Elle porte bien son nom. Située au beau milieu de l’Atlantique, à 290 km au sud est des côtes de la Nouvelle-Écosse, l’Île de Sable se fait et se défait au gré des humeurs de l’océan. Au centre de cette minuscule langue de sable égarée en plein océan Atlantique, une lentille d’eau douce permet à la vie de développer.
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Du coup, les navigateurs cherchent à éviter cette zone mal connue, traversée par de forts courants et enveloppée d’épais brouillards. Mais au 18ème siècle, les liaisons maritimes se développent au même rythme que les échanges entre l’Europe et les ports américains. La présence de l’Ïle de Sable au beau milieu des routes maritimes occasionnera plusieurs centaines de naufrages sur le seul 18ème siècle : dans l’impossibilité de se dégager, les bateaux qui s'échouent sur les bancs de sable ceinturant l’Île, sombrent, rapidement disloqués par la violence des lames océaniques. Quant aux naufragés eux-mêmes, bien souvent des immigrants, c’est la fin du voyage : emportés par les violents courants qui traversent la zone et sans aucun espoir d’être secourus, ils périssent par centaines. Le fait même de pouvoir prendre pied sur la partie émergée de ce plateau sableux qui n’offre aucun abri ne garantit pas la survie. En 1801, toutefois, le gouvernement britannique fonde le Sable Island Humane Establishment, un poste de sauvetage composé de 5 résidents permanents. Sans phare, sans moyen de communication, ceux-ci ne peuvent empêcher les naufrages, mais leur présence donne à ceux qui ne se sont pas noyé la maigre chance d'être secourus et de pouvoir regagner un jour le continent.
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Mais l’Île de Sable n’est pas qu’un obstacle maritime. Au-delà de sa situation géographique si particulière et de son histoire pittoresque et riche en anecdotes, c’est aussi une curiosité géologique, fruit d’une lente évolution commencée il y a 19.000 ans, au tout début de la période postglaciaire.
Une curiosité géologique
Tout autour de l'île, les eaux sont peu profondes. Mais à moins de 20 kilomètres, la plateforme continentale s'abaisse brutalement. C’est là, au nord-est de l'île de Sable, sur le bord du plateau néo-écossais, que commence le Goulet, le plus grand canyon sous-marin de l'est de l'Amérique du Nord. Long de 65 km et large de 15 km, il file tel un entonnoir vers les - 2.000 mètres, jusqu'à la plaine abyssale et le plancher océanique. De nombreuses espèces de baleines et de dauphins y ont élu domicile.
Le contraire d’une ile déserte
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À l’Île de Sable, le nombre de jours de précipitations est presque égal au nombre de jours secs. La pluie et la neige pourraient filtrer à travers le sable et se perdre dans l’océan. Mais grâce à la structure géologique du plateau, elles forment au contraire de nombreux réservoirs souterrains. Du coup, la dépression centrale, située dans la partie ouest de l‘Île, est occupée par un lac. C’est lui le maillon clé de l’Île de Sable. Lui qui fédère et assure la subsistance des nombreux écosystèmes de l’Île. Lui qui a, dans le passé, sauvé les rares naufragés qui étaient parvenus à prendre pied sur l’ile. Lui qui assure aujourd’hui la survie des 350 chevaux, lointaine descendance d'un ancien naufrage qui y vivent aujourd’hui en liberté.
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Long de 5,5 kilomètres, le lac Wallace - c’est son nom - n’est pas très profond. Mais la seule présence de cette émergence d’eau douce en plein océan Atlantique est vitale pour l’équilibre de l’Île. Il existe bien quelques autres mares situées à plusieurs endroits entre des dunes fixées par les herbes qui constituent une source non négligeable d'eau douce, mais elles ont tendance à rétrécir, voire même à s’assécher pendant les périodes de sécheresse. L’équilibre du Lac Wallace lui-même est fragile. Le taux de sel et la température de l’eau varient fréquemment. En hiver, du fait des vagues qui le submergent et l’inondent d’eau salée, le lac gonfle et s'étend sur près de 8 km. Seule la présence de l’ammophile, qui fixe les dunes, le préserve d’une submersion totale par gros temps. En été, il rétrécit et se fragmente en plusieurs étangs saumâtres. Mais sa seule présence suffit à préserver la vie sur cet espace balayé par la pluie, le vent et les embruns.
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Ces habitats fragiles sont aujourd’hui protégés par les autorités canadiennes qui ont édicté de nombreux règlements pour limiter l’accès à l’Île à la communauté scientifique. Mais ces règlements ne constituent pas une protection sans faille. Les chercheurs sont d’ailleurs assez partagés sur le devenir de l’Île de Sable. Certains croient à sa pérennité en expliquant que ce sont les courants de tempête qui déposent le sable et que donc l'île subsistera tant qu'il y aura des tempêtes et du sable. D’autres, plus nombreux, la disent menacée tout à la fois par les changements climatiques, la montée du niveau des océans et les modifications des courants transocéaniques. Pour l’heure, le danger le plus immédiat vient paradoxalement des 80 milliards de mètres cube de gaz naturel qui gisent sous le plateau sableux. Déjà, les premières plateformes pétrolières ont fait leur apparition pour exploiter ces précieux gisements.