Deux décrets publiés au Journal officiel du 14 avril dernier, passés quasiment inaperçus, modifient pourtant profondément le régime des installations classées en mettant en ?uvre un nouveau régime, celui de l'enregistrement.
De quoi s'agi-t-il ?
On compte aujourd'hui en France environ 500.000 installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) répertoriées selon deux régimes : déclaration ou autorisation. 450.000 installations ne font l'objet que d'une déclaration et 50.000, réputées plus dangereuses, sont soumises à autorisation préfectorale. Parmi ces 50.000 installations, 1.200 sont dites «Seveso» en raison de leur dangerosité potentielle et en référence à l'accident industriel survenu en Italie en 1976, et la moitié d'entre elles, encore plus sensibles, « Seveso seuil haut ».
Tels sont, ou plutôt tels étaient, jusqu'à la parution des décrets du 13 avril 2009, les fondements juridiques des installations classées en France résultant de la loi du 19 juillet 1976.
Car la crise étant passée par là, le gouvernement a déposé un projet de loi visant à accélérer les programmes de construction et d'investissement publics et privés. Votée, la loi du 17 février 2009 l'a habilité par son article 37 à créer par voie d'ordonnance un troisième régime, l'enregistrement, intermédiaire entre l'autorisation (procédure lourde justifiée pour des établissements d'une certaine taille) et la déclaration (procédure plus simple et sans possibilité d'opposition de la part de l'Etat).
Du côté du gouvernement, on fait valoir que la procédure d'autorisation apparaissait trop lourde par rapport à ce qui était réellement nécessaire et pratiqué dans les autres pays européens pour des installations présentant des risques ou des inconvénients importants mais pour lesquelles les mesures préventives sont bien connues. C?est de ce constat qu'est née l'idée de créer le régime de l'enregistrement qui devrait concerner entre 20 et 25 % des installations actuellement soumises à autorisation préfectorale.
Ce nouveau régime, qui ne nécessite ni enquête publique ni étude d'impact, doit donc permettre de réduire de moitié les délais de délivrance des autorisations et de simplifier les dossiers à fournir par les industriels. Le gouvernement assure également que cet allègement de charges administratives devrait permettre une meilleure protection de l'environnement en concentrant les efforts des industriels et de l'administration sur les sujets de prévention des pollutions ou des risques les plus importants, les moyens de l'inspection des installations classées dégagés par cette réforme devant être réaffectés à une augmentation des contrôles de terrain.
Mais les associations de protection de l'environnement y sont très hostiles et font valoir deux arguments.
Le premier concerne un « recul de la réglementation au profit des exploitants » et « une rupture de l'équilibre entre droits des exploitants et droits des tiers ». Pour France Nature Environnement, qui envisage le dépôt d'un recours devant le Conseil d'Etat, « Le dispositif d'enregistrement a été réfléchi pour un déclassement de l'essentiel des installations classées soumises à autorisation et nullement pensé pour un reclassement de certaines installations classées relevant actuellement de la déclaration vers le nouveau régime intermédiaire ».
Le second concerne l'abandon de l'étude d'impact systématique et de l'enquête publique qui aurait pour effet de réduire l'évaluation environnementale et la participation du public.
Alors simplification ou régression ? Probablement les deux : le régime de l'enregistrement devrait réduire dans bien des cas les délais de délivrance des autorisations et simplifiera grandement les dossiers à fournir par les industriels. Mais cette simplification aura incontestablement un coût. Elle se fera au détriment d'une étude approfondie des impacts potentiels de l'installation et de la concertation avec les riverains. Entre développement économique et protection de l'environnement, la voie est parfois très étroite et l'équilibre difficile à trouver?.