Le SIAAP, syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne, publie cet automne aux Éditions Johanet un ouvrage qui retrace l’évolution de la qualité de la Seine depuis la fin du XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui en lien avec l’évolution du système d’assainissement. Retour sur cette trajectoire d’amélioration avec François-Marie Didier, président du SIAAP, Vincent Rocher, directeur délégué à l’innovation, la stratégie et l’environnement et Sabrina Guérin, directrice innovation.
L’eau, l’industrie, les nuisances : Pourquoi l’histoire de l’assainissement francilien est-elle singulière ?
FMD : À la fin du XIXème siècle, la Seine est un égout à ciel ouvert. C’est grâce à la révolution industrielle et urbaine qu’un système d’assainissement performant a été façonné. Une dynamique initiée par l’action visionnaire du préfet Haussmann et appuyée par le savoir-faire des ingénieurs et des opérateurs de son temps. Ce livre témoigne de cette grande histoire. Il s’intéresse à l’évolution de la qualité du fleuve depuis le début du siècle dernier. Le lien entre les grandes étapes du déploiement de l’assainissement francilien et l’évolution de la qualité de la Seine est mis en lumière. Ce livre se situe à la frontière entre le récit historique et l’ouvrage technique. Il propose un voyage de plus d’un siècle, qui débute à l’époque où les eaux d’égout étaient épandues sur les champs agricoles et la Seine asphyxiée, pour finir aujourd’hui, avec un système d’assainissement performant qui protège la Seine et préserve sa qualité.
L’eau, l’industrie, les nuisances : Quelle a été l’action du SIAAP dans cette histoire de reconquête de la qualité de l’eau des cours d’eau franciliens ?
FMD : Le SIAAP, créé en 1970, a porté la dynamique de bâtisseurs de l’eau dans un contexte francilien fait de croissance démographique et d’expansion urbaine. Ce sont plus de cinquante années de mutation du système d’assainissement francilien qui ont conduit à une réduction drastique des flux de matière apportés au fleuve, avec bien sûr des bénéfices spectaculaires en termes de biodiversité. Il faut se rappeler qu’en 1970, malgré les efforts consentis dans la première partie du XXème siècle, la Seine est biologiquement morte. Sans oxygène, la vie ne peut s’installer, on dénombre à cette époque seulement 3 espèces de poissons. Aujourd’hui nous dépassons les 35 espèces de poissons en Seine et en Marne.
VR : Plus de cinquante années seront nécessaires, de 1970 à aujourd’hui, pour changer radicalement le visage de l’assainissement francilien. Cette mutation du système d’assainissement francilien va s’opérer en trois grandes étapes. Entre 1970 et 1980 aura lieu une véritable montée en puissance du traitement industriel, principalement avec l’augmentation forte de la capacité de traitement de l’usine d’Achères. La période 1980-1990 est, quant à elle, considérée comme une période charnière dans l’assainissement parisien. Cette décennie permettra de poursuivre l’augmentation de la capacité de traitement globale, par la construction d’autres usines d’épuration, mais surtout de préparer, par une recherche expérimentale active, la mutation des usines. Elle s’opérera en plus de 25 ans, de 1990 à aujourd’hui, et consistera à améliorer la qualité du traitement réalisé, passant d’un traitement unique de la pollution carbonée à un traitement complet du carbone, de l’azote et du phosphore, et en privilégiant le déploiement de traitement par culture fixée (biofiltres) dans une recherche de compacité des installations.
L’eau, l’industrie, les nuisances : Comment l’innovation a-t-elle irrigué cette trajectoire ?
VR : Durant tout le XXème siècle, l’évolution des techniques d’assainissement s’est faite au rythme de la progression scientifique. Déjà au début du siècle dernier, ce sont les travaux scientifiques portés par les scientifiques Andern et Locket (1914), puis les essais expérimentaux menés en région francilienne dans les années 1920-1940 qui ont contribué à faire émerger la boue activée. Elle sera déployée à grande échelle en 1940, avec la construction de la première tranche de traitement biologique à Achères. Ce lien entre progrès scientifique et développement industriel, on le retrouve dans les années 1980, avec les travaux du Centre de Recherche Interdépartemental pour le traitement des Eaux Résiduaires (CRITER), qui expérimente les traitements de l’azote. Recherches qui seront suivies du déploiement de ces procédés d’abord sur l’usine de Valenton, puis sur l’ensemble des usines de l’agglomération francilienne.
SG : Il est à noter que les avancées scientifiques et techniques nous ont aussi permis d’améliorer notre observation du milieu naturel : suivre de plus en plus de paramètres, disposer de données en temps réel et imaginer de nouvelles manières de les surveiller. Dès les années 1990, le SIAAP a ainsi créé l’observatoire de la rivière, MeSeine. D’une simple mesure de l’oxygène à ses débuts, les technologies utilisées ont fortement évolué pour répondre aux demandes qu’elles soient opérationnelles, règlementaires ou sociétales. Toutes ces innovations permettent aujourd’hui d’avoir une vision plus précise et plus intégrée de la qualité de nos rivières, et de pouvoir proposer un ouvrage tel que celui-ci !
L’eau, l’industrie, les nuisances : Cet ouvrage retrace un héritage historique, mais regarde-t-il aussi vers l’avenir ?
SG : En effet, cet ouvrage vise à mettre en lumière le lien entre les grandes étapes de l’assainissement parisien et l’évolution de la qualité de la Seine. Il s’agit de s’appuyer sur quelques indicateurs clés, tels que les concentrations en oxygène dissous, en carbone organique, en azote, en phosphore ou en bactéries indicatrices de contamination fécale, pour montrer l’amélioration de la qualité de la Seine induite par la mutation de l’assainissement conduite ces quarante dernières années. Cet ouvrage va plus loin en intégrant, dans une troisième partie, un éclairage sur les nouveaux enjeux auxquels est soumis le fleuve, et avec notamment deux chapitres qui font la synthèse des connaissances acquises avec nos partenaires scientifiques sur le transfert des micropolluants dans le continuum système d’assainissement – usine d’épuration – rivière ; on y parle ainsi de médicaments et de microplastiques. Dans cette partie prospective, il s’agit également de se projeter dans un horizon plus lointain, dans un contexte de changement climatique qui accentuera certainement la fragilité de nos rivières.
L'ouvrage est à retrouver sur inneauvation.fr