Cet article est ciblé sur les pays en développement bien que nombre d’analyses proposées soient adaptées aux pays développés. Il questionne les définitions et caractéristiques de l’atténuation et surtout de l’adaptation aux changements climatiques concernant la vulnérabilité, la résilience et les relations entre atténuation et d’adaptation. Puis, il passe en revue quelques principes et conditions essentiels de l’adaptation en particulier la connaissance des situations locales. Il s’efforce d’expliciter les frontières des concepts d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques par rapport aux notions de développement, d’égalité des genres et de démographie, de lutte contre la dégradation des ressources naturelles et les pollutions, de pertes et dommages. Il dresse un état des coûts et financements multilatéraux et bilatéraux des liés à la lutte contre les changements climatiques particulièrement à la composante d’adaptation et donne un aperçu détaillé du Fonds d’adaptation. Il porte un focus sur l’action extérieure des collectivités territoriales française en matière de changements climatiques. Enfin il propose quelques éléments de politiques publiques en matière d’atténuation et d’adaptation en rapport avec l’innovation, la valorisation économique des biens communs et des actions d’adaptation, les risques de maladaptation, la participation des acteurs de la société civile, les enjeux de gouvernance à tous les niveaux.
Les annexes suivantes sont en en libre accès sur le site internet de la revue l’Eau, l’industrie, les Nuisances https://www.revue-ein.com : 1. Principaux Fonds climat multilatéraux et bilatéraux - 2. Organismes liés aux financements du climat/architecture des financements actuels - 3. Situation des contributions financières au Fonds Vert (mai 2017) - 4.Principales alliances, coalitions, initiatives, partenariats relevées à la COP22.
Les coûts et les financements de la lutte contre les changements climatiques. Focus sur l’adaptation
Les coûts dépendent des hypothèses d’émissions de GES d’ici 2100 (du scénario RCP.2.6 - avec 450 ppm de concentration GES et augmentation de température inférieure à + 2 °C/1850 - au scénario RCP.8.5). En se plaçant dans le cas le plus favorable de neutralité des émissions en 2100, les coûts des investissements nécessaires sont de l’ordre de milliers de milliards d’USD par an. L’économiste Nicolas Stern en 2006 avait estimé les coûts de l’inaction - que l’on peut interpréter comme les coûts des scénarii pessimistes - entre 5 % et 20 % du PIB mondial, versus les coûts de l’action à 1 % de ce PIB mondial ; en 2015 ce 1 % (scénario vertueux) serait de l’ordre de 755 milliards d’USD…
Ces chiffres doivent être pris avec prudence, les hypothèses implicites sont nombreuses mais les ordres de grandeur nous donnent des indications utiles, même si chaque nouvelle année les publications des NU, de l’OCDE, de FMI/BM, des instituts de recherche privée montrent qu’ils sont sous-estimés dans l’ensemble.
Pour mettre en perspective les efforts à faire, rappelons quelques autres données :
- En 2015, le PIB mondial est de 75.502 milliards d’USD : USA 24 % (17 945 milliards), France 3 % (2 422 milliards), Allemagne 5 % (3 356 milliards), Chine 15 % (10 886 milliards), Union européenne 22 % (16.229 milliards).
- En 2015, le budget de la défense est dans le monde 1.570 milliards USD, aux USA 622 milliards USD et en France 45 milliards USD.
- En 2016, l’aide publique au développement (APD) est de 147 milliards d’USD 14.
- En 2016, les montants envoyés vers leur pays d’origine par les émigrés (remittances) sont de 516 milliards d’USD
Selon le rapport OCDE « Climate Finance in 2013-2014 and the USD 100 million goal » publié en octobre 2015, les financements climat - publics et aussi privés levés grâce à une intervention publique - mobilisés par les pays développés pour les PED ont atteint une moyenne de 57 milliards d’USD en 2013-2014 (dont environ 71 % de fonds publics). Sur ce total, 77 % ont été dédiés à l’atténuation, 16 % dédiés à l’adaptation et 7 % à des activités visant les deux.
L’engagement de Copenhague réitéré à l’Accord de Paris de mobiliser des financements à hauteur de 100 milliards par an pour l’adaptation et l’atténuation, d’ici à 2020 et jusqu’à 2025, nécessiterait d’être accru après 2025… Ces chiffres, même calculés sur des bases encore imprécises, montrent des ordres de grandeur d’écart considérable entre les besoins et les financements disponibles.
Ces financements sont à rechercher auprès des secteurs publics (états, nationaux, sous nationaux, collectivités publiques…) et privés (entreprises, fondations philanthropiques, remittances…). En fait, cela implique que la plupart des financements devront venir du secteur privé, sachant que les financements publics, outre les limites budgétaires connues, ont un rôle spécifique que ne peut exercer le secteur privé, à savoir, catalyser les investissements privés en stimulant les marchés, encourager l’innovation, réduire les risques, aller sur des secteurs (biens communs, biens publics, éducation, formation…) où le secteur privé ne se porte pas spontanément.
Les financements publics multilatéraux n’ont pas, aux yeux de l’opinion publique, une image claire et positive. Il y a nécessité de rationaliser l’architecture de ces financements multilatéraux15. Les pistes possibles, sur lesquelles les acteurs gouvernementaux travaillent peuvent se résumer ainsi :
• renforcer l’harmonisation, les standards, les procédures d’accréditation et d’approbation des projets et programmes ;
• rechercher à spécialiser les fonds selon les volumes d’engagements, les champs thématiques et l’acceptation de risques financiers selon qu’ils apportent des prêts (concessionnels ou aux conditions de marché) ou des subventions (grands projets avec des approches programmatiques, petits ou moyens projets, opérations plus concrètes de terrain… ;
• professionnaliser les instances dirigeantes des fonds c’est-à-dire leurs conseils d’administration avec des représentants mieux informés, plus permanents (éviter les rotations régulières) et avec la participation de représentants de la société civile (secteur privé et ONG…) ;
• assurer une meilleure coordination de ces fonds entre les fonds multilatéraux eux-mêmes, dans les pays receveurs et entre les bailleurs de ces fonds.
Pour avoir une vision globale des flux mondiaux, il faudrait y ajouter les fonds publics bilatéraux [AFD16, l’Agence Française de Développement, la KfW allemande, la JBIC japonaise… et les collectivités territoriales], les fonds publics nationaux (Fonds climatiques au Brésil, Afrique du Sud, Bénin, Mali, Cambodge…) et régionaux (Fonds pour l’Amazonie…) et les fonds privés (entreprises, fondations, ONG,...) internationaux ou nationaux dédiés à l’atténuation et à l’adaptation et une partie des remittances fléchés sur des actions qualifiables à l’atténuation ou/et à l’adaptation.
Cas du Fonds Climat Vert (atténuation et adaptation)
La création de ce Fonds vert a été actée en 2010 à la COP16 de Cancun ; son but est d’apporter un soutien financier pour l’atténuation et l’adaptation dans les PED. Il a été créé dans le contexte de la COP15 de Copenhague où les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards d’USD de financement climat d’ici 2020 comme indiqué ci-dessus.
À la date du 19 janvier 2017 le Fonds vert (Green Climate Fund) a reçu les annonces de financements pour un montant de 10,3 milliards d’USD dont 9,9 milliards signés (cf. annexe). La France est contributeur pour l’équivalent de 683 millions d’USD de dons (577,9 millions de dons et 381,3 millions de prêts concessionnels (équivalents de dons de 105,1)) et 76,3 millions de prêts ordinaires, plus un don de 1,3 million d’USD de la Ville de Paris. Les principales autres contributions sont les suivantes : les USA 3.000 millions d’USD, le Japon 1.500, le Royaume Uni 1.211, l’Allemagne 1.003,3, la Suède 581,2. La contribution annoncée des pays de l’Union européenne est de 4.834,8 millions d’USD (ce qui correspond à peu près à la moitié des fonds versés).
Coûts et financements de l’adaptation dans les PED
Cas du Fonds d’adaptation
Le PNUE a publié The Adaptation Gap Finance Report en mai 2016, ce document demeure une référence pour les PED.
Concernant les coûts, il mentionne avec prudence (cf. § ci-dessus sur la qualification de l’adaptation) qu’il n’y a pas d’estimation unique des coûts de l’adaptation, notamment en raison de la difficulté d’estimer les pertes de la biodiversité et des services des écosystèmes.
Les coûts de l’adaptation dans les pays en développement avaient été estimés en 2014 par le PNUE entre 70 et 100 milliards d’USD par an sur la période de 2010 à 2050.
Mais, la révision de ces estimations en 2016 conduit plutôt à 140 à 300 milliards d’USD par an d’ici 2030 et entre 280 et 500 milliards d’USD par an à l’horizon 2050. Ces chiffres en augmentation significative renforcent donc la nécessité d’actions immédiates d’atténuation, la persistance des GES dans l’atmosphère pouvant atteindre plusieurs centaines d’années après leur élimination.
Les financements bilatéraux et multilatéraux pour l’adaptation au changement climatique ont atteint 25 milliards d’USD pour l’année 2014, dont 22,5 milliards d’USD ciblés vers les pays en développement.
Les coûts de l’adaptation sont donc beaucoup plus élevés que les financements publics internationaux actuels. Pour réduire cet écart entre coûts/besoins, les financements de l’adaptation en 2030 devraient être approximativement 6 à 13 fois que les financements publics internationaux aujourd’hui (et en 2050 12 à 20 fois plus).
Le tableau en annexe donne un aperçu des fonds publics multilatéraux dédiés à l’adaptation.
Cas du Fonds d’adaptation
Rappels de quelques caractéristiques
Décidé à la COP 7 à Marrakech en 2001, puis établi finalement à la COP 13 à Bali en 2007, le Fonds d’adaptation est devenu opérationnel en 2010. Il est financé par 2 % prélevés sur la monétisation des UCRE (CER) et par des dons publics et privés. Compte tenu de la baisse de valeur des UCRE, de l’évanescence du mécanisme de développement propre (MDP/CDM), depuis 2013/14, sa principale ressource financière provient des dons de gouvernements.
À ce jour les ressources totales s’élèvent à 646 millions d’USD dont 427,77 ont été versées à fin décembre 2016 ; à cette date l’Allemagne était (et est toujours à ce jour) le premier contributeur (52 %) du FA (223,88 MUS$) devant la Suède (80,94 MUS$ ; 18,9 %), l’Espagne (57,06 MU$), le Royaume Uni (15,92 MU$), la Belgique, Flandres, Wallonie et Bruxelles (15,72 MU$), la Suisse (14,13 MU$), la Finlande (6,80 MU$), la France (5,62 MU$ ; 1,3 %), la Norvège (2,50 MUS$), l’Italie (2,17 MUS$), le Luxembourg (2,11 MUS$)…
Les perspectives de bénéficier à terme de nouveaux mécanismes de marchés de carbone qui se développent dans de nombreux pays ou régions (dont la Chine) restent encore hypothétiques. Le FA pourrait, probablement pour quelques années encore, être alimenté par des dons de pays du Nord.
Le Fonds d’adaptation a pour objectifs de :
- de diminuer la vulnérabilité et d’accroître la résilience (capacité adaptative) des pays en développement en réponse au changement climatique au travers de programmes/projets concrets,
- de se concentrer sur les pays et communautés les plus vulnérables au changement climatique tels que les petits pays insulaires, les zones basses côtières, arides ou semi-arides, les zones exposées aux inondations ou la sécheresse et la désertification, y inclus les zones de montagnes.
Outre ses ressources qui peuvent provenir du marché du carbone (MDP), les spécificités du Fonds d’adaptation sont :
- une gouvernance où les pays en développement ont la majorité des voix au Conseil, organe décisionnel (en pratique, il n’y a jamais eu de vote et les décisions ont toujours été prises par consensus),
- un accès direct des PED à ses ressources par des entités de mise en œuvre nationales (25 NIE accréditées à ce jour), ce qui renforce l’appropriation par ces pays et est très apprécié, bien qu’il y ait aussi un accès via les entités multilatérales (12 MIE accréditées à ce jour) et aussi régionales (6 RIE accréditées à ce jour),
- une implication forte de la société civile à tous les niveaux d’instruction des programmes/projets, de la conception à la mise en œuvre et au fonctionnement,
- une attention particulière sur la place et le rôle des femmes et des jeunes dans les programmes/projets,
- une très grande transparence des processus de décisions et d’instruction, y compris le déroulement des Conseils sur site Internet en direct.
Ce Fonds fonctionne comme un « laboratoire » de l’adaptation appliquée aux pays en développement. Une évaluation/capitalisation de ses expériences est en cours (résultats attendus fin 2017/début 2018) et devrait être utile à la communauté internationale pour éclairer le concept d’adaptation, sa qualification et sa mesure.
Compte tenu de la qualité de ses procédures fiduciaires, le Green Climate Fund (GCF) a accrédité plusieurs NIE (National Implémentation Entities) et RIE (Regional Implementation Entities) déjà accréditées par le FA, sans procédure supplémentaire17.
Depuis 2010, le FA a affecté 357,8 millions d’USD et plus de 55 projets concrets d’adaptation aux changements climatiques dans 63 pays sur 153 éligibles, et concernant 3,6 millions de bénéficiaires directs.
L’action extérieure des collectivités territoriales françaises dans les CC18
Des enjeux globaux et une action commune. L’action internationale est une spécificité des collectivités territoriales françaises. Avec plus de 5 000 collectivités actives, représentant un réseau très dynamique en matière d’actions extérieure des collectivités locales.
À l’échelle mondiale, l’adoption des ODD en 2015 (dont l’ODD 17- Partenariat pour la réalisation des objectifs -) milite pour un soutien renforcé des partenariats entre les collectivités françaises et leurs partenaires dans le monde.
Les collectivités territoriales (villes en particulier) participent à des nombreuses alliances, coalitions, plateformes internationales pour promouvoir des synergies et des actions spécifiques en faveur du développement durable et de la lutte contre les changements climatiques. Elles sont très actives et les COP sont des occasions de visibilité importante de leurs actions19.
L’Alliance des 357 signataires du Pacte de Paris sur l’eau et l’adaptation au changement climatique dans les bassins des rivières, des lacs et des aquifères, dans 94 pays, animée par le RIOB en partenariat avec la CEE-ONU.
L’Alliance des Entreprises pour l’Eau et le Changement Climatique - BAFWAC, lancée par le Carbon Disclosure Project - CDP, le « CEO Water Mandate », le Conseil Mondial des Affaires sur le Développement durable et SUEZ, qui compte aujourd’hui 44 organismes membres, dont 30 entreprises de premier plan.
L’Alliance des Mégapoles pour l’Eau et le Climat, animée par l’UNESCO, ICLEI, le SIAAP et Arceau-IDF, regroupant 16 mégalopoles pour une population totale de plus de 300 millions d’habitants.
The Global Clean Water Desalinisation Alliance - H20 minus CO22, impulsée par Masdar et les Émirats arabes unis, la France et l’Association Internationale du dessalement (IDA). Avec plus de 70 membres, c’est une initiative climat de la problématique du nexus eau-énergie.
L’Initiative de la Francophonie pour des Villes durables portée par l’Institut de la Francophonie pour un Développement durable (IFDD), organe subsidiaire de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en partenariat avec ENERGIES 2050.
À l’échelle nationale, la reconnaissance législative des actions extérieures des collectivités territoriales (AECT) a été consacrée en 2014 par la Loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI). Celle-ci ne se limite plus à la coopération décentralisée et intègre les actions internationales de différents acteurs des territoires (rayonnement économique des entreprises…). S’ajoute l’intégration du 1 % déchets qui élargit les compétences ouvertes par la loi Oudin-Santini.
À cette loi s’ajoutent, d’une part la loi Oudin-Santini en 2005 qui autorise des collectivités territoriales à consacrer jusqu’à 1 % des recettes des services d’eau et d’assainissement à des actions de solidarité international de ce secteur et, d’autre part la loi Thiollière en 2007 qui permet aux collectivités territoriales de mener des actions de coopération ou d’aide au développement à l’étranger.
L’AFD consacre une part importante de son activité au financement direct des collectivités locales étrangères et s’appuie sur l’expertise des collectivités françaises. Exemples.
- Appui à la Région Hauts de France et à l’ADEME dans le cadre d’une coopération avec l’État de Minas Gerais au Brésil pour la réalisation d’un plan climat-énergie- territoire pour promouvoir des actions d’adaptation et d’entamer une transition vers une économie bas carbone. Cette d’action accompagne un prêt de l’AFD de 300 millions d’euros pour le financement d’un plan pluriannuel « Gestion pour la citoyenneté ».
- Construction de deux mini-centrales hydroélectriques de la ville de Dschang au Cameroun, projet en partenariat avec Nantes métropole et Electriciens sans frontière. La collectivité française et son partenaire accompagnent la maîtrise d’ouvrage camerounaise pour renforcer sa stratégie d’énergie et ses capacités de gestion.
- À Johannesburg en Afrique du Sud. Une subvention de 600.000 euros pour soutenir le partenariat, d’une part avec la Ville de Paris pour définir une stratégie de lutte contre le CC et, d’autre part avec la Métropole européenne de Lille sur la conduite de projets urbains intégrés, plus un prêt de l’AFD de 120 millions d’euros pour appuyer la stratégie de transformation de la municipalité de Johannesburg.
L’AFD et les collectivités territoriales servent l’influence économique et le rayonnement français à travers les modèles qu’elles promeuvent et les acteurs économiques français qu’elles emmènent dans leurs coopérations : entreprises, CCI, pôles de compétitivité, bureaux d’études, ONG. Exemples.
- Agence d’Urbanisme et de l’Aire Métropolitaine du Grand Lyon (URBALYON) a fourni un appui technique et institutionnel dans la mise en œuvre du développement urbain de Ouagadougou au Burkina Faso depuis 2013.
- Association pour le développement de l’enseignement et des recherches en Méditerranée (ADER), basée à Marseille, accompagne à Rabat le programme d’aménagement de zones industrielles de dernières générations jusqu’en 2018.
Quelles politiques publiques ? Quels enjeux de gouvernance ?
Pour limiter le réchauffement climatique et pour atteindre l’objectif des + 2 °C en 2100 par rapport à la période préindustrielle (vers 1850) de l’Accord de Paris, les modèles de développement, notamment du Nord et de certains pays émergents, devront s’adapter en pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et donc se décarboner.
Des innovations technologiques [moins intensives en intrants, énergies renouvelables (hydroélectricité, solaire, éolien, géothermie, marine…), dessalement d’eau de mer, NTIC, smart technologies, gestion des intermittences des énergies solaires et éoliennes, traitement recyclage des eaux usées, biotechnologies (bio mimétisme…)] mais aussi organisationnelles et institutionnelles (sécurité et efficacité énergétiques des filières, luttes contre les pertes et les gaspillages, recyclages, économies circulaires, circuits courts, réglementations et fiscalités comme la tarification du prix du carbone, taxes d’importation…).
Cela concerne tous les écosystèmes terrestres, littoraux et marins et tous les secteurs économiques : énergétique, industriel, agriculture (raisonnée, écologiquement intensive, agro écologie, agro foresterie…) forêts , alimentation, infrastructures, gestion de l’eau (de l’offre et de la demande, gestion intégrée des ressources en eau, recyclage, lutte contre les fuites…), bâtiments (haute qualité environnementale et à énergie positive), transports propres, urbanisme (villes intelligentes), territoires (connectés, système d’alerte précoce, éco-services…), secteurs financier et assuranciel ...
Ces innovations peuvent dans certains cas être questionnées sur leurs véritables bénéfices et sur les externalités négatives ; elles peuvent relever de la mal adaptation. Par exemple, certains projets de bioénergie en compétition avec la sécurité alimentaire20 ou ayant un bilan carbone négatif ou certains projets de géo-ingénierie définie comme l’ensemble des technologies qui visent à stocker le CO2 dans les terres ou les océans ou à gérer le rayonnement solaire par utilisation des aérosols ou des substances chimiques pour lutter contre le réchauffement climatique ou provoquer des pluies par ensemencement de nuages avec des sels (iodure d’argent, chlorure de sodium…).
Les mesures d’atténuation et d’adaptation, techniques ou non, ont un coût : investissement, exploitation et maintenance. Leur mise en œuvre sous-entend un consentement et/ou la capacité à payer de la part des utilisateurs, notamment dans le secteur de l’eau, celle-ci ayant été longtemps considérée comme « gratuite » en agriculture.
Certaines mesures d’adaptation contribuent à des externalités positives et génèrent des services environnementaux. La connaissance de la valeur économique des biens communs est insuffisante. Parfois il y a des réticences à quantifier cette valeur, du fait d’une confusion entre économie et finance, même s’il existe une finance saine, verte - obligations vertes21 - et non toxique22. L’émission d’obligations vertes (green bonds - GB) souveraines de la France en janvier 2017 pour financer les engagements de la loi d’août 2015 de transition énergétique et écologique (TEE) est particulièrement remarquable : 7 milliards d’euros23. D’autres acteurs privés (EDF, Air Liquide, Engie) ont émis des GB. L’argent levé comme des obligations classiques doit financer des projets de transition énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique.
21 Cf. The Breen Bonds Principles - International Capital Market Association (ICMA).
22 L’article 173 de la loi TEE instaure des obligations d’information pour les investisseurs institutionnels (banques, fonds de pensions, entreprises...dont le bilan consolidé dépasse 500 millions d’euros) sur leur gestion des risques liés au climat et plus généralement l’intégration de paramètres environnementaux et sociaux (ESG) dans leur politique d’investissement.
23Taux d’émission 1,741 %, coupon 1,75 %, maturité 22 ans . Investisseurs : AXA, Amundi, Barclays, Gestionnaires de retraite (Erap, Ircantec) et ONG (WWF) ; ces investisseurs sont français (37%) et étrangers (73%).
24 Selon Stern Review 2006 : les coûts annuels d’adaptation dans les PED seraient 4 à 37 milliards USD/an. Ces chiffres sont dépassés (de 1 à 10) avec les dernières estimations du PNUE de 2015.
25 Ils peuvent malheureusement l’être, réduisant ainsi la confiance dans l’expertise et ternissant l’image des approches scientifiques.
26 Le GIEC est «certain à 95 %» que l’homme est la première cause du réchauffement planétaire actuel (AR5). On y évoque des degrés de confiance (5 qualificatifs) très faibles, faibles, moyens, élevés, très élevés, et aussi des degrés de cohérence élevés, moyens, faibles..., d’éléments qualifiés de robustes, moyens, limités..., de probable et improbable.
Ce marché des GB est en pleine expansion et est au niveau mondial de 166 milliards d’USD en 2016, même s’il est encore modeste avec 0,2 % du marché obligataire mondial. Néanmoins, une grande vigilance doit être maintenue pour veiller à la qualité « vertes » et durables des obligations émises. À côté des émetteurs et des investisseurs, les tiers de confiance (agences de notation, contrôleurs, société civile, entreprises elles-mêmes et leurs associations) doivent veiller dans ce sens, s’appuyant sur les GB principles. Les pays émergents émetteurs de GES deviennent les émetteurs de GB - qui ne doivent pas devenir des « Brown Bonds » - et les économies occidentales (l’Europe représentera 9 % des GES dans le monde en 2020) deviennent les investisseurs (placement des fonds de pensions…).
Comme évoqué plus haut dans ce texte, en 2006 le calcul de Nicolas Stern des coûts de l’inaction de 5 % à 20 % par an du PIB versus les coûts de l’action estimés à 1 %24, les calculs semblables faits en 2015 par Citigroup actualisant les coûts de l’inaction, de même que les estimations des économistes de la Banque mondiale des dégradations de l’environnement estimées à quelques % des PIB nationaux, ne semblent pas avoir eu un impact sur les politiques publiques et les décideurs. Ces chiffres, parfois contestés par leurs pairs économistes, sont perçus comme technocratiques, inexploitables et incompréhensibles25 aux citoyens.
Les politiques publiques à mettre en place questionnent les relations et interfaces entre les acteurs : chercheurs, société civile (citoyens, jeunes…), élus, administrations, agriculteurs, entrepreneurs, financiers, médias… Jusqu’où aller dans la transparence des études, quelles données communiquer (surtout s’il y a des incertitudes exprimées par des probabilités26), quel langage compréhensible et appropriable adopter ? Quels compromis accepter et pour/par quels acteurs et pour quelle période de temps ?
Les réponses sont fonction de chaque pays et des situations historiques et sociologiques. L’expérience montre que les mises en œuvre de solutions d’atténuation et d’adaptation passent désormais par la reconnaissance et l’implication de tous les acteurs de la société civile, du secteur privé, des institutions financières, des villes et autres autorités et administrations sous-nationales et nationales et par des démarches de co-construction. Il faut sans doute prendre le temps de cette concertation pour garantir l’acceptabilité sociale et la durabilité des décisions et actions : c’est « l’esprit du débat public »…
On constate, dans la plupart des pays, la montée en puissance de mouvements de la société civile de plus en plus informés, structurés et actifs localement et globalement. Les dernières COP climat ont vu l’émergence de très nombreuses initiatives, alliances, plateformes reflétant cette dynamique, même si parfois cela prend la forme d’une course à la reconnaissance médiatique.
Ainsi, les politiques publiques se déclinent en termes de recherche, de recherche - développement, de faisabilité technico économique, d’éducation, de formation, d’information, de transparence, de financements, d’emplois (jeunes entre autres…) de démocratie participative.
La mise en place de ces politiques suppose une gouvernance qui peut être définie comme la mise en œuvre d’ensembles de dispositifs ou d’outils pour assurer une meilleure coordination des acteurs de chaque secteur, chacun détenant une parcelle de pouvoir, afin de prendre des décisions consensuelles et de lancer des actions concertées. Ces processus liés à la gouvernance nécessitent des connaissances fiables et transparentes (open data), des systèmes de collectes de données physiques ou socio-économiques, une éducation à la compréhension des problèmes et des contraintes, une communication appropriée.
S’agissant des changements climatiques au sens large, les instruments et outils de gouvernance sont multiples : la tarification, les subventions publiques, les lois et règlements27, les normes officielles, les standards industriels…
Cela inclue également la planification et les documents de programmations (PANA, MAAN, GEMAPI, Plans climat territoriaux, SDAGE et SAGE pour les ressources en eau basés sur la GIRE ou la GIZC…28), et plus globalement les accords, conventions, protocoles, nationaux (PNACC…), régionaux (Convention de Barcelone, gestion des eaux transfrontalières de surface29 ou souterraines…) européens (Directive-cadre eau, Déclaration d’Amsterdam…30) et internationaux (Conventions (COP) et protocoles (CMP) des Nations Unies (climat, réduction des risques et des catastrophes, biodiversité, désertification, polluants chimiques persistants, ozone, zones humides, mercure, eau…), les 17 Objectifs du Développement Durable à 203031.
28 Exemple de la Durance en France avec une communauté de gestion du bassin pour discuter et établir des compromis sous présidence d’un médiateur les usages évoluant avec le temps.
29 Cas des agences/autorités de gestion du Rhin, du Danube, du Sénégal, du Niger, du Nil du Mékong, de l’Irtish...
30 Signée en décembre 2016, et visant à soutenir l’engagement du secteur privé de s’approvisionner à 100 % en huile de palme durable en Europe d’ici 2020.
31 Dont en particulier l’Objectif n° 17 : partenariats pour la réalisation des objectifs (cf. le Plan d’actions Lima-Paris avec plus de 70 coalitions, 180 pays et 10 000 acteurs...). Les acteurs de la mise en œuvre des décisions devraient mieux participent à cette gouvernance.
e.
Conclusions
Le XXIème siècle se caractérise par une inversion des raretés par rapport aux siècles précédents (ressources naturelles et démographie) et nous savons que la « maison » brûle et qu’il faudrait plusieurs planètes avec nos consommations actuelles et futures.
Compte tenu de la multiplicité des aspects liés à l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques ces concepts ont le mérite de nous permettre de revisiter nos choix de développement à la lumière des enjeux des biens communs dans un sens plus soutenable ou durable, peut-être même plus désirable et construire la « transition énergétique et écologique » en France ou construire une « civilisation écologique » comme l’affirme la Chine. Il nous appartient, avec la jeunesse éclairée et imaginative d’aujourd’hui, de tracer ce futur.
La tâche est immense sur les plans méthodologiques, institutionnels, financiers, politiques, culturels.
À cet égard, il convient de souligner la question de la langue française dans les débats sur l’adaptation, l’atténuation et, d’une manière générale sur les changements climatiques. Les pays en développement francophones, souvent PMA, devraient mieux s’affirmer dans les discussions, négociations et décisions internationales sur le climat, quasiment toujours tenues en anglais, et plus généralement sur les sujets environnementaux et de développement.
Selon l’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine « La langue anglaise est un fusil à plombs : le tir est dispersé. La langue française est un fusil qui tire à balle, de façon précise ». Un effort particulier d’appui vers la communauté francophone est justifié, ce que s’efforce de faire l’Organisation internationale de la Francophonie et l’Institut de la Francophonie pour le Développement durable.
Des sujets tels que l’eau et la biodiversité y compris leurs liens avec la culture sont particulièrement portés par la France et devraient contribuer à la diffusion de messages en langue française.
D’autre part, il convient également de mentionner le rôle original des associations telles que l’Académie de l’Eau dans cette dynamique, think tank indépendant, prospectif, transdisciplinaire, intersectoriel, international.
C’est le but de cette société savante de contribuer à la construction de problématiques et de débats sereins relatifs à l’eau au sens large intégrant la problématique de l’adaptation aux changements climatiques, avec une vision historique, culturelle et prospective et une démarche intergénérationnelle.
C’est aussi sa vocation de s’efforcer d’assurer leur compréhension par la société civile et les élus, en France, dans les autres pays du bassin méditerranéen, et dans le monde avec un langage le plus rigoureux et clair possible.