Le 4ème voyage d’études annuel du RISPO se déroulera du 19 au 21 octobre en Autriche. Quelque 40 participants sont attendus à Vienne pour échanger et faire le point avec des industriels et experts locaux reconnus du compostage et de la méthanisation et avec le ministère fédéral de l’Environnement. Rencontre avec Emmanuel Adler, président de l’association et Philippe Pignat, consultant et membre de la commission Communication du RISPO.
L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES : Alors que le gouvernement appelle les acteurs économiques à baisser de 10% leur consommation d'énergie, il reste de nombreux obstacles à la transformation des boues et biodéchets en biogaz. Dans quelle mesure le RISPO peut-il aider à passer à l'action et à lever les freins de la filière de la gestion des déchets organiques à brève échéance ?
Emmanuel Adler : Sans a priori ni tabou, le RISPO est un réseau qui s’intéresse à beaucoup de choses et qui aborde des sujets très divers et variés s’appliquant aux déchets organiques issus des collectivités, de l’industrie et de l’agriculture, ainsi qu’aux bonnes pratiques.
Une règle non écrite mais très appréciée de nos adhérents veut que nous organisions tous les ans un voyage d’études à l’étranger. L’idée étant de sortir des problématiques franco-françaises pour s’ouvrir à des technologies ou des expériences différentes et enrichissantes.
Nous entretenons des relations étroites avec des associations belge, helvète, italienne, suisse ou autrichienne qui nous permettent d’explorer le potentiel de la gestion des déchets organiques en Europe.
En 2021, après la Suisse en 2018 et l'Italie en 2019, le séminaire en Belgique a permis d’aborder les spécificités de la technologie de méthanisation des déchets ménagers développée avec système d'affinage et de visiter près d’Anvers une unité de méthanisation majeure en Belgique puisqu’elle valorise tous les composants des déchets organiques et produit 50 GW de biogaz par an.
Philippe Pignat : Le RISPO est un moyen d’échange intelligent sur des solutions qui peuvent exister à l’étranger mais aussi en France. Les journées techniques et les voyages d’études sont là pour les mettre en valeur, pour faire réfléchir et mettre le doigt sur des problématiques.
Aujourd’hui, tout exploitant qui se respecte à vocation à baisser sa consommation d’énergie. Qu’il s’agisse du domaine du compostage, qui s’appuie principalement sur l’énergie thermique pour faire tourner les matériels, ou du domaine de la méthanisation qui nécessite de passer par des outils de conditionnement pour hygiéniser les biodéchets, la question de l’énergie et des gains d’énergie à trouver est centrale.
Partant de ce constat, pour ce 4ème voyage d’étude, le choix de l’Autriche, qui est un pays très pragmatique, est un choix plutôt pertinent.
E.I.N. : L’Autriche figure en effet parmi les pays de l’Union européenne où le recyclage des biodéchets est champion. Pouvez-vous détailler le programme du voyage qui se déroulera à Vienne les 19 et 20 octobre ?
P.P. : L’Autriche est un pays fédéral de 9 millions d’habitants, qui n’ayant pas d’énergie nucléaire, reste très vigilant sur ce qu’il consomme. Sur le territoire, le tissu industriel de l’organique est pour le moins important : on dénombre environ 480 installations de compostage qui représentent une capacité annuelle de l’ordre de 1,9 million de tonnes soit 210 kg/habitant/an via le compostage et la digestion anaérobie.
Si l'on inclut le marché du compost et de l’énergie renouvelable, la valeur économique de la collecte sélective et du traitement biologique des déchets organiques est de 94 €/t ou 20 €/habitant. Sur la base de 30 années d'expérience en Autriche, chaque 1 100 tonnes de biodéchets collectés séparément et recyclés permet de créer UN emploi vert à part entière.
Pour permettre aux participants de trouver les réponses les plus adaptées à leurs besoins, nous avons structuré le voyage d’études autour du tryptique : boues, déchets organiques, déchets verts.
Le choix qu’on a fait n’est pas anodin puisque on va visiter des sites qui ont évolué dans le temps et qui correspondent bien à l’esprit qu’on trouve en Autriche.
Hubert Seiringer, le président de l’association KOMPOST und BIOGAS, qui regroupe 75 industriels autrichiens de l’organique, nous accueillera jeudi 19 sur le site de compostage historique de la société Seiringe qui est une démonstration des solutions de pointe pour la gestion des déchets.
A Traismeuer, on visitera une unité de compostage des boues exploitée par KVA, qui bien qu’ancienne (plus de 15 ans), a investi dans le compostage des boues à ciel ouvert avec du bâchage.
A Langenlois, la société Brantner nous présentera la Technologie COMPOnent en hall fermé avec aération positive et traitement d’air, et maturation extérieure par retournement mécanisé utilisée pour le compostage industriel de biodéchets avec un investissement qui lui a permis en 2021 de passer d’une capacité de 10.000 t/an à 35.000t/an
Enfin comme point d’orgue des visites, Horst Muller, directeur de la société éponyme nous présentera l’unité de méthanisation de Vienne mise en service en 2007 pour une capacité de 22.000 t/an de biodéchets qui produit 1,5 million m3 de biogaz alimentant ainsi 1.000 foyers par an.
E.I.N. : Selon vous, que peuvent tirer les
exploitants de ces 2 journées d’études ?
P.P : Même si certains participants sont très bien dotés, ils vont découvrir le pragmatisme autrichien. En France, aussi bien sur le compostage que la méthanisation, il y a encore de quoi faire. Le compostage doit être valorisé plus qu’il ne l’est aujourd’hui. On a de la matière organique en quantité et les techniques de compostage sont au point aujourd’hui. Encore, faut-il les mettre en œuvre…
E.A : Ces journées sont aussi l’occasion d’initier des débats qui devront se poursuivre dans le cadre de groupes de travail dédiés ou à créer. Il est très important que les débats se prolongent. A fortiori sur une thématique comme celle de la gestion des déchets organiques, sur laquelle en France nous avons besoin de pédagogie et de sensibilisation
Propos recueillis par Pascale Meeschaert