Escherichia coli et les bactéries coliformes associées sont les paramètres les plus importants à détecter dans l'analyse de l'eau potable. En France, la détection et le dénombrement de ces bactéries se fondent sur leur croissance sur un milieu TTC-Tergitol selon NF EN ISO 9308-1. Mais des progrès dans la détection d'enzymes spécifiques à E. coli et aux coliformes associés ont permis de développer des méthodes plus rapides. L?une d'elle, la méthode Colilert®-18/Quanti-Tray®, conçue par les Laboratoires IDEXX, a récemment reçu la validation d'AFNOR Certification, ce qui ouvre la voie à son utilisation dans le cadre des contrôles sanitaires officiels. Rencontre avec Philippe Rousselin, Responsable des affaires réglementaires pour la Division Eau des Laboratoires IDEXX.
L?Eau, L?Industrie, les Nuisances : En France, les nouvelles méthodes alternatives doivent être validées avant d'être adoptées. Cette validation intervient après définition des caractéristiques de performances de la méthode concernée. Si ces caractéristiques sont satisfaisantes, une étude comparative avec la méthode de référence est menée. Quels ont été les résultats de la méthode Colilert par rapport à la méthode de référence ?
Philippe Rousselin : La méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® a été validée par rapport à la méthode de référence dans une étude conduite sur la base d'un nouveau protocole développé par AFNOR Certification ; ce dernier était appliqué pour la première fois à des échantillons d'eau potable dans le but de certifier une méthode alternative pour analyser l'eau destinée à la consommation humaine. Une étude préliminaire a été menée qui a permis d'évaluer l'exactitude, la linéarité, les limites de détection et de quantification, la sélectivité de la méthode Colilert®-18/Quanti-Tray®. La méthode a été évaluée sur la base de plusieurs échantillons d'eau de distribution dopés avec des souches de bactéries coliformes et d'E.coli. Toutes les caractéristiques des performances évaluées du système Colilert®-18/Quanti-Tray® se sont avérées satisfaisantes. À la fin de cette étude préliminaire, une étude inter-laboratoires a été menée avec 13 laboratoires participants qui ont reçu des échantillons contaminés à différents niveaux par une souche d'E.coli. Ces échantillons ont été analysés avec les deux méthodes NF EN ISO 9308-1 et Colilert®-18/Quanti-Tray®. Les résultats de chaque méthode ont ensuite fait l'objet d'une comparaison statistique. La méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® s'est avérée être équivalente à la méthode NF EN ISO 9308-1.
E.I.N. : Est-ce que ces conclusions recoupent les études entreprises dans d'autres pays européens pour comparer cette méthode avec la méthode de référence NF EN ISO 9308-1 ?
P.R. : Oui, nous n?avions aucune inquiétude sur ce point dans la mesure où la méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® a déjà été adoptée par une quarantaine de pays dans le monde. En Europe, elle est reconnue comme méthode alternative de contrôle de la qualité de l'eau au sens de la directive européenne n°98/83/CE, et est déjà utilisée par 11 Etats européens pour les tests de contrôle à valeur officielle, notamment en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni et en Italie.
Il était donc parfaitement logique que ces conclusions recoupent les nombreuses études effectuées sur le sujet dont certaines ont même fait apparaitre des numérations légèrement supérieures, laissant penser que cette méthode, nettement plus rapide, est aussi plus précise.
La méthode Colilert®-18/Quanti-Tray® se fondant sur les définitions révisées de l'ISO des E.coli et des bactéries coliformes, il est logique qu'elle soit plus exacte puisqu'elle peut identifier toutes les bactéries incluses dans les nouvelles définitions.
E.I.N. : Le processus de validation et l'obtention de cette attestation ont représenté un gros travail ?
P.R. : Oui, bien entendu dans la mesure où il s'agissait en France de la première étude destinée à valider scientifiquement une méthode alternative de contrôle de la qualité de l'eau potable. En dehors de l'élaboration du protocole de validation par le bureau technique d'AFNOR Certification qui a nécessité près de trois années de travail, le processus de validation de notre méthode a duré un peu moins d'une année. Globalement, ce processus s'articule en trois étapes. La première consiste en une certification des sites de production de l'entreprise considérée. Cette étape est suivie d'une validation intra-laboratoire avec le laboratoire référent de l'étude, en l'occurrence ISHA. Vient ensuite la troisième phase, qui est une validation inter-laboratoires par huit laboratoires au moins. Dans notre cas, pas moins de 13 laboratoires ont participé à l'étude.
E.I.N. : Quelle est la portée pratique réelle, pour les utilisateurs, de l'attestation officielle d'Afnor Certification concernant le Test Colilert-18-Quanti-Tray ?
P.R. : Pour les utilisateurs de la méthode Colilert-18-Quanti-Tray, c'est une preuve supplémentaire du fait que la méthode constitue une alternative fiable et équivalente à la méthode actuelle NF EN ISO 9308-1. Ceux qui l'utilisent depuis longtemps, notamment dans le cadre de l'autocontrôle (ou « autosurveillance »), savent bien qu'elle permet d'obtenir des résultats confirmés au bout d'une incubation de 18 heures, ce qui est moins long que les 48 à 72 heures nécessaires pour la méthode de référence NF EN ISO 9308-1. Pour ceux qui hésitent encore à l'utiliser, c'est une démonstration supplémentaire de son efficacité.
Pour nous, Laboratoires Idexx, cette validation par l'AFNOR est bien entendu une phase obligatoire, demandée par la Direction générale de la Santé. C?est donc une étape essentielle vers l'extension de l'utilisation de Colilert-18-Quanti-Tray aux contrôles sanitaires officiels.
E.I.N. : Quelle est la prochaine étape pour que la méthode soit reconnue, comme dans d'autres pays européens, comme test de contrôle à valeur officielle ?
P.R. : La prochaine étape est l'autorisation formelle de la méthode de Colilert-18-Quanti-Tray par le ministère de la Santé pour une utilisation dans le cadre du contrôle sanitaire officiel.
E.I.N. : A quelle échéance ?
P.R. : Cette décision appartient aux pouvoirs publics. Nous pensons que ce n?est raisonnablement plus qu'une affaire de mois. Scientifiquement, nous avons fait nos preuves et nous avons fournis tous les éléments en termes de validation qui nous étaient demandés. Nous sommes également confiants dans le fait que dans le cadre d'une bonne et saine gestion du risque, la possibilité de disposer de méthodes plus rapides est un « plus » qui ne sera pas négligé par les pouvoirs publics.
Propos recueillis par Vincent Johanet