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Les effets de l'équilibre des flux et de l'aération sur la modélisation

30 septembre 1996 Paru dans le N°194 à la page 109 ( mots)

La modélisation des stations d'épuration postule souvent une répartition égale des flux entre les bassins d'aération parallèles ou les biofiltres. Une récente étude a démontré que cela peut être une dangereuse hypothèse. Cette étude met en évidence qu'une réduction de la concentration en oxygène dissous associée à une répartition inégale de 30% du flux peut engendrer une augmentation d'un facteur 20 de la valeur crête de la concentration en ammoniaque de l'effluent. Le modèle vérifie que si les bassins étaient sous-aérés et avec une mauvaise répartition entre les filières, une station normalement dimensionnée pouvait largement dépasser la teneur prévue en ammoniaque.

Le groupe d’optimisation des effluents de Londres du Thames Water Utilities et Reid Crowther ont mené conjointement une étude pour l’optimisation d’une station nitrifiante de 140 Ml/jour dans la région de Londres. Le projet s’est déroulé en quatre phases :

  • • Récupération des données et visites de site : deux spécialistes de Reid Crowther ont inspecté le site et revu les données existantes.
  • • Échantillonnage diurne : TWU a collecté les données diurnes sur le site. Ces données ont servi à établir l’état stationnaire et à calibrer le modèle informatique.
  • • Analyse préliminaire : une série de propositions destinées à l’amélioration a fait l’objet de discussions entre les personnes impliquées dans la station ; les propositions les plus pertinentes ont fait l’objet d’une investigation ultérieure.
  • • Analyse détaillée : Reid Crowther a construit et calibré le modèle BioWin et a pu étudier la configuration actuelle et les différentes options d’évolution.

Cet article traite de la calibration du modèle et des possibilités de la configuration existante.

Description de la station

Les boues activées en retour de tous les décanteurs secondaires sont rassemblées avant d’être réparties entre les nouveaux et les anciens bassins d’aération (figure 1). Toute modélisation du process doit tenir compte des deux bassins, une modification sur l’un d’eux affectant le fonctionnement de l’autre.

Le flux vers l’ancienne filière passe à travers un sélecteur anoxique et est alors séparé à travers 11 lignes d’aération (double canaux) qui alimentent les clarificateurs 1 à 16. Le flux sur les nouveaux bassins est séparé sur huit simples lignes d’aération, qui alimentent les clarificateurs 17 à 24.

La théorie

La capacité d’un système à boues activées pour oxyder les influents carbonés (mesurée par la DBO5 ou la DCO) et l’ammoniaque dépend :

  • • du nombre d’organismes dans le système qui peuvent oxyder la DBO5 et l’ammoniaque,
  • • du temps pendant lequel la DBO5 et l’ammoniaque sont en contact avec ces organismes dans le système.

Un système à boues activées comprend une phase liquide et solide.

La phase solide est constituée de matière particulaire et colloïdale et du floc de la boue activée.

Le floc est un écosystème complexe constitué de micro-organismes, de matière inerte et de substances organiques.

La phase liquide transporte l’oxygène et les substances nutritives solubles comme la DBO5 et l’ammoniaque aux organismes dans le floc. Les organismes oxydent immédiatement la DBO5 soluble dans la première section du bassin d’aération.

Du fait qu’une large fraction des micro-organismes d’un système à boues activées peut utiliser la DBO soluble, la DBO5 de l’effluent est pratiquement proportionnelle au floc non déposé dans le clarificateur final.

Ce n’est pas le cas de l’azote car, typiquement, dans un process nitrifiant, seulement 5 à 6 % de la masse de la boue sera nitrifiante. Cette masse est dépendante du temps de rétention de la boue et du taux de croissance de la biomasse nitrifiante. Une diminution de la température, une valeur du pH différente de 6 à 8 unités, une concentration en oxygène dissous inférieure à 2 mg/l et la présence d’inhibiteurs (généralement introduits par les influents) ralentissent le taux de croissance des bactéries nitrifiantes.

Comme l’ammoniaque passe à travers un bassin d’aération dont l’écoulement est en piston, le taux spécifique d’oxydation dépend de la disponibilité en

[Photo : Figure 1.]

oxygène et de la concentration en ammoniaque. La masse d’ammoniaque oxydée dépend du flux à travers les lignes d’aération (cad du temps de rétention hydraulique), de la masse de nitrifiant et du taux spécifique d’oxydation.

Comme la cinétique d’oxydation de l'ammoniaque est bien plus lente que celle de la DBO5 soluble, des dépassements de la concentration d’ammoniaque dans l’effluent final dans les stations nitrifiantes sont couramment constatés.

Sous les conditions normales de fonctionnement, une augmentation de la concentration en ammoniaque dans l'effluent final est généralement due à un déséquilibre des flux sur chaque ligne d’aération ou à une alimentation en oxygène insuffisante pendant les périodes de forte charge.

Choix du modèle

Reid Crowther a construit, calibré et validé un modèle informatique des bassins à boues activées. Le modèle utilisé BioWin correspond à une version améliorée de l’IAWPRC n° 1. BioWin a été développé par EnviroSim Associates Ltd, Oakville, Canada, en association avec Reid Crowther. Le modèle de conservation de masse intègre un bilan complet des formes azotées. Opérationnel sous Windows, paramétrable, ce modèle incorpore la réduction des influents carbonés (DCO) par les micro-organismes hétérotrophes, l’oxydation de l’ammoniaque en nitrate par les bactéries autotrophes, la dénitrification par les bactéries hétérotrophes, ainsi que la déphosphatation.

Calibration du modèle

Ce modèle a été vérifié en utilisant les données collectées les 22 mai et 31 juillet.

Données du 22 mai 1995

Simulation 1

Elle est réalisée avec des conditions de séparation de flux et d’aération idéales. Nous avons utilisé les données mesurées pour répartir le flux de chaque côté des bassins mais nous avons pris comme hypothèse une séparation idéale au niveau des lignes d’aération et une concentration de l'oxygène dissous maintenue à 2 mg/l.

Le modèle prédit des réponses exactes pour la concentration en DCO, phosphore et nitrate, mais les concentrations en ammoniaque mesurées ont été sensiblement supérieures aux valeurs simulées (figure 2).

Simulation 2

Des données plus précises ont été utilisées, comme le profil en oxygène dissous mesuré sur une ligne de chacune des deux filières et le flux sur chacune des lignes mesuré par le système SCADA (superviseur de contrôle et d’acquisition de données). Ces données ont montré que la première ligne sur la nouvelle filière recevait approximativement 30 % de flux de plus que les autres lignes. Nous avons relancé la simulation avec ces valeurs.

Cela a augmenté le taux de concentration de l'ammoniaque sur le nouveau côté de 18 % (figure 2). Du fait que les deux côtés partagent le retour de boues, la valeur crête de la concentration de l’ammoniaque dans l’effluent augmente également sensiblement sur l'ancienne filière.

Simulation 3

Nous avons relancé la simulation, en utilisant le profil en oxygène dissous sur une ligne de chaque côté. Cela double pratiquement la valeur crête et la valeur médiane de la concentration en ammoniaque sur la nouvelle filière (figure 2), les valeurs médianes et crêtes sur l’ancienne filière s’accroissant de 0,2 et 0,3 mg/l à 1,2 et 2,0 mg/l respectivement. Cette simulation correspond bien aux données observées, à l’exception près d’une courte période pendant la nuit. Pendant cette période, la concentration en ammoniaque observée dans l’effluent a été bien plus haute que celle simulée.

Données du 31 juillet 1995

Les données SCADA collectées le 31 juillet ont été plus conséquentes.

Simulation 1

Le modèle sépare les 11 lignes de l’ancienne filière en trois composants. Chaque ligne sur la nouvelle filière a été modélisée comme un composant. La température, étant de 19 °C, ne doit pas poser de problème pour la nitrification.

Simulation 2

Lorsque les données SCADA ont été utilisées, le modèle a prédit une augmentation des valeurs médianes et crêtes de la concentration d’ammoniaque, de 0,2 à 1,2 mg/l et de 1,0 mg/l à 1,9 mg/l respectivement (figure 3). En prenant en compte le profil de l’oxygène dissous, la valeur médiane de la concentration en ammoniaque sur la nouvelle filière se relève à 1,9 mg/l, et la valeur crête 2,8 mg/l (figure 3). Les données mesurées sur l’ancienne filière sont sensiblement plus hautes que celles prédites par le modèle.

Pour la deuxième simulation, nous avons pris comme hypothèse que le profil en oxygène dissous dans chaque ligne était équivalent à celui mesuré sur une ligne de chaque côté. Le modèle a montré que la nitrification chute lorsque le flux augmente dans la ligne 13. Ce flux était seulement 30 % plus élevé que le flux des autres lignes. La valeur crête simulée de la concentration en ammoniaque dans l’effluent est alors de 14 mg/l. Le modèle a aussi montré que la nitrification commence à diminuer sur la ligne 2.

Conclusion

La concentration en ammoniaque de l'effluent d’une station à boues activées nitrifiante est particulièrement sensible à la sous-aération des bassins et à un déséquilibre des flux, contrairement aux concentrations en DBO5, DCO, phosphore.

Les études de gestion de pollution concernant la performance des stations à boues activées par temps de pluie doivent prendre en compte les profils d’oxygène dissous et la répartition des flux sur chaque ligne.

Remerciements

Reid Crowther Ltd rappelle que le travail rapporté dans cet article est le résultat d’une coopération et des efforts menés par l'ensemble du groupe d’optimisation incluant les employés du Thames Water Utilities. Cependant, les opinions émises dans cet article sont celles de l’auteur uniquement.

[Photo : Figure 2.]
[Photo : Figure 3.]
[Photo : Figure 4.]
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