et la
régénération écologique et paysagère.
AU FIL DU TEMPS,
ET DES USAGES
XVIIe siècle
C’est l’époque d’une économie locale centrée sur les eaux courantes (moulins, pisciculture…), développement des fortifications (citadelles, douves…), mais aussi faste des parcs et jardins. C’est vers 1640 que le domaine de Vaudry-Fontaine rentre dans l’histoire de Saint-Laurent-Blangy (figure.1).
En effet, c’est au cours de la guerre de 30 ans et plus précisément en 1640, peu avant le siège d’Arras par les troupes de l’armée française, que la première prévôté Saint-Michel située en zone militaire, rue des Rosati à Blangy, est rasée comme l’ensemble des faubourgs de la ville d’Arras.
Lors du siège d’Arras en 1654, par les Espagnols, de nouvelles destructions ont lieu et il faut attendre la paix de Nimègue en 1678 pour voir débuter les travaux de reconstruction. Dès lors, l’abbaye Saint-Vaast, propriétaire des lieux, fait le choix de réédifier la prévôté Saint-Michel en dehors de cette zone militaire et choisi VaudryFontaine qui présente les mêmes atouts que l’ancien site.
Il s’agit de la fontaine à Mouscrons («moucherons») entourée de viviers et de bois, située en bordure de la rivière Scarpe. La construction de la nouvelle Prévôté, de style Louis XIII, débute en 1684 par les deux bâtiments principaux, une chapelle et le colombier qui sont terminés en 1685. Une seconde chapelle sera parachevée en 1691. Un petit bâtiment renfermait l’infirmerie et la chapelle domestique à l’usage des religieux malades et du Prévôt.
C’est en 1692 qu’est procédé à l’aménagement de la fontaine aux Mouscrons
qui est classée parmi les six grandes
fontaines de l’Artois. La pièce d’eau
située en avant de la fontaine présente la remarquable particularité de
posséder des très jolis fonds aux reflets
bleu vert. Ses eaux se déversent dans
la Scarpe par un canal se terminant en
déversoir.
XVIIIe siècle
C’est l’époque des Lumières et physiocrates, l’essor du transport fluvial (digues, chenaux, quais, ports…), mais aussi la Révolution française (ventes de biens et propriétés…). Jusqu’à la Révolution, la Prévôté subira de nombreuses modifications mais gardera sa fonction première.
Vendu comme bien national en avril 1791, elle devient la propriété d’Étienne Casimir Verdevoy, juge de paix du canton de Rœux. C’est à cette époque que surviennent de grands changements en démolitions, réorganisations et réaménagements du domaine (figure.2).
On parle maintenant du château Saint-Michel et non plus de la prévôté Saint-Michel.
XIXe siècle
C’est l’époque de l’hygiénisme (chimie et médecine…) et de l’hydraulique (drainage, assèchement des marais, mais aussi grands canaux de jonction…). Après le décès de mr Verdevoy survenu en 1841, sa veuve entreprend, en 1842, de vendre une partie du domaine à Xavier Crespel-Pinta, ancien fabricant de sucre.
A cette date, il existe deux châteaux sur la propriété. Celui de Saint-Michel et le Vaudriet, petite demeure qui s’apparente davantage à un manoir qu’à un château. Il se situe entre la fontaine à Mouscrons et l’actuelle rue de Tilloy-les-Mofflaines.
C’est en 1874 (figure.3), que Mme de Bonnival fait construire une troisième demeure sur la partie nord du domaine entre la Scarpe et la fontaine à Mouscrons.
Ce château (VaudryFontaine»), constitué de pierres et de
briques, reprend le style Louis XIII.
A cette époque, Blangy entre dans l’ère
industrielle et ses parcs situés le long de la Scarpe, en périphérie du chef-lieu
d’Arras, vont être un des atouts pour
attirer de nombreux entrepreneurs.
XXe siècle
C’est l’époque moderne (vapeur puis électricité), grands projets de renouvellement urbain (enfouissement des réseaux, eaux de loisirs et bases nautiques…) Arrive la Première Guerre mondiale qui va en quelques semaines ruiner totalement le domaine ; fin octobre 1914, les trois châteaux, situés en première ligne allemande, sont détruits, la fontaine, qui alimente les troupes germaniques, subie de nombreux bombardements qui vont réduire à néant la belle maçonnerie en pierres calcaires, les arbres du parc sont pour la plupart foudroyés et le mur de clôture au sud, le long de la route de Feuchy, ne résiste pas aux trois années de combats.
Le 7 novembre 1914, seule Mlle de Bonnival échappa au bombardement. Ce funeste événement est à l’origine de l’édification de la chapelle SaintMichel. Elle fit également reconstruire le château de Vaudry-Fontaine (médiathèque actuelle) mais, faute de moyens financiers, il n’était plus question de rebâtir le Château Saint-Michel ni le Vaudriet.
Après la signature de l’armistice le 8 mai
1945, la levée de la réquisition d’octobre
1945 permet à Gaston Richebé, nouveau propriétaire du domaine (Mlle de
Bonnival étant décédée en 1940), de
remettre en état Vaudry-Fontaine et
en particulier la fontaine monumentale qui sera achevée en 1956. Il s’attache aussi à réorganiser les jardins, les
plantations et les alignements d’arbres
(figure.4).
En 1963, le domaine est classé «site
pittoresque». Claude Richebé, le fils
de Gaston Richebé, en hérite à la mort
de son père survenue en 1963.
XXIe siècle
C’est l’époque de la prise de conscience de l’Environnement et de la Biodiversité, de l’importance des milieux humides, mais aussi de la prévention des crues et inondations… En 1999, Claude Richebé se résout à vendre la propriété qui est acquis conjointement par le Conseil Général du pas-de-Calais et la Commune de Saint-laurent-Blangy. La médiathèque Jean-Paul Fleurquin est inaugurée en octobre 2001. Depuis, un projet global de valorisation du domaine (figure.5) est mené, prônant un enchaînement de différentes étapes de travaux. La restauration de la Fontaine (phase B) est entamée au 2nd semestre 2024.
Les travaux consistent en la restauration des parements, la restitution de la partie manquante de la balustrade et la consolidation des emmarchements. Un rejointoiement est envisagé sur les maçonneries en grès, en pierre calcaire et en briques.
Une reprise des marches, des dalles et des parements sera effectuée. Enfin l’écoulement sera traité pour redonner à l’édifice toute sa splendeur (figure.6).La dernière phase F prévoit (figure.7), quant à elle, un plan de gestion du parc à l’ambiance pittoresque (en référence aux jardins des XVIIIe et XIXe siècles).
Ce plan permettra de composer un parc avec une disposition qui enrichira significativement la biodiversité avec une répartition à mi-chemin entre le sauvage et le jardiné.
Le bassin et le déversoir de la fontaine sont évidemment le cœur du site et doivent être mis en valeur. Le maintien de leur eau limpide et de leur flore exceptionnelle nécessitera l’application de mesures d’entretien, notamment la restauration des berges maçonnées et «naturelles» jusqu’au seuil de rejet dans la Scarpe.
Les étangs anciennement creusés sont
envasés et étouffés par une végétation
ligneuse. Seront engagées plusieurs
actions de restauration de ces zones
humides : curage doux des mares,
reprofilage des berges, réouverture des
milieux, plantations …
Cet article est directement inspiré – pour
la thématique «patrimoine et eaux»-
d’une ballade urbaine organisée par
le CPIE (centre permanent initiatives
environnement – villes d’Artois) pour
l’agenda écologie de la CUA (communauté
urbaine d’Arras) avec l’aide de la ville de
St Laurent, que je remercie tous trois.