Que ce soit sur le terrain ou en laboratoire, les solutions d’analyse rapide de la qualité de l’eau potable, des eaux de process, etc. sont aujourd’hui une alternative très intéressante pour les exploitants, les collectivités locales et les industriels. En plus de la réactivité bien plus importante, ces solutions se distinguent également, notamment, par leur précision et leur spectre de détection supérieur à celui qu’offrent les méthodes de référence.
Des événements comme l’annulation de la compétition de relais mixte de l’épreuve test des Jeux olympiques et paralympiques (JO) 2024 à la fin de l’été 2023, en raison d’une concentration trop élevée de bactéries Escherichia coli (E. coli), une contamination bactérienne dans le réseau d’eau du Tronquay, dans l’Eure, ou encore, plus récemment, une suspicion de contamination de l’eau potable dans un centre de vacances à Bouvante, dans le Vercors drômois, nous rappellent que la bonne qualité de l’eau que l’on boit ou dans laquelle on se baigne ne va pas forcément de soi. Sans compter le contrôle de composés supplémentaires, identifiés désormais comme cancérogènes, ou potentiellement cancérogènes, pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) dans l’eau de consommation, des composés tels que, respectivement, l’acide perfluoro-octanoïque (APFO) et l’acide perfluoro-octane-sulfonique (SPFO) deux membres des fameuses substances peret polyfluoroalkylées (PFAS) – le 1er décembre 2023. Pour diverses raisons, il arrive que la qualité de l’eau se dégrade, et les personnes en charge des réseaux d’eau concernés, que ce soit des exploitants, des laboratoires de contrôles, voire des industriels, se doivent alors d’être en mesure de réagir le plus vite possible afin d’éviter que des personnes tombent malades, voire pire. «Lorsqu’on parle d’analyse rapide de l’eau, on entend également la mesure de paramètres physico-chimiques de l’eau [voir encadré page 68]», précise Mehalia Medjahed, ingénieure produits Solutions chez Xylem Analytics.
Hach propose
par exemple une très large gamme de
tests colorimétriques simples d’utilisation pour les paramètres azotés, le
phosphore, les métaux, la DCO et la
majorité des paramètres classiques.
Dans le domaine des analyses microbiologiques, il existe des laboratoires dotés
des moyens analytiques pour réaliser
l’ensemble des contrôles imposés par
les normes, à l’instar des paramètres
bactériologiques (germes viables, E. coli
et entérocoques, Pseudomonas aeruginosa, Staphylocuccus aureus, spores
de micro-organismes anaérobies sulfito-réducteurs…), des paramètres
de toxicité et des analyses chimiques
complémentaires.
«Au-delà de la réglementation en vigueur,
les collectivités locales et les exploitants
en délégation sont très intéressés par
des solutions qui leur permettraient de
disposer beaucoup plus rapidement d’une
indication de la qualité de l’eau. Il faut, par
exemple, plusieurs jours pour connaître la
flore totale. En cas de problème, cela peut
être déjà trop tard», explique Jonathan
Macron, Directeur général de Redberry.
Et l’enjeu, pour ces responsables du
contrôle-qualité, peut être très important si, par exemple, quelqu’un meurt
en buvant de l’eau distribuée comme
potable. Diamidex, société française
spécialisée dans la détection rapide
de microorganismes, étend sa gamme
avec deux nouveaux compteurs, MICA
Advance Legionella et MICA Highlight
Bioburden, qui combinent la fiabilité
de la culture microbienne à la rapidité
d’obtention d’un résultat (jusqu’à 80%
plus vite que les méthodes standard).
Les solutions proposées par Diamidex
(biocharge totale, Legionella pneumophila, Pseudomonas aeroginosa) donnent
un résultat en UFC (Unité formant colonie), soit l’unité de mesure standard en
laboratoire. Le dénombrement obtenu
avec MICA étant conforme aux réglementations, il permet de conserver le
même référentiel d’action.
DE L’EAU POTABLE AUX EAUX INDUSTRIELLES
On parle, ici, du contrôle de l’eau potable, avec les exploitants (collectivités locales et délégataires), mais il existe d’autres secteurs où les utilisateurs sont demandeurs de solutions d’analyse rapide. Il y a en effet, en plus des eaux usées et des eaux de baignade, les eaux de process utilisées en agroalimentaire et en industrie pharmaceutique (fabrication des médicaments), les eaux de rejet. En agroalimentaire, on teste les eaux de rinçage pour contrôler la qualité microbiologique des produits, parce qu’il est plus facile de tester l’eau qui sert au lavage de salades, que les salades elles-mêmes. On contrôle également les eaux lors des phases de nettoyage pour vérifier la bonne réalisation des traitements. On peut alors très facilement comprendre que toutes ces personnes responsables du contrôle-qualité soient demandeuses de davantage de garanties et veuillent aller plus loin que ce que leur impose la réglementation. C’est ainsi que la demande en méthodes alternatives progresse significativement depuis une vingtaine d’années.
Ce que l’on
entend par «méthodes alternatives»,
ce sont en fait des méthodes d’analyse
qui permettent de fournir un résultat
(bien) plus rapidement que les méthodes
normalisées traditionnellement mises
en oeuvre en laboratoire.
Si on fait un petit peu d’histoire, le
contrôle microbiologique ne date pas
de hier, Louis Pasteur (1822-1895) en faisait déjà à son époque dans des boîtes
de Petri, principalement. L’inconvénient
principal de cette méthode est un temps
très long avant d’obtenir des résultats,
parce qu’elle repose sur une phase de
mise en culture des échantillons en
milieu gelosé. «Cela peut se compter
en jours, voire en semaines pour certaines flores. Et on n’est pas à l’abri d’une
erreur de dilution ou d’une contamination sur la boîte de Petri, ce qui invaliderait le contrôle.», constate Tristan Jaget,
ingénieur technico-commercial pour les
applications Eaux chez Redberry.
Pour Fabrice Le Gendre, EMEA Sales
Manager chez IDEXX, «en plus de leur
temps de rendu des résultats (généralement deux fois plus long), les faiblesses
des méthodes traditionnelles sont également l’expertise nécessaire pour mettre
en œuvre ces analyses, les contraintes
de stockage et d’approvisionnement et
la dangerosité de certains réactifs utilisés, ainsi que, parfois, la performance
des méthodes elles-mêmes.»
RÉPONDRE AUX DEMANDES DE RÉACTIVITÉ
Comme on le mentionnait précédemment, « les analyses rapides sont
utilisées en exploitation pour suivre
les performances des filières de traitement, effectuer des contrôles de qualité, après nettoyage de stockage des eaux
ou remise en eau des canalisations, etc.,
afin de contrôler les rejets de stations de
traitement, évaluer la quantité de bactéries dans des eaux de baignade, par
exemple », rappelle Fabrice Le Gendre
(IDEXX).
La société propose l’ensemble des
méthodes rapides et validées, voire
normées, pour les E. coli et les bactéries
coliformes (Colilert-18), les entérocoques, la flore totale, les Pseudomonas
aeruginosa ou encore les légionelles
(Legiolert). «La méthode de culture du
Legiolert rend l’analyse des légionelles
plus facile et donne des résultats fiables plus rapidement que la méthode traditionnelle», précise-t-il.
Hach dispose d’une vaste gamme de
dispositifs d’analyses rapide, de la
simple bandelette indicatrice au spectrophotomètre UV/Visible DR6000.
En effet l’analyse rapide n’est pas toujours synonyme d’analyse terrain. Hach
travaille beaucoup au développement de
nouveaux tests, notamment pour proposer des gammes d’analyses adaptés
aux besoins des clients. Par exemple,
pour l’ammonium, Hach peut fournir une quinzaine de tests différents,
permettant de mesurer des concentrations allant de 0.005 mg/l à 1800 mg/l.
«Hach privilégie des solutions simples,
rapides, fiables et sécurisées. Le SL1000,
par exemple, répond à tous ces critères.
Il permet à l’opérateur de faire simultanément 6 analyses sans avoir aucun contact
avec des réactifs chimiques. Cela répond
aux besoins actuels de sécurité, rapidité
et fiabilité d’analyses sur le terrain au
point que certains laboratoires accrédités
l’utilisent maintenant quotidiennement»,
explique Dominique Conjard, Spécialiste
marchés et produits gamme laboratoire
chez Hach.
En matière de rapidité, l’analyse par ATPmétrie quantitative DENDRIDIAG® offre une évaluation de la charge bactérienne en seulement deux minutes sur le terrain. Lancés en 2010 par GL Biocontrol, les kits DENDRIDIAG® se sont imposés par leur simplicité d’utilisation. Initialement adoptés dans le domaine de l'eau industrielle et de l’ECS, ils ont étendu leur champ d’application à l’eau potable il y a cinq ans. «Cette analyse est devenu un outil routinier indispensable pour les exploitants d’eau potable, aidant dans des opérations critiques telles que le lavage de réservoirs, la pose de canalisations ou le raccordement après casse par exemple. Son efficacité pour gérer la levée de non-conformités, de doutes ou les réclamations clients, témoigne de sa fiabilité.» explique Yannick Fournier, responsable commercial chez GL Biocontrol. En intégrant une interprétation croisée des analyses microbiologiques avec les paramètres physicochimiques via l’application Lumen, le kit offre une vision complète et précise de la qualité de l'eau. «L’ATP-métrie est reconnue par de nombreux agents ARS pour sa capacité à offrir une réactivité essentielle lors des gestions de crises et des interventions sur le terrain» ajoute Yannick Fournier.
Avec le Photopod S, Aqualabo propose pour sa part un photomètre numérique de terrain reliable à un PC (logiciel Spectralab fourni) par câble USB. Il peut analyser plus de 40 paramètres avec des méthodes simples convenant à tous types d’eau: STEU, chaufferie, piscine, industrie, milieu naturel… Au lieu d’un PC, le Photopod peut aussi être relié à un appareil portable spécifique, l’Odeon, qui accepte également des capteurs physicochimiques. L’ensemble Photopod-Odeon constitue une solution originale combinant mesures photométriques (plus de 50 paramètres) et physicochimiques (plus de 10 paramètres). Le Toxmini d’Aqualabo est pour sa part un appareil portable qui repose sur l’utilisation de bactéries luminescentes pour tester la toxicité d’un échantillon d’eau. Il peut être utilisé au laboratoire ou sur le terrain grâce à des batteries internes rechargeables. «L’alternative des mesures rapides ne doit toutefois pas souffrir d’un manque de qualité : la réponse doit être fiable pour une décision appropriée. Il est erroné d’opposer méthodes rapides et méthodes de référence: par exemple, pour les toxines de cyanobactéries, ce sont les tests sous format Elisa, considérés comme méthode rapide, qui sont recommandés. L’Elisa Microcystine, principale toxine réglementée, est la méthode officielle EPA 546 aux États-Unis», indique Sylvain Enguehard (Novakits). Et de fait, avec la norme ISO 15705 de 2002, la DCO a été le premier paramètre à être normalisé en tubes prêts à l’emploi. En 2023, l’ammonium, le nitrate et l’azote global ont également été normalisés ISO.
CES SOLUTIONS NE REMPLACENT PAS LES TECHNICIENS
De son côté, Redberry a développé la plate-forme automatisée Red OneTM, basée sur une nouvelle génération de technologie de cytométrie en phase solide brevetée. Associant l’analyse de fluorescence en temps réel et des techniques avancées de traitement d’image, cette solution permet de réaliser une énumération de la flore totale viable en 10 minutes, dans un volume de 1 à 250 ml, une énumération spécifique d’E. coli en moins de 7 heures. La société française étend son offre en 2024 avec le kit d’auto-contrôle par ATP-métrie Matipi et les solutions Bluephages pour la détection et l’énumération des coliphages conformément à la Directive européenne 2020/2184.
Au-delà du besoin de réactivité, Jonathan Macron (Redberry) met en avant d’autres raisons à la demande d’analyses rapides de l’eau : «Aujourd’hui, les méthodes alternatives peuvent détecter les bactéries viables y compris celles non cultivables sur boîte de Petri qui dans certains cas sont très majoritaires. La cytométrie en phase solide permet même de compter jusqu’à quelques cellules en dix minutes grâce à sa très faible sensibilité au “bruit de fond”, ce qui n’est pas le cas des autres méthodes du marché, ATP-métrie ou cytométrie en flux.» «Par ailleurs, le contrôle par culture est chronophage et il peut y avoir des différences entre l’interprétation d’un même échantillon faite par deux techniciens différents. Mais les solutions d’analyse rapide ne viennent nullement remplacer les techniciens. Ce sont des outils d’aide à la décision: ils fournissent un résultat et c’est au technicien de l’interpréter afin de déterminer s’il est possible de libérer le lot, de mettre en place une action, etc.», constate Jonathan Macron.
«En obtenant des réponses fiables et rapides concernant les paramètres microbiologiques des eaux, les utilisateurs ne sont plus obligés de disposer des compétences pour mener une analyse microbiologique traditionnelle, et les laboratoires sont en mesure d’améliorer leur productivité et de fournir des résultats rapides à leurs clients», ajoute Fabrice Le Gendre (IDEXX). En ce qui concerne la réglementation, «les autorités prennent maintenant en compte l’analyse dans son ensemble, à savoir le prélèvement, l’analyse proprement dite, sa fiabilité, l’usage du résultat. Les besoins et contexte analytique du donneur d’ordre sont mieux intégrés. Et, plus généralement, les utilisateurs attendent également une reconnaissance des méthodes alternatives par les autorités. Une validation Nf en France ou AOAC aux États-Unis va dans ce sens il s’agit d’une démarche volontaire du fabricant, mais nous n’avons aucun système similaire en Europe», constate Sylvain Enguehard (Novakits).
VERS L’AUTOMATISATION ET AU-DELÀ…
« L’évolution des réglementations s’appuie beaucoup sur les recommandations de l’OMS [Organisation mondiale de la santé, NDR]. Selon elle, l’une des principales lacunes de la protection de la santé publique est une surveillance encore trop souvent réactive de la sécurité microbienne de l’eau potable. C’est pourquoi l’OMS préconise l’utilisation de méthodes plus rapides et fiables, et davantage de contrôles. On constate par ailleurs la mise en place d’une approche basée sur les risques, comme c’est déjà le cas pour l’analyse des produits alimentaires, avec la mise en place du Plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) », indique Fabrice Le Gendre (IDEXX).
«Des évolutions ont lieu régulièrement sur les textes régissant le contrôle des eaux. Les instances réglementaires travaillent sur les méthodes “rapides” alternatives aux méthodes de référence. Cependant, il n’est pas annoncé d’évolutions majeures sur ce sujet à court terme.», affirme Tristan Jaget (Redberry). Pour la société, le véritable enjeu est désormais l’adoption des méthodes d’analyse rapide par le plus grand nombre. L’automatisation rend possible les mesures en ligne continues. En éliminant le transport vers le laboratoire, on raccourcit d’autant le délai d'obtention des données tout en maximisant l’intégrité des échantillons. bNovate développe des solutions comme le BactoSense, qui détecte 99% des cellules présentes dans l’eau grâce à la cytométrie en flux.
Cet appareil prélève, prépare, mesure et analyse les
échantillons automatiquement. Il est
utilisable en ligne, fonctionnant alors
de manière totalement autonome, mais
peut aussi être transporté pour mesurer
des échantillons prélevés manuellement.
Le BactoSense transmet des données
numériques, par exemple vers un système de télégestion (SCADA) qui peut
alors déclencher des actions telles que
l’ouverture/fermeture automatisée de
vannes, la régulation d’intervalles de
mesure ou l'émission d'alarmes pour les
opérateurs. «Un corollaire de l’automatisation est la numérisation qui permet
d’intégrer en temps réel de nombreuses
données dans un système de supervision
industrielle. Traiter en même temps les
résultats de microbiologie et les mesures
d’autres paramètres physicochimiques
ouvre la voie à une gestion efficace et
durable de l’eau et à un meilleur contrôle
à distance des installations» explique
ainsi Nana Diarra dit Konté, Responsable
Marketing chez bNovate.
Pour Fabrice Le Gendre (IDEXX),
en plus de la simplification des analyses,
«le marché s’oriente progressivement
vers l’automatisation dans le but de toujours plus réduire les temps d’obtention
des résultats. Nos nouveaux instruments Tecta B4 et Tecta B16, dotés respectivement de 4 et 16 chambres d’incubation,
répondent d’ailleurs à cette demande.»
Ce que confirme Jonathan Macron
(Redberry) en ajoutant que «le suivi des
variations de la qualité de l’eau dans le
temps va également permettre de mettre
en place des modèles afin d’anticiper au
mieux les traitements à réaliser. Au vu
des évènements climatiques qui se produisent, on pourrait aussi voir se généraliser de nombreux tests simples, rapides
et précis pour gérer au mieux la sécurité
sanitaire des populations sinistrées.»