On l'attendait depuis longtemps : la révision de l'arrêté du 2 août 2010 relatif à la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) est en cours.
Il était temps !
Car bien que notre pays bénéficie de nombreux atouts pour promouvoir la réutilisation des eaux usées traitées, bien que les entreprises les plus pointues, celles qui contribuent directement à la plupart des grands projets de réutilisation des eaux usées dans le monde soient françaises, nous avons réussi à accumuler en deux décennies un retard impressionnant.
Cette inertie, qui confine à la frilosité, se justifie de plus en plus difficilement. L?amélioration continue des techniques de traitement, les tensions croissantes liées aux changements climatiques et bien d'autres raisons encore qu'il serait trop long d'énumérer ici plaident en faveur d'un développement de la REUT, technique susceptible de répondre à un triple défi.
Quantitatif d'abord. Car s'il est vrai que notre pays dispose, globalement, de ressources considérées comme abondantes, celles-ci sont inégalement réparties. Les fortes tensions qui pèsent désormais sur la ressource dans plusieurs régions et les arrêtés récurrents de restriction ou d'interdiction relatifs aux prélèvements et aux usages en témoignent. La réutilisation des eaux usées traitées, ressource à part entière, peut nous aider à répondre, dans certaines régions, à ce défi.
Qualitatif ensuite. En préservant la ressource, en permettant le maintien d'une multiplicité d'usages ou encore en réduisant les rejets de nutriments et de polluants dans des zones naturelles sensibles, la REUT peut être considérée comme une véritable mesure de protection de l'environnement. Elle constitue à ce titre un outil important qui peut nous permettre d'atteindre, second défi, le bon état écologique des eaux requis par la directive-cadre.
Le troisième défi est d'ordre économique. La réutilisation des eaux usées traitées s'avère souvent moins coûteuse que la mobilisation d'une ressource nouvelle. C?est la raison pour laquelle elle se pratique fréquemment en boucle courte dans l'industrie, la chimie, l'agroalimentaire,?.etc.
Malgré ces atouts, la REUT, freinée par une règlementation restrictive, reste peu utilisée en France. La réglementation sur la réutilisation des eaux usées traitées ne concerne que la réutilisation agricole. Il y a donc, sinon un vide, au moins un flou juridique concernant les autres usages, bien évidemment peu propice à l'émergence de projets.
L?Union européenne, également à la traine, se borne à indiquer dans l'article 12 de la directive n°91/271 de 1991 sur les eaux usées, que « Les eaux usées traitées sont réutilisées lorsque cela se révèle approprié ».
Le projet de révision soumis à consultation jusqu'au 8 juin 2014 permettra-t-il de débloquer cette situation en encourageant la réutilisation des eaux usées traitées ?
C?est peu probable, principe de précaution oblige.
Le projet soumis à consultation ne modifie qu'à la marge les conditions de réutilisation des eaux usées traitées. Au ministère de l'écologie, on joue la prudence en indiquant que si les normes sanitaires retenues par l'arrêté du 2 août 2010 paraissent très supérieures à celles préconisées par l'OMS pour les pays en voie de développement, elles sont du même ordre de grandeur que celles des pays qui ont choisi la même protection sanitaire des populations, comme l'Australie, l'Espagne ou l'Italie.
Nous voilà donc sauvés : nous sommes prudents mais pas plus que d'autres ! De quoi passer à côté d'un triple défi en restant à l'écart d'un enjeu devenu stratégique et d'un marché qui croit de plus de 25 % par an.