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Matériaux de construction écologiques synthétisés à partir de la boue de filtration des eaux usées à savoir les cendres volantes et les mâchefers

31 mars 2022 Paru dans le N°450 à la page 74 ( mots)
Rédigé par : M. MONKADE de Faculté des Sciences Université Chouaib Doukkal..., Abdelghani LAAMYEM de Université Chouaib Doukkali et Ibrahym DACHRAOUI de Université Chouaib Doukkali Faculté des sciences

Agglos également nommés moellons ou parpaing : ce sont des blocs de béton, vides ou pleins, composés de gravier et d’eau. L’agglo est un bloc de béton moulé fréquemment en forme de parallélépipède creux. C’est le meilleur matériau de construction au niveau rapport qualité/prix. Il est composé de 85 % de granulats (pierres, graviers, sable) issus de carrières locales, de 9 % de ciment (calcaire et argile) et de 6 % d’eau. Dans notre travail nous avons réalisé des agglos écologiques par insertion d’un certain pourcentage de la boue de filtration constituée principalement des déchets solides des centrales thermiques à savoir les cendres volantes et les mâchefers servant à purifier les eaux usées par filtration percolation, Des expériences à grande échelle de la résistance à la compression ont été faites et ont montrés que cette dernière est spectaculaire puisque la compression est passée de 3 MPa pour une agglo normale à environ 5 MPa pour celle à base de boue.

Introduction

Les fabricants et les chercheurs continuent de développer des briques de bétons [1-5] , durables fabriquées à partir de différents déchets pour économiser des ressources naturelles non renouvelables. La crise environnementale déterminée par une mauvaise élimination des déchets solides, et le manque d’argile sont les facteurs qui motivent plus d’études. Ces aspects poussent les acteurs à étudier de nouveaux matériaux et à établir des méthodes avancées pour une valorisation efficace des déchets solides. Les cendres constituent un sous-produit pulvérulent présentant un certain nombre de caractéristiques qui les rendent valorisables [6-12]. Une voie possible de valorisation est leur utilisation en tant que matières premières secondaires dans le domaine de la construction et des travaux publics, domaine par ailleurs très grand consommateur de matériaux. Dans cette étude, deux sous-produits différents sous forme de boue de filtration des eaux usées, ont été utilisés pour obtenir des briques de bétons appelés agglos ou moellons à savoir les cendres volantes et les cendres de foyers qui sont des résidus de charbons issus des centrales thermiques, répondant aux exigences de propriétés des matériaux selon les normes internationales.
Figure 1 : Valorisation de la boue de filtration.

Matériels et méthodes

L’organigramme utilisé dans le présent travail est le suivant (figure 1) : les cendres volantes et les mâchefers qui sont des déchets solides récupérés de la combustion du charbon des centrales thermiques [13-17] ont été valorisées dans un premier temps dans la purification des eaux usées urbaines, industrielles et lixiviats des décharges publiques non contrôlées par la technique de filtration percolation. Une seconde revalorisation de ces cendres est leurs utilisations en tant que matières premières secondaires dans le domaine de la construction et des travaux publics, domaine par ailleurs très grand consommateur de matériaux. Dans notre étude la boue de filtration a été valorisées dans la fabrication des agglos ou parpaings
Figure 2 : Aspect visuel des cendres volantes (a) et des mâchefers (b).

Caractéristique des cendres

Les cendres volantes et les mâchefers sont les plus courants parmi les déchets de charbon qui sont utilisés comme adsorbants, et dans cette étude, les deux cendres ont été extraites de la centrale thermique de Jorf lasfar « JLEC », située à 17 km de la ville d’El Jadida. Les cendres volantes (figure 2) sont produites par les précipitâtes dans les cheminées de la centrale électrique au charbon. Il apparaît dans une couleur grise avec des particules sphériques typiques. Les cendres volantes sont bien connues pour leurs propriétés pouzzolaniques et leur surface chargée négativement [19]. Cependant, les mâchefers (figure 2b) sont produits en étant retirés du lit du four, évacués vers le réservoir d’eau et pompés dans des lagunes étalées en attendant de se dessécher. Visiblement, il apparaît dans une couleur sombre, leurs particules sont assez poreuses et ressemblent à la lave volcanique. Pour améliorer la compréhension du processus de filtration, les échantillons des deux cendres ont été soumis à la fluorescence X pour indiquer leur composition chimique, puis au tamisage granulométrique qui évalue la distribution granulométrique.

La composition chimique des cendres volantes et des mâchefers analysés par fluorescence X est donnée dans le tableau 1.

Figure 3 : Distribution granulométrique des cendres volantes et mâchefers.

La distribution granulométrique des cendres volantes et mâchefers est schématisée dans la figure 3.

La photo 1, illustre la structure morphologique des cendres de foyer obtenue par microscope à balayage électronique MEB. Elles se présentent sous la forme de particules poreuses de tailles irrégulières. Nous remarquons que la plupart des grains de cendres de foyer se présentent sous forme de sphères creuses ou de sphères comblées par des sphères plus petites.
Photo 1 : Analyse des cendres de foyer par microscopie électronique à balayage (MEB).

Résultats et discussions

Préparation des agglos ou parpaings
Dans cette étude, les briques en béton de dimensions 20 cm x 20 cm x50cm, ont été préparés en utilisant différents dosages de la boue à base des cendres avec le ciment comme indiqué dans le tableau 2.

Les agglos ont été fabriquées à grand échelle dans une usine spécialisée dans le domaine de construction et du génie civil, comme le montrent les figures (figure 4).

L’étape consacrée au suivi des indicateurs de durabilité des bétons formulés aux délais de 7 jours, 14 jours et 28 jours. Pour la résistance à la compression et l’absorption d’eau, les agglos ont été placées entre deux plateaux. 

Figure 5 : Résistances à la compression des agglos pendant 7,14 et 28 jours.

Cette expérience, consiste à compresser ces produits dans un but d’étudier et de déterminer la force de rupture à (figure 5) :

  • Résistance à la compression à 7 jours.
  • Résistance à la compression à 14 jours.
  • Résistance à la compression à 28 jours.
Lorsque l’intensité de la contrainte augmente, il y a d’abord déformation élastique (le matériau se déforme proportionnellement à l’effort appliqué et reprend sa forme initiale lorsque la sollicitation disparaît), suivie parfois (en fonction de la ductilité du matériau) d’une déformation plastique (le matériau ne reprend pas sa forme initiale lorsque la sollicitation disparaît, il subsiste une déformation résiduelle), et enfin rupture (la sollicitation dépasse la résistance intrinsèque du matériau).
Le principe consiste à centrer l’éprouvette sur le plateau de la presse, puis appliquer la charge d’une manière continue et sans chocs jusqu’à la rupture de produits. Enregistrer la charge maximale obtenue en (KN).
La résistance à la compression est le paramètre le plus important lors de la caractérisation des produits en bétons. Selon la norme marocaine NM.10.1.009, les agglos sont caractérisées par une forte résistance à la compression, puisque celle-ci est supérieure à 3 MPa à 28 jours.

Les résultats de la résistance à la compression très détaillée de 7 jours, 14 jours et 28 jours pour les Formules (A0, A2, A4, A6) sont les suivants où :

  • A0 : Agglo avec 0 % de boue filtrante (Tableau 3a),
  • A2 : Agglo avec 2 % de boue filtrante (Tableau 3b),
  • A4 : Agglo avec 4 % de boue filtrante (Tableau 3c),
  • A6 : Agglo avec 6 % de boue filtrante (Tableau 3d).
Nous constatons que les résultats des essais sont conformes aux exigences de la norme NM 10.1.009. Pour mieux comprendre les figures 3, l’histogramme  (figure 4), montre clairement les évolutions de la résistance à la compression des différents types d’agglos.
Nous remarquons que les agglos avec dosage de 2 % et 4 % présentent une meilleure résistance à la compression que les agglos de références normales A0, néanmoins celui de 4 % reste le meilleur.

Étude de la résistance thermique

La résistance thermique mesure la capacité d’isolation d’une couche de matériau : plus la couche sera isolante, plus la résistance thermique sera élevée. Pour les agglos le calcul de la résistance thermique est plus compliqué, puisque les agglos subissent trois modes de transfert thermique à savoir la conduction, le rayonnement et la conviction. Le logiciel que nous avons utilisé donne, en plus du calcul de la résistance thermique, la valeur de sa déperdition thermique appelée aussi coefficient de transmission thermique. Plus celui-ci est faible, plus la paroi est isolante. La résistance thermique est le rapport entre l›épaisseur et la conductivité thermique du matériau lambda et donnée par la formule :

R = e / λ

Nous considérons le cas simple d’un mur constitué de couches successives et homogènes (les couches dont l’épaisseur est inférieure à 1 mm ne sont pas prises en compte).

La résistance thermique est alors est égale à la somme des résistances thermiques des différentes couches de matériaux ou d’espace d’air non ventilé et des résistances de surface.

Le calculateur prend en compte les résistances de surface des parois intérieures et extérieures. Les valeurs de la résistance thermique d’échange d’une surface intérieure et d’une surface extérieure sont en général estimées à 0,13 m²K/W pour l’intérieure et 0,04 m²K/W pour l’extérieure et cela pour une paroi verticale. Ce sont les valeurs choisies pour le calculateur.

Le Calcul de la résistance des parois des agglos composées de 5 couches maximum est donné par :

  • Couche1 d’épaisseur e1 = 2 cm, en parpaing de ciment avec λ = 0.952
  • Couche 2 d’épaisseure2 = 7 cm en air ventilé avec λ = 0.500
  • Couche 3 d’épaisseure3 = 2 cm, en parpaing de ciment avec λ = 0.952
  • Couche 2 d’épaisseur e2 = 7 cm, en air ventilé avec λ = 0.500
  • Couche 5 d’épaisseure5 = 2 cm, en parpaing de ciment avec λ = 0.952
La résistance thermique totale R est égale à : 0,51 m².KW-1.
La déperdition thermique U est égale à : 1.9608 W.m-2K-1.
En négligeant les ponts thermiques, la déperdition de la paroi est de 1.9608 W par m² et par degré de différence entre l›extérieure et l›intérieure. Le calcul prend en compte les couches d›air qui se forment des 2 côtés de la paroi. La conductivité thermique sera d’autant plus faible que le matériau est un bon isolant. Pour l’isolation, il faut donc choisir des matériaux dont les conductivités thermiques sont très faibles. Un matériau est considéré comme isolant (RT 2012) lorsque que sa conductivité thermique est inférieure à : 0,065 W.m-1.K-1.
Finalement, nous avons étudié la lixiviation de nos agglos, afin de s’assurer que les métaux lourds dans la boue de filtration sont restés confinés dans nos agglos écologiques. La méthode consiste à mettre notre agglo dans un bain d’eau (figure 5), pendant 1 à 2 mois et effectuer des prélèvements réguliers. Les résultats des analyses obtenus par ICP sont donnés dans le tableau 4.
Lixiviation des agglos
Nous avons constaté que les éléments toxiques sont restés totalement piégés dans les agglos. Un brevet international en collaboration avec l’université internationale de rabat a été déposé.

Conclusion

L’utilisation des cendres volantes dans le béton permet d’atteindre plusieurs objectifs :
  • Réduire la quantité de ciment utilisée et donc diminuer les coûts.
  • Réduire la chaleur d’hydratation.
  • Améliorer la maniabilité du béton.
  • Améliorer l’acquisition des performances mécaniques à long terme.
  • Améliorer la durabilité.
En raison de leur sphéricité et de leur très petite dimension, les cendres volantes influent sur la rhéologie des pâtes de ciment. L’ajout de cendres réduit le besoin en eau nécessaire à l’obtention d’une maniabilité équivalente pour un ciment sans cendres volantes : les cendres peuvent donc jouer un rôle de plastifiant. Les cendres volantes retardent la prise du ciment, ce qui peut être un avantage par temps chaud. Leur ajout peut donc nécessiter l’emploi d’un accélérateur.
L’hydratation de la pâte de ciment s’accompagne d’une élévation de la température. Retardant et ralentissant l’hydratation du ciment, les cendres volantes ont une influence bénéfique sur l’évolution de la chaleur d’hydratation permettant ainsi d’éviter la fissuration par retrait thermique des ouvrages massifs. Du fait de leur activité pouzzolanique consommant la portlandite, les cendres augmentent les résistances mécaniques à long terme des bétons, améliorant de fait leurs résistances aux attaques chimiques et donc leur durabilité ce qui est largement justifié par les résultats obtenus dans cette étude. 
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