Le « rocher du lion » de Sigirîya : une forteresse de l’eau au Sri Lanka
03 janvier 2025Paru dans le N°477
à la page 121 ( mots)
Sigirîya, aussi connu sous le nom de Simhagîri, est l’un des sites historiques et archéologiques majeurs du Sri Lanka. Surnommé le « rocher du lion », ce lieu hors du commun constitue à la fois un héritage culturel riche et une source de fierté pour le pays. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1982, Sigirîya était originellement une citadelle où se trouvait une résidence royale.
Le site de Sigirîya tire son nom
du terme cinghalais «Sīhāgiri »,
qui signifie « rocher du lion». Sa
période phare remonte au Vème siècle,
sous le règne du roi Kashyapa (477-
495). Selon différents récits historiques, Kashyapa aurait usurpé le
trône en évinçant son propre père,
le roi Dhatusena, et en envoyant en
exil son demi-frère Moggalana, héritier légitime du trône. Craignant des
représailles, Kashyapa décida d’entreprendre la construction d’une forteresse imprenable au sommet d’un
monolithe rocheux isolé, au milieu de
forêts luxuriantes.
L’eau, un élément essentiel
de Sigirîya
Les jardins d'eau situés au pied du rocher.
L’eau joue un rôle central dans la conception et la vocation du site de Sigirîya,
où l’ingénierie hydraulique, alliée à un
sens aigu de l’esthétique, illustre la
vision des architectes de l’époque pour
mettre au point un système répondant
à des besoins à la fois fonctionnels et
symboliques.
Ses jardins d’eau, situés au pied du
rocher, comptent parmi les plus anciens
jardins paysagers au monde. Ils incluent
des bassins géométriques, des canaux,
des îlots artificiels, et des fontaines
fonctionnant grâce à la pression naturelle. Ces aménagements avaient plusieurs fonctions, notamment la collecte
et la gestion de l’eau, mais aussi celle
d’assurer le confort du souverain et de
ses hôtes, ainsi qu'une vocation artistique et symbolique.
L’endroit était doté d’un système d’irrigation élaboré, composé d’un réseau
souterrain de canaux fabriqués à partir de pierres soigneusement taillées,
transportant l’eau des sources naturelles situées dans les collines voisines jusqu’aux jardins et bassins. Ces
conduits, parfois ponctués de barrages pour réguler le flux, attestent
d’une compréhension déjà avancée des
principes de la gravité et de la pression
hydraulique.
Les fontaines des jardins, un exploit d’ingénierie hydraulique, utilisent la pression naturelle de l’eau pour créer des
jets continus. Même après des siècles,
certaines de ces fontaines fonctionnent
aujourd’hui encore lors de fortes pluies.
Au sommet du rocher, des citernes
creusées directement dans la roche
assurent un approvisionnement en eau
pour les résidents de la citadelle.
L'une des citernes au sommet du rocher.
Ces
réservoirs, souvent étanches grâce à un
enduit naturel, servaient non seulement
à conserver l’eau de pluie, mais aussi à
la redistribuer en cas de besoin.
Quant à l’environnement local, les bassins et canaux des jardins participaient
à la régulation thermique en apportant
fraîcheur et humidité aux espaces environnants. Ce système permettait ainsi
d’offrir un microclimat agréable, particulièrement utile dans cette région
tropicale.
Au-delà de son utilité pratique, l’eau à
Sigirîya était un élément à forte dimension symbolique. Elle reflétait les structures imposantes du site, créant un effet
symétrie. Les bassins et leurs reflets
découlaient directement des concepts
bouddhistes et hindous de pureté,
d’équilibre, et d’harmonie.
Vue depuis le sommet du rocher avec ses terrasses dominant la jungle.
Selon différentes sources, certains bassins ont pu
être utilisés pour des rituels religieux
ou cérémoniels.
Sigirîya constitue ainsi un exemple saisissant des prouesses que pouvaient
réaliser les bâtisseurs de l’époque. Le
complexe s’étend de la base jusqu’au
sommet du rocher, intégrant pleinement la nature dans son aménagement.
Le rocher lui-même, haut de
200 mètres, offre une vue panoramique
sur la forêt environnante. Un escalier monumental, autrefois protégé par une
sculpture colossale de lion (dont seules
les pattes subsistent), permet d’accéder au sommet, où se trouvait le palais
dont les ruines sont encore visibles.
C’est aussi au sommet que se trouvent
les fondations en briques, les citernes
creusées dans la roche pour récolter
l’eau de pluie, et les terrasses qui surplombent la jungle.
Les fresques de Sigirîya
Les fresques du site datant du Ve
Parmi les éléments les plus marquants
du site, figurent les fresques datant du
Vème siècle. Ces peintures murales représentent des figures féminines souvent
interprétées comme des divinités ou des
courtisanes. Ces fresques, d’une grande
finesse artistique, se trouvent dans une
niche abritée sur la paroi du rocher.
Un autre élément important contribuant à nourrir la légende du site est
«le mur de miroir», une surface qui était
polie à l’origine pour permettre au roi
Kashyapa d’y voir son reflet, selon plusieurs récits.
S’il n’est plus visible en l’état
aujourd’hui, ce mur porte des inscriptions gravées par d’anciens visiteurs,
remontant jusqu’au VIIIème siècle, qui y
ont écrit des poèmes et des messages.
Après la mort du roi Kashyapa en 495
lors d’une bataille contre son demifrère Moggalana, Sigirîya cessa d’être
une résidence royale. Elle devint par la
suite un monastère bouddhiste avant
de tomber progressivement en désuétude au fil des siècles. Ce n’est qu’à la
fin du XIXème siècle que des explorateurs
britanniques décidèrent de redécouvrir
et d’investir l’endroit.
Un site qui fascine encore
aujourd’hui
De nos jours, Sigirîya est une destination touristique incontournable au Sri
Lanka, attirant des centaines de milliers de visiteurs chaque année. Qu’il
s’agisse de passionnés d’histoire, de spécialistes de cultures et de civilisations
anciennes, ou bien de simples curieux,
le site semble demeurer une source
d’inspiration presque inépuisable. Si
son attrait s’explique évidemment par
sa beauté architecturale, le lieu constitue aussi un exemple de d’harmonie et
d’équilibre entre la nature et la main de
l’homme, tout en témoignant de l’histoire royale du Sri Lanka.
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