La société Loïra teste un pilote industriel, installé dans la zone industrielle de Basso Cambo à Toulouse, qui vise à éliminer les xénobiotiques qui résistent aux techniques actuelles d'épuration, mêmes les plus innovantes. Les résultats des tests du pilote, annoncés pour juin, pourraient permettre d'équiper prochainement les hôpitaux, les laboratoires pharmaceutiques'etc.
Le terme « xénobiotiques » regroupe des composants actifs comme les pesticides, les médicaments de type antibiotiques, anticancéreux ou hormones de synthèse, par exemple. Souvent toxiques, ces substances sont soupçonnées d'être à l'origine de nombreuses pathologies endocriniennes et neurologiques et mobilisent de plus en plus l'attention des chercheurs. Plusieurs études récentes ont, par exemple, montré une augmentation anormale de la proportion d'individus femelles chez les poissons d'eau douce, dont la cause serait le déversement de substances toxiques dans les cours d'eau, les nappes, les rivières.
Problème : aujourd'hui, ces substances ne sont pas détruites ou dégradées dans les filières traditionnelles de traitement des eaux usées et restent donc présentes dans les eaux usées rejetées dans le milieu naturel, voire dans certaines eaux destinées à la consommation humaine, après et malgré les process épuratoires. Une étude, récemment publiée par le Cemagref et le Cirsee a révélé que les stations d'épuration conventionnelles arrêtaient 85% des substances prioritaires définies par la directive cadre sur l'eau comme devant être réduites ou éliminées à l'horizon 2015 et environ 35% de l'ensemble des autres substances étudiées dans le cadre de cette étude.
Aussi est-il important de développer un procédé techniquement compatible avec les filières existantes de traitement des eaux, économiquement acceptable tant en investissement qu'en fonctionnement et d'une relative facilité de mise en ?uvre.
C?est le pari que pourrait avoir réussi la société Loïra, PME spécialisée dans le traitement des eaux, en partenariat avec le laboratoire des interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique de l'Université Paul Sabatier de Toulouse et l'Institut anticancéreux Claudius Regaud, et avec le concours de l'Agence de l'Eau Adour-Garonne.
Ensemble, ces acteurs ont développé une technique photochimique qui permettrait la dégradation totale des xénobiotiques présents dans l'eau. Un procédé qui, de plus, n?engendrerait aucun sous-produit autre que des molécules organiques simples (H2O, CO2,?). « Les études et les tests effectués en laboratoire, à partir des effluents recueillis au centre anticancéreux de Claudius Regaud, partenaire du projet, ont permis de définir les conditions expérimentales pour obtenir la chaîne de réactions aboutissant à la dégradation, par minéralisation complète, de différentes molécules modèles de xénobiotiques » explique Jacques Debuire, fondateur de Loïra, à l'origine du procédé. « Ces tests ont démontré l'efficacité de la méthode, qui a fait l'objet d'un dépôt de brevet international en avril 2009. Le pilote industriel lancé aujourd'hui à Toulouse, signe la dernière étape de validation de cette innovation mondiale ».
Le montant global du pilote industriel de Loïlyse s'élève à 600 000 euros dont 40% sont financés par l'Agence de l'eau Adour-Garonne et 40% par le Feder (Fonds Européen de Développement Régional), dans le cadre de son programme « Protection des ressources en eau ». Ce projet est également soutenu par le Grand Toulouse, porté par Henri Matéos, président de la commission eau et assainissement, qui a mis à disposition, pour la réalisation de la phase pilote, des bâtiments dont il est propriétaire.
Un bilan devrait être dressé en juin pour valider définitivement les tests industriels et ouvrir la voie à la commercialisation du procédé, avec des perspectives d'équipement pour les hôpitaux, mais aussi les laboratoires chimiques et pharmaceutiques, bien au-delà des frontières nationales.