Déconnecter les eaux pluviales en les gérant à la source
En France, entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés chaque année (source ministère de la transition écologique), ce qui augmente le ruissellement des eaux pluviales sur des surfaces imperméabilisées où elles se chargent en polluants (notamment les hydrocarbures), et engorgent les réseaux d’assainissement unitaires.
En favorisant l’infiltration de l’eau de pluie là où elle tombe, la désimperméabilisation des sols permet de réduire la pollution et préserver la qualité des cours d’eau et des nappes en limitant la collecte d’eau de pluie dans les réseaux unitaires afin de réduire leurs débordements et les rejets vers les rivières.
Mieux gérer les eaux de pluie, c’est aussi un moyen de s’adapter au changement climatique car les eaux infiltrées rechargent directement les nappes souterraines. Et les solutions fondées sur la nature mises en œuvre, telles les noues végétalisées ou encore les jardins de pluie, permettent bien souvent de végétaliser les villes et ainsi de lutter contre les îlots de chaleur l’été. C’est une nécessité dans des villes minérales qui vont devenir très chaudes. On estime à au moins 1,5 degré la différence de température entre un milieu urbain et un jardin ombragé. Ces solutions sont également bonnes pour la biodiversité.
Enfin, les collectivités peuvent réaliser des économies en investissement et en exploitation, en réduisant la taille des ouvrages d’assainissement et en traitant moins d’eau dans les stations de traitement des eaux usées.
Depuis 2019, l’agence de l’eau a investi 32 M€ pour la désimperméabilisation des sols
Depuis le début de son 11ème programme d’intervention (2019-2024), l’agence de l’eau a apporté 32 M€ d’aides pour plus de 250 opérations (études, animation et travaux) portées par des collectivités territoriales et des aménageurs du bassin Rhône-Méditerranée, dont les projets conduisent à la déconnexion des eaux pluviales par la désimperméabilisation de presque 130 hectares.
Les collectivités sont le maillon central de ce changement de pratique parce qu’il répond à des enjeux environnementaux et sanitaires ainsi qu’à des attentes sociétales pour des villes qui laissent davantage place à la nature. Voiries, parkings, cours d’école… sont autant d’espaces à désimperméabiliser (déconnexion des eaux de pluie) et à réinventer en leur associant d’autres usages propices à la biodiversité et au bien-être. Dans le cadre de son appel à projets « Aménagez un coin de verdure pour la pluie », l’agence de l’eau a notamment apporté 28 millions d’euros pour reverdir les cours d’écoles d’une centaine d’établissements scolaires et infiltrer l’eau dans des zones qui seront désimperméabilisées et en partie végétalisées.
La preuve par l'exemple
Le contrat du Chalonnais : 7,7 hectares rendus perméables d’ici 2023
La ville de Chalon-sur-Saône, la Communauté de communes Sud Côte Chalonnais , l'agglomération du Grand Chalon et l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse sont engagées dans un contrat pour une gestion durable des services d’eau et d’assainissement sur le territoire du Grand Chalon et une restauration des milieux aquatiques sur les bassins versants de la Corne et des petits affluents de la Saône entre Dheune et Corne. Ce contrat signé avec le Grand Chalon engagera plus de 32 millions d’euros de travaux dont près de la moitié sera apportée par l’agence de l’eau. 2,6 millions d’euros de travaux devraient permettre la désimperméabilisation de 7,7 hectares de surface active d’ici à fin 2023.
Euroméditerranée investit 94 M€ dans la rénovation urbaine
L’établissement public d’aménagement Euroméditerranée porte un contrat pour la désimperméabilisation des sols et la restauration des cours d’eau en milieu urbain. Doté de 94 M€ dont 13,7 M€ apportés par l’agence de l’eau, il permettra d’améliorer le fonctionnement du système d’assainissement de l’agglomération de Marseille, de désimperméabiliser 12,4 hectares de sols et de restaurer la morphologie du cours d’eau des Aygalades sur un linéaire de 200 mètres dans le cadre des travaux de création du parc Bougainville. Le projet d’aménagement de ce parc, ancienne friche située aux portes des quartiers nord de Marseille, s’inscrit dans un projet de rénovation urbaine Euromed. En cas d’orages torrentiels, le nouveau lit du cours d’eau facilitera la rétention naturelle de quelque 150 000 m3 d’eau pour réduire les risques d’inondations en aval et le lessivage des sols pollués. L’aménagement en jardin humide permettra aussi de réintroduire en ville une biodiversité disparue. Le parc Bougainville est le premier tronçon d’une future coulée verte de 14 hectares nommée parc des Aygalades. Annoncée pour 2028, la réalisation de cette seconde tranche devrait permettre de restaurer, à terme, 1 kilomètre de cours d’eau et de désimperméabiliser 20 hectares.
La démarche du Grand Narbonne : moins d’inondation à la clé
La désimperméabilisation des sols est devenue une préoccupation forte de la communauté d’agglomération du Grand Narbonne. L’infiltration des eaux dans les sols présente de nombreux avantages dans ce territoire soumis à des risques importants d’inondation, avec près de 40 % de la population potentiellement impactée. Plusieurs projets sont à l’étude, en cours ou réalisés sur le territoire de l’agglomération. La Ville de Narbonne a, par exemple, désimperméabilisé un parking en centre-ville ainsi qu’un espace public à Narbonne Plage. Une zone urbaine est aussi désimperméabilisée à Port Leucate. Des communes, telles que Bize-Minervois et Cuxac d’Aude désimperméabilisent et végétalisent leurs cours d’écoles. La dynamique se met en place progressivement en bénéficiant du travail partenarial initié par la DDTM de l’Aude, le Cerema, l’agglomération du Grand Narbonne et l’agence de l’eau.
Le Grand Lyon impose la désimperméabilisation dans ses chantiers
Pionnière en matière de gestion des eaux pluviales, la Métropole de Lyon s’est engagée dans le projet Ville perméable organisé autour de quatre axes centraux : protéger les milieux naturels et la ressource en eau ; lutter contre les îlots de chaleur ; faciliter le retour de la nature en ville ; s’adapter et réduire la vulnérabilité aux risques d’inondation. Par exemple dans le quartier de Lyon-Gerland, le secteur Pavillons-Fontenay est en pleine mutation et s’adapte aux nouveaux usages en accordant une grande place aux végétaux et à la désimperméabilisation des sols. 83 % des surfaces seront déconnectées du système d’assainissement, les eaux pluviales seront dirigées dans les espaces verts via la création de 7 jardins de pluie et de 2 placettes inondables. La présence des arbres sera également renforcée avec 37 arbres supplémentaires par rapport à l’existant afin d’apporter de la fraîcheur et de soutenir la biodiversité. L’agence de l’eau finance à hauteur de 185 K€ les dispositifs d’infiltration estimés à 463 K€. Le projet global d’aménagement est évalué à 8 millions d’euros.