Un chef-d’œuvre du génie hydro-agricole au Moyen-Âge : l’étang de Montady
29 avril 2020Paru dans le N°431
à la page 90 ( mots)
Près de 12.000 ans après sa création, l’ancien étang de Montady demeure une véritable curiosité et surprend chaque année les milliers de visiteurs qui le découvrent. Son drainage au 13ème siècle est à l’origine d’un paysage unique au monde dont l’empreinte est toujours bien visible aujourd’hui. Elle prend la forme d’un réseau de canaux radiaux à la géométrie parfaite, rayonnant à la manière d’un soleil. Si bien que l’ancien étang de Montady reste, aujourd’hui encore, l’un des paysages anthropisés les plus étonnants de France.
Nous sommes il y a 5 millions d’années dans ce que nous appelons aujourd’hui le Bas-Languedoc, à une trentaine de kilomètres au sud des premiers reliefs montagneux du Minervois et à une dizaine de kilomètres du littoral languedocien, dans une cuvette naturelle de 425 ha, creusée par les vents, comme bien d’autres en Biterrois.
Les reliefs, qui seront occupés bien plus tard par l’oppidum d’Ensérune et le vieux village de Montady, encadrent déjà ce qui deviendra l’étang de Montady. Ils correspondent à deux vallées de l’époque tertiaire creusées par l’érosion puis remblayées à la fin du miocène.
Il y a 2 millions d’années, durant la période périglaciaire, un climat froid et sec, ponctué de vents violents, façonne les paysages et charrie des minéraux qui, en tourbillonnant entre des terres plus dures, creusent une cuvette. La montée temporaire du niveau de la mer, il y a 12.000 ans, provoque la mise en eau de la cuvette. L’étang de Montady est né.
Un marais saumâtre aux eaux stagnantes
Mais après le retrait de la mer, l’étang ainsi crée, fonctionne de façon indépendante, à la manière d’une cuvette collectrice, uniquement alimenté par les eaux de ruissellement. Son bassin versant est assez modeste, environ 2.000 hectares, et se divise en plusieurs vallons et versants. Les caractéristiques de ce site font de l’étang de Montady un milieu complètement fermé, hermétique aux entrées fluviales mais aussi marines.
L’étang est alors déjà sous l’influence du climat méditerranéen qui se traduit par un excès d’eau lors des précipitations d’automne et un déficit hydrique important en été qui le transforme en un marais saumâtre aux eaux stagnantes, cause de nombreuses épidémies. A tel point qu’en 1247, l’archevêque de Narbonne donne toutes facilités à quatre riches bourgeois de Béziers pour entreprendre les travaux nécessaires au drainage de l’étang.
Une charte est signée en 1249. Le principe du drainage est relativement simple : des canaux radiants convergent vers un canal circulaire et drainent l’eau vers le centre du site sur la base d’un dénivelé de 1 mètre entre l’extérieur et le centre, point le plus bas de l’étang. Au centre de l’émissaire, l’eau du canal circulaire est recueillie dans un fossé creusé à contre pente, prolongé par une galerie longue de 1.300 m, creusée sous la colline de l’oppidum d’Ensérune. Ce fossé conduit les eaux jusqu’à un ruisseau aujourd’hui appelé « ruisseau de Montady » qui se dirige vers l’Ouest. Cet aménagement constitue une véritable prouesse pour les ouvriers et maîtres d’œuvre du Moyen-Âge. Car si cette galerie a été creusée dans une formation constituée d’alternances calco-marno-sablo-gréseuses, pas trop difficile à excaver, leur résistance, notamment vis-à-vis des éboulements était largement incertaine.
Une entreprise exceptionnelle par son ampleur
Ainsi drainé, l’ancien étang est divisé en parcelles triangulaires appelées « pointes » qui convergent au centre pour dessiner une roue quasi-circulaire. L’entreprise est remarquable par son ampleur, près de 425 ha, avec des limites parcellaires rectilignes allant jusqu’à 1,5 km de longueur, mais aussi par les aménagements hydrauliques qui présentent une réelle originalité. Le réseau de drainage se compose d’un réseau primaire d’environ 10 kilomètres et d’un secondaire de 80 kilomètres de long. Des fossés bordent les parcelles triangulaires pour amener l’eau dans un fossé circulaire, le redondel, à 160 m du centre, le point le plus bas de l’étang. Trois canaux principaux, appelés mairouals drainent les ruisseaux du bassin de l’étang jusqu’au canal principal, le grand mairoual, chargé de l’évacuation de l’ensemble des eaux collectées : l’eau ainsi collectée quitte l’étang au sud par une galerie souterraine de 1.360 m sous la colline de l’oppidum d’Ensérune afin de rejoindre les étangs de Poilhes et de Capestang, après un parcours de plus de 4 km.
Dans la deuxième partie du XIX’ siècle, les exploitants plantent des vignes dans la cuvette de Montady. Car avec l’irruption du phylloxéra qui décime la viticulture, l’étang devient un espace convoité : la seule manière de lutter contre la maladie est d’irriguer les vignes en hiver. La plupart des possesseurs de pointes se regroupent alors pour créer un canal d’arrosage alimenté par le canal du Midi, proche de la dépression, mais jusque-là, sans aucun lien avec elle.
L’assèchement de l’étang de Montady associé à ce dispositif d’irrigation va permettre de mettre en culture 420 hectares de terres agricoles, toujours exploitées aujourd’hui. On y cultive désormais des céréales, d’un meilleur rendement, au détriment de la vigne.
Mais aujourd’hui encore, malgré les aménagements structurels et techniques effectués au cours des siècles, le site est toujours qualifié « d’étang de Montady ». C’est que lors de grosses pluies, l’étang retrouve temporairement sa configuration initiale, avant que les tranchées et la galerie, réalisées au Moyen-Âge, ne se chargent, aujourd’hui encore, d’évacuer l’eau en excès.
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le