L’évolution de la réglementation des produits pour le traitement de l’eau et des modalités de mise en œuvre favorise l’émergence rapide de nouvelles spécialités chimiques et de nouvelles approches de traitement. Du fait des avancées technologiques et de la masse de plus en plus importante de données inhérentes à chaque installation, la notion d’expertise prend tout son sens. Interlocuteurs privilégiés des industriels et institutionnels pour les problématiques liées à l’eau, les professionnels du traitement de l’eau, rassemblés au sein du Syprodeau, développent une expertise avancée dans ces domaines.
L’eau est un bien précieux et tout doit être mis en œuvre pour en préserver et en garantir la qualité.
La qualité de l’eau n’est pas un problème moindre que sa disponibilité. L’état actuel des ressources planétaires en eau douce (moins de 3 %) doit appeler notre attention, tant au plan individuel qu’industriel, quant à sa consommation toujours grandissante, sa pollution et son coût.
En complément de la protection de la ressource en eau, l’utilisation d’additifs chimiques pour le traitement de l’eau contribue à l’amélioration de la ressource en permettant la diminution de la consommation d’eau et en limitant les pollutions dans le milieu naturel.
Les impératifs de qualité de l’eau diffèrent largement en fonction de ses usages : la potabilisation pour la consommation humaine, le refroidissement, la production de vapeur et d’énergie, le lavage et bien sûr les différents procédés industriels.
Ainsi, dans cet environnement, l’avertissement est clair quant à la nécessité d’une meilleure utilisation des ressources naturelles et d’une chimie toujours plus responsable et protectrice de l’environnement.
Le développement et la croissance durable supposent des investissements conséquents dans l’innovation technologique, financière et sociale et des développements adoptant des technologies ou des modèles moins gourmands en matières premières et en énergie.
L’évolution de la réglementation impactant la profession
Un des éléments impactant directement le métier du traitement de l’eau est la mise en place de réglementations dont les plus importantes sont listées ci-dessous.
Legionella
Depuis plus de 15 ans, des réglementations visant à limiter le risque « Légionelle » existent au niveau de l’eau chaude sanitaire et des systèmes de refroidissement.
Depuis la parution de ces textes, tous les acteurs du marché ont mis en place des plans d’action permettant une baisse significative et une meilleure maîtrise du risque Légionelle. Les améliorations ont été obtenues grâce à de multiples facteurs comme la conception, le suivi, la maintenance des installations en parallèle à un traitement chimique mieux adapté.
Rejets et contraintes environnementales
Plusieurs textes s’appliquent aux rejets dans l’eau au titre des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE).
La directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), dite IED, est une refonte de la directive IPPC qui vise les « activités industrielles polluantes ».
Les grands principes de l’IED sont la prévention des pollutions, l’obligation de détenir une autorisation et la mise en place de valeurs limites d’émission au niveau des permis, fondées sur les Meilleures Techniques Disponibles : BREF (Best Available Technologies REFerences).
L’IED impose des techniques d’abattement des polluants performantes et parfois coûteuses et des limites d’émissions associées très basses : elle impose aux industriels une politique de rejets particulièrement rigoureuse.
Les arrêtés ministériels sectoriels sont pour certains révisés à l’occasion de la transposition de l’IED en droit français.
L’arrêté du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature s’applique aux ICPE soumises à autorisation.
L’action nationale 3RSDE (Recherche et Réduction des Rejets de Substances Dangereuses dans l’Eau), représentant la mise en œuvre, pour les industriels en France, de la directive-cadre sur l’eau, est encadrée par différents textes.
Tout traitement d’un circuit de réfrigération doit donc impérativement tenir compte de la directive IED, des textes français de transposition, du (ou des) document(s) BREF correspondant(s) et des arrêtés ministériels qui s’appliquent.
Réglementation produits chimiques REACH
Depuis le 1er juin 2007, le règlement (CE) n°1907/2006 du 18.décembre 2006, dit règlement REACH², s’applique dans l’Union européenne. Il vise à améliorer la connaissance des propriétés intrinsèques (propriétés physico-chimiques et propriétés de danger) des substances chimiques et à mieux maîtriser les risques liés à leurs utilisations.
REACH² vise également une politique de substitution des substances les plus préoccupantes au travers notamment de la procédure d’autorisation.
CLP
Le règlement (CE) n°1272/2008 du 16.décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (règlement dit CLP pour « Classification, Labelling and Packaging ») concerne l’application dans l’Union européenne des règles fixées au niveau international par le GHS (système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques).
Il doit être appliqué aux substances depuis le 1er décembre 2010 et aux mélanges depuis le 1er juin 2015.
Biocides
Depuis le 1er septembre 2013, le règlement (UE) n°528/2012 du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides a remplacé la directive 98/8/CE concernant la mise sur le marché des produits biocides.
Ce règlement prévoit l’approbation des substances actives biocides au niveau de l’Union européenne ainsi que l’autorisation de chaque produit biocide par le ou les États membres dans lesquels il est mis sur le marché ou utilisé. Pour certains types de produits biocides, il est possible de demander une autorisation au niveau de l’Union européenne (nouvelle procédure).
L’évolution des outils technologiques et émergence de nouveaux modes de travail : Monitoring et Génération Internet - communication en « live »
En plus de l’émergence de nouvelles spécialités chimiques et de nouvelles approches de traitement (comme par exemple l’utilisation de dispersants organiques à la place de traitements à base de phosphate, la réduction des métaux lourds dans les programmes de traitement, le développement de l’approche « biocide oxydant » en remplacement des biocides organiques), deux autres évolutions sont apparues durant ces 20 dernières années.
L’évolution des outils technologiques et l’arrivée sur le marché des possibilités liées à Internet ont commencé à modifier les programmes de traitement et l’approche au niveau des installations (systèmes de refroidissement, chaudières et eaux résiduaires).
La première grande évolution a été la mise en place d’automatismes de plus en plus sophistiqués au niveau des applications avec le passage de la simple injection de produits chimiques, via une horloge ou un compteur, à la mesure en continu des actifs contenus dans les spécialités chimiques injectées ou à l’analyse en continu des résultats obtenus (entartrage, corrosion et biofilm) au niveau des systèmes. Cette évolution a permis une optimisation des résultats techniques ainsi qu’une utilisation plus raisonnée des actifs chimiques utiles à l’obtention des résultats.
La deuxième grande évolution est arrivée avec la révolution Internet : elle a permis de suivre les installations de traitement en continu, via le Web, non seulement au niveau des sociétés de traitement de l’eau mais aussi au niveau de l’utilisateur final. Ce nouveau moyen de communication a bouleversé profondément le mode de travail et le support apporté par les prestataires. L’expertise et le support technique sont non seulement apportés directement sur le site industriel mais aussi à distance via une surveillance 24h/24 des installations de traitement.
Utilisation de nouveaux matériaux
La liste des différents matériaux utilisés pour véhiculer l’eau (tuyaux, pompes, robinets…) ou la stocker (réservoirs, ballons) s’est modifiée avec le temps, en raison non seulement de l’évolution de la réglementation, mais surtout de celle des connaissances sur les interactions entre le milieu et le matériau.
L’ensemble des matériaux en contact avec l’eau potable fait l’objet de nombreux essais (tests de migration…) afin de pouvoir figurer sur des listes positives de produits autorisés, toujours dans le but de protéger la santé du consommateur. Les modes de nettoyage et de désinfection des procédés sont également pris en compte afin d’assurer l’efficacité de ces opérations sans altération de l’intégrité du matériau considéré.
Par ailleurs, l’observation de désordres dans les installations qui peuvent être liés au choix du matériau et de son utilisation (température, vitesse de circulation…) a rapidement conduit à de nouvelles pratiques.
À titre d’exemple, au début des années 2000, en raison de la problématique Légionelle, d’importantes désinfections ont été réalisées sur d’anciens réseaux contaminés, provoquant des phénomènes de corrosion. Des matériaux de synthèse ont souvent été proposés en lieu et place de l’acier galvanisé. Si la corrosion ne présentait certes plus de risque pour le réseau, il n’en restait pas moins que l’entartrage ainsi que le développement de biofilm restaient toujours possibles. Un risque supplémentaire a été mis en évidence sur ces nouveaux matériaux : leur vieillissement prématuré, en liaison avec ces opérations de désinfection.
Ainsi, puisqu’il n’existe pas de « matériau idéal », le traiteur d’eau s’appuie sur l’état de l’art et sur sa propre expérience pour mettre en avant son expertise et proposer les produits adaptés et leurs conditions d’emploi en fonction des matériaux présents sur le réseau.
Apparition sur le marché de procédés « sans introduction de produit chimique »
Du fait de la volonté d’améliorer la sécurité au niveau de la manipulation des spécialités chimiques et de limiter l’impact environnemental, l’émergence de nouvelles technologies a permis dans certains cas de réduire voire de supprimer l’utilisation de produits formulés.
Cette évolution est surtout réelle au niveau des systèmes de refroidissement et de process, beaucoup plus rare sur les systèmes de chaleur.
On peut classer ces nouvelles technologies en trois grandes catégories :
• Procédés physiques de type vortex, filtration, UV, électromagnétique, etc.
• Procédés de production sur site de biocides à partir d’équipements et éventuellement de précurseurs chimiques : électrochloration, ozone, etc.
• Procédés biologiques (enzymes, amibes…).
Cependant, toutes ces technologies ne peuvent remplacer systématiquement les procédés avec produit chimique. En effet, chaque application est différente, avec des conditions de fonctionnement variables : il est donc difficile d’avoir une technologie qui fonctionne dans tous les cas de figure.
Par ailleurs, afin d’appréhender toutes les problématiques liées aux installations de refroidissement (compatibilité des traitements, risque de corrosion et d’entartrage, contrôle microbien…), les fournisseurs de ce type de technologies se doivent de posséder les compétences techniques au niveau du conditionnement d’eau ainsi que la connaissance des réseaux. En tout état de cause, il importe que l’ensemble des technologies, quelles qu’elles soient, réponde à des exigences de même niveau en termes de sécurité ainsi que de protection de l’environnement et de la santé.
Conclusion
Les points abordés précédemment ont eu un impact considérable sur le métier du traitement de l’eau lors de ces 10 dernières années.
Tout d’abord, les différentes contraintes décrites ci-dessus ont permis l’émergence de nouvelles spécialités chimiques et de nouvelles approches de traitement.
Du fait des avancées technologiques et de la masse importante de données inhérentes à chaque installation, la notion d’expertise prend tout son sens. Les professionnels du traitement de l’eau, rassemblés au sein du Syprodeau, sont des interlocuteurs privilégiés des industriels et institutionnels pour les problématiques liées à l’eau car ils disposent de la connaissance des contraintes et avancées dans le domaine.
Enfin, le métier évolue de plus en plus vers une utilisation responsable et raisonnée des spécialités chimiques afin de répondre aux demandes du marché. L’approche multiple « produit chimique/matériel/automatisme », qui permet d’obtenir de meilleurs résultats techniques en réduisant la consommation des spécialités chimiques à ce qui est nécessaire et en limitant l’impact environnemental, devient donc un standard de la profession dans son approche technique et commerciale.
Les professionnels du traitement de l’eau jouent ainsi un rôle moteur dans cette approche car ils offrent des solutions techniquement et économiquement viables tout en respectant et protégeant la santé et l’environnement.
1 La circulaire du 4 février 2002, la circulaire du 5 janvier 2009 et ses 6 annexes, la note du 23 mars 2010 qui précise certains termes de la circulaire du 5 janvier 2009, la note du 27 avril 2011 qui définit notamment les étapes ultérieures à la surveillance initiale, la note du 19 septembre 2011 et la trame de l’étude technico-économique.
2 REACH pour enRegistrement, Evaluation et Autorisation des substances Chimiques (ainsi que les restrictions applicables à ces substances).